La récupération fonctionnelle après une TPLO est rapide - La Semaine Vétérinaire n° 1282 du 14/09/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1282 du 14/09/2007

Ostéotomie de nivellement du plateau tibial (TPLO) chez le chien

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Guillaume Ragetly

Fonctions : résident en chirurgie, Université de l’Illinois (Etats-Unis).

Les résultats obtenus avec cette technique lors de rupture du ligament croisé antérieur chez le chien sont particulièrement intéressants.

La rupture du ligament croisé cranial est l’une des affections orthopédiques les plus fréquentes chez le chien. Aux Etats-Unis, elle représente pour les propriétaires de chiens des dépenses annuelles qui s’élèvent à plus d’un milliard de dollars (voir bibliographie 1(1)). Qu’elle soit totale ou partielle, le traitement conservateur de cette rupture est une option à réserver strictement aux chiens de race de petite taille sans autre affection associée. Dans 85 % des cas, leur état va, sans chirurgie, progressivement s’améliorer jusqu’à la disparition des signes cliniques. A l’inverse, seulement 30 % des chiens de plus de 15 kg bénéficieront d’une amélioration clinique (baisse de l’intensité ou de la fréquence de la boiterie) dans les dix mois suivant ce traitement conservateur (bibliographie 2).

L’ostéotomie se généralise en Amérique du Nord et gagne du terrain en Europe

De nombreuses techniques chirurgicales sont utilisées, mais malgré les avantages et les inconvénients des différentes procédures, aucune n’a démontré sa supériorité pour le moment. Les méthodes intracapsulaires ont pour objectif de remplacer la fonction du ligament croisé cranial par une autogreffe, une allogreffe, une xénogreffe ou une prothèse synthétique. Les techniques extracapsulaires, qui utilisent des sutures circumfabellaires ou le fascia lata, visent à stabiliser le genou pour une courte période, le temps que la fibrose périarticulaire se développe et stabilise l’articulation de manière durable. Les unes comme les autres permettent d’éliminer le signe du tiroir, typiquement mis en évidence lors de l’examen clinique quand le genou ne supporte pas de poids. L’ostéotomie de nivellement du plateau tibial (tibial plateau leveling osteotomy, TPLO) estune technique développée en 1993 par B. et T. Slocum (bibliographie 4). En 1999, 25 % des chirurgiens orthopédiques la préféraient (bibliographie 3). Depuis, au vu du nombre d’articles scientifiques publiés, la TPLO semble se généraliser en Amérique du Nord, mais gagner aussi du terrain en Europe. La fin du brevet déposé par Slocum en juillet 2004 a probablement contribué à sa popularisation.

La technique TPLO ne stabilise le grasset que lors de la mise en charge du membre

Le grasset est stabilisé passivement par les ligaments, la capsule articulaire et les ménisques, mais aussi activement par les muscles et les tendons. Le ligament croisé cranial a un rôle de contrainte passive qui limite la translation tibiale craniale et la rotation interne du tibia. Lors de sa rupture, les condyles fémoraux glissent au moment de l’appui. Le plateau tibial proximal est projeté cranialement en raison de la pente du plateau tibial et de la contraction des muscles extenseurs du grasset (quadriceps) et du tarse (muscle gastrocnémien). L’objectif de la TPLO est d’éliminer cette poussée tibiale craniale lors de l’appui (voir figure ci-contre).

Le test de Henderson, ou test de compression tibiale (tiroir indirect), met en évidence la présence de cette poussée tibiale craniale déclenchée lors de l’appui chez un chien atteint d’une rupture du ligament croisé cranial. Pour le réaliser, l’opérateur maintient le fémur en plaçant la paume de sa main cranialement le long du fémur distal, le pouce posé sur l’os sésamoïde fabellaire latéral et l’index sur la crête tibiale. De l’autre main, il fléchit le jarret par intermittence, mimant ainsi la mise en charge du membre qui se produit lors de l’appui au sol, pendant la marche. La translation tibiale est perçue par l’avancement de la crête tibiale lorsque le test est positif. A l’inverse des autres méthodes courantes, la TPLO est une technique périarticulaire qui stabilise le grasset pendant la phase d’appui, sans remplacer le ligament ni éliminer le mouvement de tiroir. L’importance de la poussée tibiale craniale augmente avec l’importance de la pente du plateau tibial. Elle peut être neutralisée en modifiant chirurgicalement la pente du plateau.

Une mesure de l’inclinaison du plateau tibial est nécessaire avant la chirurgie

L’inclinaison du plateau tibial correspond à l’angle entre la perpendiculaire à l’axe longitudinal tibial (ligne joignant le point situé à mi-distance des tubercules intercondylaires tibiaux au centre du talus) et la ligne d’orientation du plateau tibial médial (ligne joignant l’extrémité craniale à l’extrémité caudale du plateau tibial). Ainsi, les radiographies utilisées pour la TPLO doivent être centrées sur le genou, mais en incluant le talus (voir photo 1). La pente moyenne du plateau tibial chez les chiens de races moyennes à grandes est comprise entre 19 et 23° environ (bibliographie 5). Lorsque l’inclinaison du plateau tibial est supérieure à 25°, la TPLO est la chirurgie de choix. Des études biomécaniques ont montré que la pente optimale du plateau tibial permettant de stabiliser le grasset se situe entre 5 et 7° (bibliographie 6). Une pente excessive n’inverserait pas totalement les forces, une pente trop faible augmenterait le stress du ligament croisé caudal.

