Le pseudokyste rénal se traite chirurgicalement - La Semaine Vétérinaire n° 1274 du 16/06/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1274 du 16/06/2007

Cas clinique chez un chat

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Véronique Becuwe*, Sabine Bozon**

Fonctions :
*Praticiennes à la clinique vétérinaire Bozon (Versailles, Yvelines)

Les pseudokystes périrénaux sont relativement rares dans l’espèce féline. Avant de les traiter par la chirurgie, une évaluation de la fonction rénale est indispensable.

Une chatte stérilisée de race européenne âgée de onze ans est abattue depuis l’apparition brutale, un mois auparavant, d’une distension abdominale bilatérale marquée. Aucun autre signe clinique n’est observé. Elle est présentée en consultation référée pour la réalisation d’une échographie abdominale.

L’examen clinique ne révèle aucune anomalie. Seule une distension abdominale est observée, avec un signe du flot. L’abdomen est très distendu, bilatéralement et de façon symétrique, à la hauteur des reins (voir photo 1).

A ce stade, les hypothèses diagnostiques sont un épanchement abdominal, une masse abdominale ou une néphromégalie bilatérale, en raison du caractère symétrique de la distension. Une néphromégalie bilatérale peut avoir pour cause la présence d’une tumeur rénale, une pyélonéphrite, une hydronéphrose, un abcès périrénal, un pseudokyste rénal, des hématomes, une polykystose rénale ou des granulomes liés au virus de la péritonite infectieuse féline.

Un bilan hémato-biochimique, un ionogramme, une mesure des gaz du sang, une analyse urinaire et une échographie abdominale sont entrepris. Les valeurs d’urée (0,96 g/l) et de créatinine (17 mg/l) sont supérieures aux normes physiologiques. L’ionogramme et la mesure des gaz du sang montrent une acidose métabolique compensée (pH corrigé par la température de 7,46 et [HCO3-] = 16,7 mmol/l). La kaliémie et la calcémie se situent dans les normes physiologiques. L’échographie abdominale ne révèle aucune anomalie au niveau du foie, de la rate, des surrénales, du tube digestif, du pancréas et des ganglions.

Deux volumineux pseudokystes périrénaux sont observés de chaque côté

La taille des deux reins est normale et leur écho-structure est conservée. Une hyperéchogénicité cortico-médullaire, une mauvaise démarcation cortico-médullaire et une dilatation pyélique (discrète sur le rein gauche et plus marquée sur le rein droit) sont notées. Un kyste cortical de 4 mm de diamètre est présent sur le rein gauche. Un volumineux pseudokyste périrénal sous-capsulaire au contenu anéchogène d’environ 10 cm de diamètre est observé (voir photo 2) sur chacun des reins. Les capsules rénales sont distendues (voir photo 3), épaissies (3,5 mm) et irrégulières. Les uretères, l’urètre et la vessie sont normaux. Le diagnostic est donc celui de volumineux pseudokystes périrénaux sous-capsulaires bilatéraux, avec une probable néphrite interstitielle associée (hyperéchogénicité corticale et mauvaise démarcation cortico-médullaire). Deux ponctions échoguidées sont alors réalisées au niveau de chaque rein. Environ 550 ml de liquide translucide sont ponctionnés de chaque côté à des fins d’analyse. L’ionogramme, le taux d’urée et de créatinine sont identiques à ceux du sang. La densité s’élève à 1 012 et le contenu est acellulaire. Il s’agit d’un transsudat pur.

