L’importation d’un animal enragé demeure le seul vrai risque en France

Le dernier cas de rage autochtone en France (chiroptères exceptés) remonte au 23 décembre 1998, chez un chat en Moselle. L’Hexagone est donc indemne de rage depuis 2001. Progressivement, le front de la rage recule vers l’Est. Aujourd’hui en Europe, la maladie est surtout présente en Ukraine, en Fédération de Russie (avec deux cas humains en 2006), en Biélorussie, en Lituanie, en Turquie, en Croatie et en Lettonie, pour ne citer que les pays ayant diagnostiqué de nombreux cas chez des animaux domestiques en 2006 (^{voir carte}). Au plan mondial, la rage est responsable de cinquante mille à soixante mille morts par an, dont vingt mille à trente mille en Inde.

Outre la vaccination des chiens, celle des renards par voie orale est un moyen de lutte efficace. En France, des campagnes de vaccination le long des frontières avec l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique ont perduré jusqu’en 2003. « Nous les avons reprises en 2005, à la suite d’une épidémie allemande qui avançait à une vitesse fulgurante, se souvient Benoît Combes, directeur de l’Entente rage et zoonoses (ERZ) en charge des opérations de terrain. Elle s’est arrêtée à 55 km de la frontière. » Aujourd’hui, aucun cas de renard infecté n’est recensé chez nos voisins directs. Le risque d’un retour de la rage vulpine est donc improbable. Une vigilance reste toutefois nécessaire, car « la rage vulpine est bien moins maîtrisable que la rage canine et donnerait lieu à une véritable flambée, puisque le taux résiduel de protection vaccinale des renards est faible. »

Des contrôles aux frontières françaises et européennes suffisants ?

Depuis 2001, plusieurs cas de rage ont concerné des chiens importés ou de retour en France d’un pays infecté. Le plus médiatisé, car il a nécessité une enquête épidémiologique de grande envergure, est celui du chiot Tikky ramené illégalement du Maroc en Gironde, en août 2004. Ces cas illustrent le véritable risque rabique actuel en France. Même si les conditions d’entrée sur notre territoire sont théoriquement suffisantes pour prévenir ce risque, l’expérience prouve que leur contrôle ne l’est pas. Le cas diagnostiqué dans le Morbihan en février 2004 concernait un chien français revenu contaminé du Maroc. La non-validité de sa protection vaccinale (aucun rappel depuis 2001) n’a pas été repérée.

Jacques Barrat est à la tête de l’unité d’épidémiosurveillance des maladies de la faune sauvage et des carnivores domestiques à l’Afssa de Nancy. Pour notre confrère, l’évolution de la réglementation vers une diminution de la prévention vaccinale en France peut se comprendre, sous condition de contrôles efficaces aux frontières et à l’échelle européenne. Les voyageurs en voiture ou en bateau rentrent du Maroc en Europe via l’Espagne, par exemple. Les informer est indispensable : « Après la révélation au grand public du cas de Tikky, nombre de personnes se sont inquiétées, avouant avoir aussi ramené illégalement un animal… »

Les suspicions de rage ont fortement baissé depuis 1996

Une vigilance permanente sur le territoire reste évidemment de mise. Les laboratoires agréés en France pour poser un diagnostic d’infection rabique (Institut Pasteur et Afssa de Nancy) ont été sollicités pour mille huit cent dix-sept cas l’an passé (^{voir tableau}). « Jusqu’en 1996, nous étions sur un rythme de cinq à six mille diagnostics par an à l’Afssa et trois à quatre mille à l’Institut Pasteur, explique Jacques Barrat. La baisse est régulière depuis, et le nombre de suspicions tend à se stabiliser. »

Bien entendu, aucun cas ne s’est révélé positif en 2006, sauf trois chez des chauve-souris. Mais les chiroptères sont infectés par un lyssavirus (EBL 1 ou 2) de génotype différent de celui responsable de la rage urbaine, et qui présente une spécificité d’espèce. « Expérimentalement, le renard est peu sensible aux virus EBL 1 et 2, rassure Jacques Barrat. Seuls des cas (exceptionnels) de transmission au mouton ou à la fouine sont décrits. » Un Ecossais a succombé également au virus en 2002, infecté par des chiroptères avec lesquels il était régulièrement en contact. Le mode de vie de ces animaux et la faible charge virale transmise lors de morsure ne favorisent pas la contamination de l’homme. « Pour écarter tout risque, il faut savoir qu’un animal sauvage qui n’évite pas l’homme est suspect », prévient notre confrère.

L’existence de sérotines enragées en France n’est donc pas un argument solide pour persuader les propriétaires de continuer à vacciner leur chien, leur chat ou leur furet. En revanche, la rage urbaine au sein de l’Union européenne est une réalité. Benoît Combes est sincèrement étonné par l’arrêt de l’obligation d’une protection vaccinale pour les animaux inscrits à des expositions et à des concours : « Certains participants viennent de pays infectés et, dans certains d’entre eux, les certificats de vaccination sont monnayables… ».