Une ostéotomie permet de faire pivoter le plateau tibial vers l’avant

Une anesthésie épidurale est pratiquée. L’animal est positionné en décubitus dorsal. Une voie d’abord cranio-médiale du grasset est réalisée. Lorsque l’exploration articulaire est effectuée par arthroscopie, la peau est incisée selon un trajet allant du bord médio-distal de la rotule au niveau de la base de la crête tibiale. L’incision est étendue de quelques centimètres proximalement à la rotule si l’exploration articulaire est réalisée par arthrotomie. Une arthroscopie ou une arthrotomie du genou est pratiquée afin de réséquer les parties rompues du ligament croisé, mais également de visualiser les ménisques et de traiter les éventuelles lésions méniscales. La capsule articulaire est ensuite suturée.

La face médiale du tibia est mise à nu, l’insertion des muscles sartorius, semi-membraneux et gracile est incisée. L’origine des muscles poplité et tibial-cranial l’est également et les muscles sont élevés pour permettre le passage d’une compresse entre chaque muscle et le tibia. Cela permet de protéger les tissus mous, particulièrement l’artère et la veine poplitées.

A l’aide de différents repères (proximité de l’articulation, bord caudal du plateau tibial) et selon la taille de la scie et de la plaque utilisée, un “jig” (fixateur externe temporaire unilatéral constitué de deux broches, une dans le tibia proximal, l’autre dans le tibia distal) est placé. Il sert à maintenir les segments après l’ostéotomie, ainsi qu’à guider le positionnement de la scie. Selon la technique de Slocum, une scie biradiale est utilisée pour réaliser l’ostéotomie. D’autres techniques sont développées pour réduire l’angle du plateau tibial, mais leur taux de complications semble supérieur. Le placement de la scie est déterminant, afin d’avoir suffisamment de place pour fixer la plaque après l’ostéotomie, tout en préservant la crête tibiale. De plus, il est important que l’ostéotomie soit perpendiculaire à la face caudale du tibia pour faciliter la rotation. Lorsque le premier cortex du tibia est scié, un ostéotome est utilisé pour marquer chaque côté de l’ostéotomie à une distance appropriée, définie selon la pente du plateau tibial avant la chirurgie et la taille de la scie utilisée (voir figure ci-dessus). L’ostéotomie est ensuite complétée et les compresses retirées.

Le chirurgien fait pivoter le fragment proximal afin que les deux marques s’alignent, permettant ainsi de corriger la pente de la crête tibiale. Une broche est implantée dans la crête tibiale selon un axe crânio-caudal afin d’assurer une réduction temporaire. Une fixation interne est ensuite réalisée à l’aide d’une plaque spécifique acceptant entre six et neuf vis. Les broches sont retirées et la plaie est refermée de façon classique.

Après les radiographies postopératoires (voir photos 2 et 3), un bandage compressif de type Robert-Jones modifié peut être appliqué durant douze heures. Le plus souvent, le chien est hospitalisé douze à vingt-quatre heures après la chirurgie. La rééducation postopératoire débute dès la troisième semaine pour une période de six semaines, le temps de la cicatrisation osseuse. Un traitement anti-inflammatoire (AINS) est habituellement prescrit pendant deux semaines.

Le taux de réintervention chirurgicale est inférieur à 5 %

Les articles évaluant les complications liées à cette intervention font état d’un taux global de complications d’environ 20 % (y compris les complications mineures telles que l’enflure des tissus mous, l’irritation liée au bandage, etc.). Cependant, le taux de réintervention chirurgicale est inférieur à 5 % (bibliographies 7 et 8). Les complications les plus fréquemment décrites incluent la persistance de la poussée craniale tibiale, une progression de l’arthrose, des affections méniscales et des infections, des fractures de la crête tibiale ou de la fibula, des desmites patellaires et des défaillances des implants.

Une étude à court terme, qui compare les chiens opérés avec une technique traditionnelle et la TPLO, montre que cette dernière permet de retrouver un appui précoce, une meilleure récupération fonctionnelle et une meilleure amplitude articulaire (bibliographie 9). Une étude récente a comparé la progression de l’arthrose à long terme via des images radiographiques. Les chiens dont l’arthrose progresse le plus ont 5,78 fois plus de chances d’avoir subi une stabilisation extracapsulaire (bibliographie 10). Cependant, une étude comparant trois groupes de chiens opérés par TPLO, par les techniques intracapsulaire ou extracapsulaire, démontre que la première obtient des résultats inférieurs, mais ne met pas en évidence de différence statistique entre la TPLO et la stabilisation extracapsulaire (bibliographie 11).

La TPLO requiert un matériel spécifique, des compétences chirurgicales spécialisées ainsi qu’une connaissance précise de la technique. Elle mérite d’être connue et proposée en parallèle des méthodes plus traditionnelles, particulièrement pour les animaux de grande taille, ainsi que pour les chiens sportifs ou de travail.

  • (1) Voir la bibliographie complète sur le site Planete-vet.com, rubrique “bibliographie”, mot clé “SV-1282-36”.

  • Voir aussi : Le Point vétérinaire, avril 2007, n° 274, en pages 64-65 et Le Point Vétérinaire, mai 2007, n° 275, en pages 14-15.

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