- La Semaine Vétérinaire n° 1277 du 07/07/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1277 du 07/07/2007

À la une

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Il sont six, quatre hommes et deux femmes, à avoir accepté de témoigner. Six délégués vétérinaires passionnés par leur métier, qui évoquent assez peu les « coups durs », mais plus volontiers les relations privilégiées qu’ils entretiennent avec leurs clients, les praticiens.

« Cette activité nous laisse une grande liberté d’organisation »

Première qualité requise pour être un bon délégué vétérinaire : savoir travailler de façon autonome. Certes, il existe des objectifs à atteindre et un “quota” minimal de visites à effectuer chaque semaine, mais le délégué dispose de la liberté de s’organiser comme il l’entend. « Nous sommes responsables de notre secteur et de notre chiffre d’affaires. Nous avons un nombre de visites à faire, mais nous pouvons les planifier comme nous le souhaitons », souligne Claude Dumont, délégué chez Merial (activité animaux de compagnie et de sport). Néanmoins, cette liberté peut être à double tranchant. « Elle nécessite une bonne capacité d’organisation et oblige à être dur avec soi-même, à être rigoureux », précise Valérie Clouet, déléguée chez Bayer (activité canine). Le nombre de visites hebdomadaires s’élève en général à une vingtaine. La fréquence des entretiens dépend de “l’importance” du client et du contrat passé avec lui. En moyenne, Joël Lassale, délégué chez Coophavet (activité rurale et industrielle), se rend ainsi dans cinq cabinets vétérinaires chaque jour. « Je passe chez mes “gros” clients toutes les trois semaines. Pour d’autres, je passe une seule fois, juste pour signer le contrat. »

Bruno Vincent, délégué chez Coophavet (activité rurale et industrielle), est basé en Franche-Comté. « Ma zone d’activité comprend une vingtaine de départements. J’ai plus de mille clients. Mais 20 % d’entre eux font 80 % de mon chiffre d’affaires. Je vois les “gros” clients environ huit fois par an, les “moyens” entre trois et quatre fois et les autres une fois. »

« Je passe au moins cinq heures sur la route chaque jour »

Chaque délégué est responsable d’une zone, qu’il peut ou non partager, selon la politique adoptée par le laboratoire. « J’exerce en binôme avec un autre délégué. Nous nous occupons chacun d’une gamme de produits, sur le même secteur. Nous nous appelons tous les jours. Il nous arrive même de faire des visites ensemble », témoigne Sandra Marchand, déléguée chez Virbac (activité rurale et équine).

Leur métier oblige les délégués à passer un temps non négligeable en voiture. Valérie Clouet, responsable d’un secteur qui couvre quatre départements normands, parcourt à peu près cinq mille kilomètres par mois. « Pour faire ce métier, il faut accepter la part de solitude qui y est attachée. Pour ma part, je reste en contact permanent avec mes collègues, que j’ai plusieurs fois par jour au téléphone », remarque-t-elle. Le délégué est donc seul physiquement, mais en contact permanent avec l’équipe technique et commerciale. Par ailleurs, les périodes de solitude ne font que ponctuer les rencontres avec les vétérinaires et leurs salariés. « Lors d’une visite, je côtoie les vétérinaires associés, les salariés. Au bout du compte, je rencontre une quinzaine de personnes par jour !, témoigne Matthieu Koechlin, délégué chez Merial (activité rurale). Parfois, nous pouvons éprouver des moments de solitude ou de fatigue physique. En contrepartie, ce métier ne présente pas vraiment de routine, ce qui est motivant. Nous sommes toujours dans une dynamique physique et intellectuelle. » « Il est vrai qu’à mes débuts, il y a eu des moments difficiles, se souvient Bruno Vincent. Nous sommes souvent seuls. Cela n’est pas facile les premières années. »

« Je concilie parfaitement vie professionnelle et vie privée »

Comment gérer avec sérénité tant de déplacements ? Une nouvelle fois, tout est une question d’organisation. « Au fil des mois et des années, nous nous adaptons au rythme des visites. Cela n’était pas trop pesant lorsque mes enfants étaient petits. Ça l’est encore moins aujourd’hui », selon Joël Lassale, responsable d’un secteur comprenant une trentaine de départements. Il passe en moyenne trois nuits par semaine à l’hôtel. « Je prends mes rendez-vous le lundi matin pour la semaine suivante. J’essaie de fixer les visites les plus éloignées le mercredi, de façon à être de retour chez moi le vendredi soir. » Bruno Dumont, également responsable d’un large secteur, part “sur les routes” du mardi jusqu’à la fin de la semaine.

