Une démarche rationnelle est de mise lors de vomissements - La Semaine Vétérinaire n° 1271 du 26/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1271 du 26/05/2007

Gastro-entérologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Carole Ballin

L’exploration des vomissements chez le chien peut être difficile. Les critères qui justifient la mise en œuvre d’examens complémentaires sont parfois mal connus.

La récidive des vomissements après un traitement symptomatique ou la persistance des symptômes après une semaine sont deux signes d’appel pour entreprendre des investigations complémentaires. Dans un premier temps, il convient de s’assurer que le propriétaire sait faire la distinction entre vomissements et régurgitations : les aliments régurgités par l’animal sont peu modifiés, éventuellement enrobés de salive plus ou moins compacte. La présence de spasmes n’est pas un signe fiable pour faire la distinction entre ces deux signes cliniques. En outre, les régurgitations peuvent survenir longtemps après la prise alimentaire.

Lors de l’examen clinique, un historique complet du mode de vie et des antécédents pathologiques est établi. Toutefois, selon notre consœur Valérie Freiche, consultante en gastro-entérologie à Bordeaux (Gironde), il faut savoir « se dégager » de l’anamnèse et ne pas s’orienter trop rapidement vers un diagnostic préétabli, dicté par le propriétaire.

L’ingestion fréquente de végétaux, la prise de positions antalgiques (chien prieur), la présence de dysorexie et/ou de ptyalisme, de mâchonnements ou de borborygmes constituent des signes d’appel d’une atteinte digestive.

L’aspect des vomissements et le temps de survenue par rapport aux repas constituent des critères “d’orientation”. Il existe des facteurs fiables, comme la présence d’aliments non digérés à distance des repas, qui orientent vers un syndrome de rétention gastrique ou une pancréatite. Des vomissements le matin à jeun sont caractéristiques des gastrites chroniques. La présence de bile est constante lors de gastrite de reflux. Celle-ci est particulièrement observée chez les chiens de race de petite taille à tendance anxieuse comme les bichonsoules yorkshire terriers. Si un syndrome occlusif ou un retard de vidange est en cause, un volume important est rejeté lors des vomissements. A l’inverse, il existe de nombreux pièges. En effet, la présence de sang peut être anodine comme particulièrement grave. Un corps étranger installé de manière chronique peut provoquer un état subocclusif qui n’est pas cliniquement caractéristique. Un carcinome gastrique étendu peut être à l’origine d’un simple ptyalisme, de dysorexie et d’amaigrissement, sans même qu’il y ait de vomissements.

L’examen clinique s’intègre dans une démarche de médecine interne

Les paramètres cardiovasculaires et l’état d’hydratation (couleur des muqueuses, temps de remplissage capillaire, rythme cardiaque et pouls, pression artérielle) sont contrôlés. Lors de la palpation abdominale, la dilatation de certains segments digestifs, des foyers douloureux, la présence d’une masse, d’une adénopathie, d’un épaississement pariétal sont attentivement recherchés. Les organes annexes sont également évalués.

La lésion est-elle bien d’origine digestive ? Est-elle isolée ou diffuse ? Qu’elles sont alors sa localisation et sa nature ? Ce sont là les trois interrogations qui se posent successivement dans cette démarche diagnostique.

Les critères d’investigation immédiate en cas de vomissements aigus incluent l’altération de l’état général, la déshydratation, l’hyperthermie, l’hématémèse, la douleur ou encore la présence de vomissements incoercibles. Les lésions en cause peuvent être diverses. Il peut s’agir de lésions anatomiques de nature inflammatoire (gastrite, ulcère, maladie inflammatoire de l’intestin, duodénite), d’affections d’origine infectieuse, toxique ou parasitaire, de troubles de la motricité (rétention gastrique, hernie hiatale, dilatation chronique) ou encore de lésions d’origine néoplasique localisées au niveau de l’intestin grêle ou du gros intestin.

La radiographie avec ou sans produit de contraste a cédé la place à la synergie qui lie l’échographie abdominale et la fibroscopie digestive. Cependant, l’interprétation, les indications et les limites de chacun de ces examens complémentaires exigent une formation personnelle et un matériel de qualité.

Une ulcération gastrique peut être une complication de l’invagination partielle

Un rottweiler mâle âgé de quatre ans, qui pèse 38 kg, est présenté en consultation pour dysorexie, léthargie, vomissements marqués et diarrhée modérée. Six jours plus tôt, il a été opéré d’un syndrome de dilatation-torsion. A cette occasion, la splénectomie n’a pas été jugée nécessaire, mais une invagination gastrique chirurgicale sur une zone pariétale localisée d’aspect hypoxique a été pratiquée.

Lors de l’examen clinique, l’état d’hydratation, l’auscultation cardiovasculaire et la température rectale sont normaux. L’animal est vif et présente une discrète pâleur des muqueuses. Du méléna est suspecté au terme de la palpation rectale. La palpation abdominale est souple et non douloureuse. Le chien vomit trois fois des aliments et du suc gastrique durant la consultation. Les analyses biochimiques (protéinémie, urée, créatinine, glycémie, ALAT, PAL et ionogrammes) ne révèlent aucune anomalie. En revanche, l’hématocrite est abaissé à 23,6 % (normes de 37 à 55) et l’hémoglobine à 8,1 g/dl (12 à 18). Une complication gastrique locale est suspectée en raison des antécédents de l’animal. Une gastroscopie est prévue le lendemain. En attendant, du citrate de maropitant (Cerenia®) est administré à la dose de 1 mg/kg par voie sous-cutanée. Du métronidazole est prescrit à raison de 15 mg/kg deux fois par jour.

