MENACE FIÈVRE APHTEUSE : MIEUX VAUT GARDER LA MAIN - La Semaine Vétérinaire n° 1271 du 26/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1271 du 26/05/2007

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Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Débarrassée de la fièvre aphteuse depuis 2001, la France n’est pourtant pas à l’abri d’une nouvelle vague virale.

L’agent responsable de la “cocotte” est présent sur presque tous les continents. Des virus de sérotypes A et O ont récemment été identifiés à l’ouest de la Turquie, aux portes de l’Europe.

Sur le terrain, la menace aphteuse doit rester dans tous les esprits, de même que les signes d’alerte de la maladie.

Mars 2001 : coup de tonnerre dans le paysage sanitaire français. Le virus aphteux (sérotype O) est détecté dans un élevage bovin mayennais. Au total, la vague aphteuse européenne provoque l’apparition de deux mille trente foyers au Royaume-Uni, vingt-six aux Pays-Bas, deux en France et un en Irlande. Le coût de l’épizootie britannique de “cocotte” est estimé à 9,204 milliards de dollars par la Food and Agriculture Organization (FAO). De quoi donner la chair de poule.

Le virus est présent à l’ouest de la Turquie, aux portes de l’Union

Aujourd’hui, un peu plus de six ans après, l’Union européenne fait figure de village gaulois vis-à-vis de la maladie. En effet, depuis un an, le virus aphteux a été identifié sur quasiment tous les continents (voir carte en page 41). Il est notamment présent à l’ouest de la Turquie, donc aux portes de l’Europe. « La fièvre aphteuse constitue une menace permanente en Europe, notamment en France. Le virus a différentes voies d’entrée possibles via, entre autres, les échanges commerciaux d’animaux et de marchandises. Le virus aphteux est présent en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie, explique Jean-Marie Gourreau, directeur de recherche à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Maisons-Alfort. La Turquie, pays infecté le plus proche géographiquement de l’Europe, constitue une porte d’entrée potentielle du virus. En effet, des foyers ont été déclarés à l’ouest de son territoire, c’est-à-dire à la frontière de la Bulgarie et de la Grèce. La situation de ce pays n’est pas connue avec précision. Les foyers y sont souvent déclarés assez tardivement. Par ailleurs, il est difficile de prédire les mouvements d’animaux entre la Turquie et ses voisins, notamment asiatiques. »

La Chine, quant à elle, a notifié pour la première fois des foyers de fièvre aphteuse à l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) l’année dernière. « La transparence de ce pays est essentielle, étant donné son poids en termes de démographie humaine et animale, estime Jean-Luc Angot, directeur adjoint de l’OIE. La fièvre aphteuse continue à nous inquiéter, car elle est présente dans de nombreux pays du monde. Il ne s’agit pas d’une maladie du passé. »

Les importations sont des sources d’introduction du virus

La vigilance reste donc de mise, d’autant que les sources potentielles d’introduction du virus sont diverses : importation illégale de bétail et de produits animaux, tourisme et produits alimentaires, échanges commerciaux de bétail, eaux grasses provenant des avions et des bateaux, dissémination naturelle, véhicules, etc. « Malgré toutes les précautions qui peuvent être prises, nous ne sommes pas à l’abri d’une erreur humaine. En 2001, le virus a ainsi été introduit en Angleterre, en dépit des mesures que ce pays avait mises en œuvre », analyse ainsi Jean-Marie Gourreau. Outre-Manche, l’origine du foyer primaire identifié cette année-là serait l’incorporation par un éleveur, dans l’alimentation des porcs, des restes de graisses animales insuffisamment cuites provenant d’une chaîne de restaurants asiatiques de Newcastle (le personnel de l’établissement avait voyagé auparavant). Par ailleurs, l’utilisation par l’exploitant de reliquats de plateaux-repas distribués dans des avions n’est pas exclue, un aéroport se trouvant à proximité de l’élevage. « La mondialisation et la libéralisation des échanges des personnes, des animaux et des marchandises augmentent le risque d’introduction du virus sur le territoire français », estime Jean-Luc Angot.