Les nuits passées à l’hôtel diminuent parallèlement à l’augmentation de la densité des clients. « Sauf exception, j’arrive à rentrer chez moi tous les soirs et à voir ma famille, témoigne ainsi Valérie Clouet. 90 % de mes clients sont situés à moins d’une heure et demie de route de mon domicile (situé à Rouen). Comme j’ai des enfants, mon organisation doit être d’autant plus stricte. Je concilie parfaitement vie professionnelle et vie privée. Je m’en suis toujours donné les moyens. » Sandra Marchand parvient également à rentrer presque chaque soir chez elle. « Je dors rarement à l’hôtel. En effet, dans ma zone d’activité, la Bretagne, il existe une forte concentration de vétérinaires. »

« Une fois passé le seuil du cabinet, mon véritable travail débute »

Des entretiens de trente minutes… qui peuvent durer jusqu’à plus d’une heure. Le délégué vétérinaire bénéficie en effet de temps pour discuter, contrairement au visiteur médical qui n’a en général que quelques minutes pour convaincre.

Le volet technique est la porte d’entrée des discussions dans le secteur vétérinaire. « Une fois que j’ai passé le seuil du cabinet, mon véritable travail débute, estime Claude Dumont. C’est ce qu’il y a de plus passionnant. La rencontre avec le praticien est le meilleur moment de la journée. » Matthieu Koechlin souligne l’importance de la dimension technique : « Nous travaillons en effet dans le domaine de la santé, au sein duquel des règles sont à respecter, notamment en matière d’utilisation des produits. » Selon Bruno Vincent, le travail consiste non seulement à créer du chiffre d’affaires, mais aussi à apporter une valeur ajoutée en termes techniques. « Quand ça ne va pas, c’est nous que les vétérinaires appellent. Les praticiens savent que les délégués vont s’occuper de leur problème. » « Notre métier ne consiste pas seulement à vendre, confirme Valérie Clouet. Nous participons à des réunions au sein de certaines structures, nous formons les auxiliaires, qui ont un rôle important au sein des cabinets. Nous mettons d’abord en avant la technique, puis l’aspect commercial. Nous essayons d’apporter de la valeur ajoutée, en proposant des formations, différents outils, etc., à nos clients. Cette tendance tend à se renforcer depuis plusieurs années. » Matthieu Koechlin a la même analyse : « L’environnement est devenu plus concurrentiel et plus exigeant. Par ailleurs, j’ai observé une professionnalisation de notre activité dans les méthodes de vente, les formations (plus abouties qu’auparavant) et dans ce que nous apportons aux vétérinaires : outils techniques et de gestion commerciale, informations sur des tendances, etc. Le monde de l’élevage évolue. C’est pourquoi il faut sans cesse innover et développer de nouvelles approches. C’est ce qui fait la richesse de ce métier. »

« Autant de vétérinaires, autant de cas particuliers ! »

« Avec les vétérinaires, nous partageons un vrai moment de discussion. Cela nous apporte une qualité de travail appréciable. Mais, bien entendu, chaque visite doit être préparée. Autant de vétérinaires, autant de cas particuliers ! », souligne Claude Dumont. Chaque rendez-vous est considéré comme un challenge. « Je peux rester de quarante-cinq minutes à une heure dans une structure. L’entretien commence parfois avec un praticien, puis avec un deuxième et un troisième, etc., chacun apportant son lot de questions. Cette activité est passionnante. Je fournis beaucoup d’énergie. Je ressors parfois “vidé”. Je décompresse ensuite sur la route avant de passer à un autre rendez-vous. »

