Si la discussion piétine, un jeu psychologique est peut-être en marche - La Semaine Vétérinaire n° 1275 du 23/06/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1275 du 23/06/2007

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Auteur(s) : Gil Wittke

Il est 10 heures. Stéphane, le jeune auxiliaire, discute avec sa collègue Audrey dans l’entre bâillement de la porte qui donne sur le chenil. Comme à son habitude, il semble désespéré.

– « Ça n’arrive qu’à moi. Je dois les attirer. Ils me flairent depuis la salle d’attente et ils attendent le moment pour passer en consultation avec moi.

– Oh, Stéphane, je pense que les vétérinaires ont aussi leur part de cas bizarres.

– Oui, mais je me demande justement s’ils ne s’arrangent pas pour me les refiler exprès et ne pas avoir affaire à eux.

– Vous savez, il faudrait peut-être que vous soyez plus ferme avec les clients en général.

– Oui, mais en tant que débutant, on n’a pas toujours les moyens d’en imposer. L’école ne dispense aucun cours pour nous apprendre à gérer les propriétaires.

– Si vous voulez, nous pourrions nous arranger à l’accueil pour éviter de vous transférer les clients difficiles.

– Oui, mais vous allez vous faire mal voir de vos patrons. Non, c’est insoluble, je vous le dis.

– Je suggérais cela pour vous aider, c’est tout.

– Oui, merci, mais vous ne pouvez pas comprendre. Allez, retournons au casse-pipe ! »

La discussion ayant pris fin, Audrey passe devant l’un des vétérinaires, la mine dépitée. Elle est ce matin victime d’un phénomène fort banal, qui altère souvent les relations au sein de l’équipe et qu’il faut apprendre à décrypter dès son apparition : le “jeu psychologique”, auquel Stéphane vient de se livrer. L’être humain, par essence social, est à la recherche d’échanges avec autrui(1), même s’ils peuvent se révéler parfois peu épanouissants, voire pervers. L’un des signes les plus connus de ces transactions à “bénéfice négatif” est la fameuse phrase « oui, mais » qui, dans cette scène, permet à Stéphane de faire fi de l’argumentation de sa collègue et de rester dans sa position de plainte.

Les jeux psychologiques suivent un modèle facilement reconnaissable

Le psychiatre et psychanalyste Eric Berne(2), créateur de l’analyse transactionnelle, émet comme postulat que les relations avec autrui se construisent à partir de cinq positions, appelées les « états du moi » (voir figure). Chaque individu pratique ces états et les adapte aux circonstances. L’auteur d’une exclamation comme « vous avez vu ce fixateur, un chef-d’œuvre ! » s’exprime via le canal enfant libre. Pour sa part, une phrase du type « le pauvre animal, nous allons tout essayer pour le sauver » fait partie du registre du parent nourricier. « Il n’y a qu’à… » et « mettez-le sur la table ! » sont des expressions qui, elles, appartiennent à la position de parent normatif. Quant à l’état adulte, il correspond à celui qui traite les données et raisonne : « Que se passe-t-il ? »

Certains types de transactions fonctionnent bien, par exemple adulte-adulte (question : « Quel antibiotique utilisez-vous ? », réponse : « X à la dose Y ») ou encore parent normatif-enfant soumis (question : « Il faut vous ressaisir, Stéphane », réponse : « Oui, patron »). D’autres sont moins efficaces, comme adulte-enfant libre. Il est aisé de comprendre pourquoi. Ainsi, à la remarque « Sophie, voudriez-vous ranger la salle d’attente, s’il vous plaît ? », la réponse est : « Encore ! C’est toujours sur moi que ça tombe ! »

Ces transactions banales peuvent déraper en un jeu psychologique, dont le dialogue entre Audrey et Stéphane illustre les ressorts essentiels. Les deux protagonistes se figent dans le même état du moi pendant la quasi-totalité de l’échange. Dans le registre du parent nourricier, Audrey veut aider l’autre à s’en sortir malgré lui (« il faudrait peut-être aussi », « nous pourrions nous arranger »). Quant à Stéphane, il adopte une position d’enfant soumis, qui subit son sort mais ne semble pas vouloir en sortir (« ça n’arrive qu’à moi », « on n’a pas toujours les moyens », « retournons au casse-pipe »). La scène procure une impression de répétition permanente du même jeu, le comportement ou les réactions de l’un engendrent celles de l’autre et sont en général toujours les mêmes (dans notre exemple, Audrey propose, Stéphane esquive). Chacun a la sensation de ne pas être écouté (ce qui est vrai). A cela s’ajoute la frustration de n’avoir rien résolu entre soi et l’autre, pour l’autre ou pour soi (si l’on est l’auteur de la plainte). Le tout est ponctué par de fréquents « oui, mais… ».

Eric Berne a donné aux jeux psychologiques des noms évocateurs. Celui d’Audrey s’intitule « J’essaie seulement de vous aider » et celui de Stéphane, « C’est affreux ! » (tout va mal !).

  • (1) Ces échanges portent le nom de transactions, selon le vocabulaire de l’analyse transactionnelle, discipline élaborée par Eric Berne.

  • (2) Des jeux et des hommes, Eric Berne, éditions Stock ; Que dites-vous après avoir dit bonjour ?, Eric Berne, éditions Tchou.

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