Le lendemain, l’animal est en meilleur état général et ne présente plus de vomissements. Le protocole anesthésique comprend du diazépam, du thiopental sodique suivi d’un relais à l’isoflurane 1,5 % après l’intubation. L’examen endoscopique révèle une intolérance à l’invagination gastrique réalisée sur la grande courbure. Les tissus dévitalisés n’ont pas été “digérés” et une partie de la paroi est encore vascularisée. Une ulcération gastrique est notée sur la portion invaginée. Tout autour, la muqueuse gastrique est parfaitement normale. Les vomissements s’expliquent par les contraintes mécaniques et la présence de cet ulcère étendu. Une gastrectomie partielle, avec exérèse de la lésion, est décidée (voir photo 1). L’analyse histologique montre une zone ischémique ulcérative. L’intervention chirurgicale est un succès.

Une publication récente(1) relate cette même complication d’ulcération gastrique à la suite d’une invagination partielle de l’estomac. Le temps opératoire réduit constitue le principal avantage de cette technique. Or une corrélation positive entre la durée de l’intervention et le taux de survie lors de syndrome de dilatation-torsion de l’estomac est évoquée. Cependant, des complications peuvent apparaître lorsqu’il n’y a pas de perte de vascularisation sur le segment invaginé.

Savoir “s’affranchir” de certaines données de l’anamnèse est parfois nécessaire

Un dobermann mâle âgé de trois ans, qui pèse 25 kg, est amené en consultation référée en raison de saignements digestifs. Son état général s’altère depuis cinq semaines avec une perte de poids supérieure à 9 kg. Depuis cinq jours, les vomissements sont devenus incoercibles. Des caillots de sang ont été visualisés le matin. Les selles de l’animal sont de couleur noire et apparaissent en petite quantité. Il est maintenant anorexique.

Lors de l’auscultation cardiovasculaire, un souffle holosystolique discret est entendu. Ce dernier est attribué à l’anémie. Les muqueuses sont “blanc porcelaine” et le temps de recoloration capillaire est supérieur à deux secondes. La température rectale est parfaitement normale. L’abdomen est tendu, mais non douloureux. L’animal est fatigué, mais non prostré. Au cours de l’anamnèse, les propriétaires expliquent que leur chien a tendance à ingérer des corps étrangers. Il a été traité avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pendant deux mois, deux mois auparavant. Le bilan de coagulation, les paramètres biochimiques et l’ionogramme réalisés chez le praticien référant étaient parfaitement normaux.

L’endoscopie digestive a permis d’établir le diagnostic

Un saignement digestif haut lié à un phénomène ulcératif explique l’hématémèse et le méléna. Les hypothèses diagnostiques pour un jeune chien sont l’existence d’un ulcère isolé qui pourrait s’expliquer par l’administration des AINS. La présence d’un corps étranger chronique peut être à l’origine d’un ulcère. Une tumeur digestive est également envisageable, bien que moins probable en raison de l’âge du chien. Les résultats de la numération formule sanguine sont les suivants : 24 000 leucocytes, 4,6 g/l pour l’hémoglobine, une hématocrite à 15 %, moins de 3,5 millions d’érythrocytes (par mm3 de sang) et des réticulocytes supérieurs à 11 %. Un épaississement de la paroi gastrique et des calcifications sont suspectés sur le cliché radiographique de l’abdomen sans préparation. Une transfusion sanguine de 400 ml est effectuée avant l’anesthésie. Une fibroscopie haute est réalisée. Une masse ulcérée est identifiée en zone antrale. Cette lésion est évocatrice d’une tumeur gastrique. Une échographie révèle la présence d’une adénopathie modérée.

Le traitement d’attente, avant les résultats des examens histologiques, associe le citrate de maropitant (Cerenia® 24 mg) à la dose de deux comprimés le matin pendant quatre jours, l’oméprazole 20 à raison d’une gélule par jour, 15 mg de prednisolone par jour et un sachet matin et soir de sucralfate buvable. Quatre repas quotidiens, constitués de viande hachée et de riz, sont distribués. Aucun vomissement n’est observé durant l’administration des comprimés. Ils reprennent trente-six heures après l’arrêt du traitement.

Une tumeur à cellules rondes indifférenciée est décelée à l’examen histologique. En l’absence de perspectives thérapeutiques et en raison de l’importante dégradation de l’état général de l’animal, l’euthanasie est décidée par les propriétaires. Ce cas illustre la nécessité de savoir “s’affranchir” de certaines données de l’anamnèse. Le jeune âge du chien n’orientait pas le praticien vers un diagnostic de tumeur au départ. Le recours à l’endoscopie digestive a permis d’établir un diagnostic rapidement et sans effets délétères pour cet animal.

  • (1) A.T. Parton, S.W. Volk, C. Weisse : « Gastric ulceration subsequent to partial invagination of the stomach in a dog with gastric dilatation volvulus », Javma, 2006, vol. 228, n° 12, pp. 1895-1900.

CONFÉRENCIÈRE

Valérie Freiche, consultante en gastro-entérologie à Bordeaux (Gironde), membre du Comité d’experts européen sur le vomissement (CEEV), présidente du Groupe d’étude en médecine interne (Gemi-Afvac).

Article rédigé d’après les cas cliniques de gastro-entérologie présentés lors du symposium Pfizer “Nouvelles thérapeutiques et création de valeur”, organisé à Paris le 26 avril 2007.

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