« L’un des aspects intéressants de ce métier est la relation que nous entretenons avec les vétérinaires. Nous avons à la fois une discussion technique et commerciale. Nous développons un partenariat avec le client », constate Sandra Marchand. Tous insistent sur cette notion de partenariat qui tend à se renforcer depuis plusieurs années, en raison sans doute d’un environnement de plus en plus concurrentiel. « La dimension “consultant” s’est beaucoup développée depuis une dizaine d’années, témoigne Matthieu Koechlin. Nous nous positionnons comme des partenaires des vétérinaires. Nous tentons de leur apporter de la valeur ajoutée dans la relation vétérinaire-éleveur en leur proposant des outils, des données sur la situation et l’évolution du marché, etc. Nous ne restons pas uniquement axés sur l’aspect produit. »

« Il faut aimer l’humain pour faire ce métier »

Tous constatent également que le milieu vétérinaire est plutôt sympathique et que certaines relations initialement professionnelles deviennent amicales. « En général, nous sommes bien reçus et cela se passe bien. Nous tissons parfois des liens d’amitié avec certains vétérinaires. Il m’arrive d’en voir en dehors du travail », témoigne Joël Lassale. « Les praticiens sont plutôt ouverts, sympathiques. Ils font rapidement confiance », estime pour sa part Valérie Clouet. « Globalement, nous entretenons de bonnes relations avec les vétérinaires. Nous travaillons dans le respect mutuel, même si chaque visite est un nouveau défi. Nous arrivons à un instant “t” dans un cabinet qui a un environnement et une situation propres. La construction de la relation se fait progressivement. Avec le temps, nous développons des affinités avec certains de nos clients », témoigne Matthieu Koechlin. Selon Claude Dumont, « il faut aimer les relations humaines pour faire ce métier. Je plonge un peu dans l’inconnu à chaque fois que j’entre dans un cabinet. Le lien entre le vétérinaire et le délégué est particulier. Ainsi, un praticien peut décider de changer de laboratoire juste parce qu’il ne s’entend pas avec le délégué. Mais le plus souvent, nous sommes bien reçus, même s’il faut du temps pour se faire accepter. La relation de confiance se crée progressivement. Dans le cadre de leur activité, les praticiens sont confrontés à une certaine détresse humaine. Cela se ressent. Ils parlent d’abord avec leur cœur. D’ailleurs, quand j’ai changé de laboratoire, certains m’ont suivi ». « L’aspect humain est particulièrement important, estime également Sandra Marchand. Je n’ai aucune appréhension à aller à la rencontre des vétérinaires. Chaque visite est différente, d’où une richesse des contacts. »

« A la fin de la visite, la sanction est immédiate »

Toutefois, l’objectif final de la rencontre est bien de vendre. Nous intervenons sur un marché « où les prix ne sont pas imposés par une autorité comme en médecine humaine et où la notion de revenus pour les vétérinaires est à prendre en compte. Une politique commerciale commune est élaborée chaque année au sein du laboratoire. Les mêmes messages sont ainsi passés à tous les praticiens », explique Matthieu Koechlin. « En tant que délégués pour un “petit” laboratoire, nous n’avons pas forcément de molécule incontournable comme les grosses structures. Nous mettons surtout en avant notre sérieux et le prix. Nous vendons beaucoup de génériques. Convaincre un vétérinaire de choisir ce que nous lui proposons est un travail de longue haleine. Depuis que j’exerce cette activité, j’ai observé la disparition de beaucoup de laboratoires et celle de nombreuses spécialités. Nous nous battons donc aujourd’hui sur les mêmes molécules. La guerre des prix est plus importante », remarque Bruno Vincent.

Quant à Valérie Clouet, « commerciale dans l’âme » et passionnée par le milieu vétérinaire, elle a trouvé dans ce métier une activité idéale. « Nous travaillons sur rendez-vous, la plupart du temps honorés. Par ailleurs, à la fin de la visite, la sanction est immédiate, ce qui différencie notre métier de celui de visiteur médical, qui n’a aucun recul à court terme sur son travail. Il faut sans cesse se remettre en question. Chaque visite est différente. Un vétérinaire peut ainsi décider subitement de changer de produit. Rien n’est acquis. »

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