Une néphrite interstitielle pourrait expliquer la hausse de l’urée après l’opération

Une capsulectomie rénale bilatérale est programmée deux semaines plus tard afin d’éviter les récidives. Les kystes périrénaux sont en effet réapparus et ont repris leur taille initiale. Le bilan préanesthésique est satisfaisant. De l’enrofloxacine (Baytril®, 25 mg/kg par voie sous-cutanée) est utilisée en phase préopératoire. Après la prémédication, du butorphanol (Torbugésic®) est administré à la dose de 0,2 mg/kg. L’induction de l’anesthésie se fait via du diazepam (Valium®) à raison de 0,2 mg/kg par voie intramusculaire, de la kétamine (Imalgène 1000®) à la dose de 6 mg/kg par voie intramusculaire et de l’isoflurane. Le maintien s’effectue à l’isoflurane. Une injection de butorphanol (Torbugésic®, 0,2 mg/kg par voie intraveineuse) est réalisée au réveil.

L’abord a lieu sur la ligne blanche. Le rein gauche est isolé, la capsule est incisée et le contenu kystique est aspiré (environ 500 ml) à l’aide d’un aspirateur chirurgical (voir photos 4 et 5). La capsule est réséquée en passant le plus près possible du hile (voir photo 6 en p. 36). Le rein est repositionné dans sa loge. La même intervention a lieu sur le rein droit (voir photos 7 et 8). La perfusion est poursuivie pendant vingt-quatre heures. Des injections de butorphanol (Torbugésic®) sont réalisées toutes les quatre heures. Les résultats de l’ionogramme, des gaz du sang et des paramètres biochimiques rénaux vingt-quatre heures après l’intervention sont normaux. L’animal est rendu à ses propriétaires. Une antibiothérapie de dix jours (Baytril®) est mise en place.

Deux semaines après l’opération, les paramètres rénaux sont dans les normes hautes (urée à 0,595 g/l, créatinine à 21,4 mg/l). L’urée augmente encore quinze jours plus tard (à 1,19 g/l, la créatinine s’élevant à 18 mg/l). La présence d’une néphrite interstitielle sous-jacente peut expliquer cette hausse.

L’échographie réalisée un mois après l’intervention chirurgicale montre un rein gauche d’échostructure asymétrique mesurant 3,8 x 2,8 cm, une jonction cortico-médullaire faiblement discernable et un kyste cortical oblong de 1,15 x 0,3 cm. Au niveau du hile, la capsule résiduelle est visible, épaissie et a produit une quantité infime de liquide en région périhilaire (voir photo 9). Le cortex et la médullaire sont hyperéchogènes. La cavité pyélique n’est pas dilatée et la vascularisation (visualisée à l’aide du Doppler) est normale. Le rein droit possède une échostructure quasiment normale, sauf au niveau de son contour, un peu irrégulier en raison de l’absence de capsule. Les uretères, l’urètre et la vessie ne présentent aucune anomalie. Aucun épanchement abdominal n’est observé.

Si aucune récidive n’est rapportée, la néphrite interstitielle bilatérale avec une atteinte plus importante du rein gauche persiste.

Le caractère bilatéral des pseudokystes concerne la moitié des cas

La formation de pseudokystes périrénaux, caractérisés par l’accumulation d’une quantité variable de liquide séreux dans un sac fibreux entourant un ou les deux reins, est une maladie relativement rare chez le chat.

Le kyste n’étant pas délimité par un épithélium, le terme de pseudokyste est utilisé.

La pathogénie de ces pseudokystes n’est pas encore totalement élucidée. Une atteinte du parenchyme rénal sous-jacent pourrait être un facteur déclenchant. En effet, une néphrite interstitielle chronique leur est souvent associée. Une rétraction fibreuse du parenchyme pourrait ainsi compromettre la vascularisation rénale et le drainage lymphatique, entraînant une transsudation.

L’accumulation de liquide en région périrénale pourrait également être un signe de rétention sodée chez des animaux atteints d’une maladie rénale intrinsèque de type néphrite interstitielle chronique.

Le liquide peut s’accumuler en région sous-capsulaire (le plus fréquemment) ou extracapsulaire. Il s’agit généralement d’un transsudat pur (faible taux de protéines, faible densité, hypocellularité). De l’urine (pseudokyste urineux) ou du sang peuvent être retrouvés au sein du pseudokyste. Dans le premier cas, une fuite d’urine a lieu entre le rein et la capsule, qui a pour origine un traumatisme du tractus urinaire ou une obstruction. Pour sa part, le sang peut provenir de dommages vasculaires, d’une tumeur, d’un traumatisme externe, d’une rupture d’anévrisme ou encore d’une intervention chirurgicale.