Une vigilance renforcée est d’autant plus importante. « A la vue du nombre de suspicions de fièvre aphteuse recensées en France, nous constatons une légère diminution de la vigilance depuis 2001, année où les derniers foyers de fièvre aphteuse ont été déclarés dans l’Hexagone, remarque d’ailleurs Jean-Marie Gourreau. Il est donc primordial de garder en tête les signes d’alerte de la maladie de manière à la détecter au plus tôt. »

Un porc infecté peut excréter jusqu’à 400 millions de doses infectieuses

La fièvre aphteuse est l’une des maladies animales les plus contagieuses. Elle est inscrite à la nomenclature des maladies réputées contagieuses soumises à déclaration obligatoire et à l’application des mesures de police sanitaire. Elle touche tous les mammifères biongulés (bovins, ovins, caprins et porcs) et se caractérise par l’apparition d’aphtes et d’érosions sur les muqueuses buccales, nasales et mammaires, ainsi que sur les onglons (au niveau des bourrelets coronaires des pieds et entre les espaces interdigités). Ces lésions entraînent une salivation intense, des troubles de la mastication et une baisse de production. Souvent bénigne chez les animaux adultes, l’évolution de la maladie peut être mortelle chez les plus jeunes. Les animaux guéris cliniquement constituent un réservoir de la maladie en devenant porteurs sains du virus.

La transmission de la maladie peut s’effectuer par contact direct et indirect entre animaux, par l’intermédiaire de vecteurs vivants (personnes, chiens, etc.) et au travers des conditions climatiques, le vent pouvant véhiculer et propager le virus sur de longues distances.

Lors de l’expiration, les porcs infectés peuvent excréter jusqu’à 400 millions de doses infectieuses (DI50) par jour et les bovins au maximum 120 000 DI50. Cette contagiosité justifie l’application de mesures de police sanitaire drastiques, fondées notamment sur l’abattage.

Les images de bûchers d’animaux ont d’ailleurs fortement choqué l’opinion publique en 2001. L’épizootie a relancé les discussions sur l’intérêt ou non de la vaccination des espèces sensibles à l’infection. Depuis mai 2006, le recours au vaccin est de nouveau autorisé(1). La vaccination d’urgence peut revêtir deux formes : préventive ou suppressive (voir article ci-contre). La décision de recourir à la vaccination d’urgence peut être prise lorsque la fièvre aphteuse est présente sur le territoire français et risque de s’y étendre ou quand la France est menacée par d’autres Etats membres ou par des pays tiers.

En 1962, une politique nationale de lutte médico-sanitaire, comprenant la vaccination annuelle de l’ensemble des bovins sur tout le territoire, a été mise en place. En 1991, l’Union européenne a décidé de suspendre ce type d’action, au vu d’arguments sanitaires, économiques et commerciaux.

  • (1) Arrêté du 22/5/2006 qui fixe des mesures techniques et administratives relatives à la lutte contre la fièvre aphteuse (Journal officiel du 30/5/2006).

Sept sérotypes

Le virus responsable de la fièvre aphteuse est un petit virus à ARN de la famille des Picornaviridae. Il est antigénétiquement hétérogène. Sept types sérologiques existent : O, A, C, SAT-1, SAT-2, SAT-3 et Asia-1.

Les sérotypes SAT correspondent aux types sud-africains et le sérotype Asia au type asiatique. En Europe et en Amérique du Nord, la volonté d’éradiquer la maladie a été motivée par l’apparition, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, d’épizooties répétées, principalement chez les animaux élevés dans des conditions de plus en plus intensives. En France et en Allemagne, la fièvre aphteuse sévissait périodiquement tous les dix à vingt ans. Dans l’Hexagone, les épisodes majeurs se sont produits en 1910, 1932, 1937-1938, 1952, 1957, 1961 et 1965.

J.-P. G.

Source : Principales maladies infectieuses et parasitaires du bétail. Europe et régions chaudes, éditions TEC & DOC.

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