La plupart des cas de pseudokystes périrénaux sont observés chez des chats européens à poils courts âgés en moyenne de onze ans. Certains auteurs évoquent une plus grande proportion de mâles atteints, d’autres n’observent pas de prédominance de sexe. Le caractère bilatéral est observé dans environ la moitié des cas.

La distension abdominale est toujours présente. Des signes d’insuffisance rénale (anorexie, dépression, baisse de poids et vomissements) peuvent y être associés.

A l’examen clinique, la palpation abdominale met en évidence la présence d’une masse qui peut être interprétée comme une néphromégalie.

L’échographie abdominale reste l’examen complémentaire de choix

Aucune donnée hémato-biochimique ne permet d’orienter le diagnostic. Une azotémie est présente lors d’insuffisance rénale associée, fréquente dans les cas de pseudokystes périrénaux. L’analyse urinaire peut révéler une isosthénurie ou une hyposthénurie, associée ou non à une hématurie, voire à une pyurie.

La présence d’une masse en région dorsale et médiale de l’abdomen sur la radiographie abdominale confirme la néphromégalie. Pour avoir plus de précision quant à la nature de celle-ci, l’échographie abdominale reste l’examen complémentaire de choix. Une accumulation de liquide anéchogène entre la capsule rénale et le parenchyme est l’image typique du pseudokyste périrénal. Le diagnostic différentiel comprend le lymphome rénal, la néphrite interstitielle granulomateuse liée à la péritonite infectieuse féline et la polykystose rénale. Une image hypoéchogène avec du matériel d’échogénicité mixte caractérise plutôt un abcès ou un hématome, des nodules hypoéchogènes multiples, un lymphome rénal. Lors d’hydronéphrose, la corticale disparaît et est remplacée par de grands cylindres anéchogènes. Par ailleurs, le bassinet est sévèrement dilaté. Lorsque aucun échographe n’est disponible, une urographie intraveineuse de contraste est d’une grande utilité pour établir le diagnostic différentiel avec une rénomégalie vraie. Le liquide de contraste ne se diffuse pas dans le kyste. Cependant, cette méthode ne permet pas d’évaluer l’existence d’atteintes parenchymateuses. La scintigraphie rénale peut aussi avoir un rôle diagnostique. L’aspiration du liquide périrénal a également un intérêt diagnostique, car elle permet d’écarter la présence de pus, de sang ou de cellules tumorales. Généralement, il s’agit d’un transsudat vrai.

La résection de la paroi du kyste empêche les récidives

Lors d’aspiration écho-guidée, les récidives sont fréquentes, dans des délais variant de plusieurs jours à quelques semaines. La résection de la paroi du kyste, ou capsulectomie, suivie ou non d’une omentalisation, est l’option chirurgicale de choix pour empêcher qu’elles se produisent. Les complications liées à une capsulectomie sans omentalisation sont liées à la reformation du kyste si l’exérèse pariétale n’est pas suffisante. L’omentalisation permet d’augmenter le drainage physiologique des sécrétions continues, favorise la néovascularisation et diminue l’espace mort. Une étude rétrospective décrit une médiane de survie de neuf mois après l’intervention, tous cas confondus. Lorsque l’animal souffre de troubles rénaux, le pronostic est plus sombre, car il peut succomber rapidement à une insuffisance rénale.

  • Les auteurs remercient Nathalie Camp et Odile Vitoux (clinique vétérinaire Gambetta, Poissy) qui ont référé ce cas.

  • Voir aussi : Le Point Vétérinaire, numéro spécial “Urologie et néphrologie des carnivores domestiques”, collectif, 2001, vol. 32.

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