Le caractère circulaire de la communication empêche de désigner “celui qui a commencé”

A partir de situations vécues, nous vous proposons, au fil de plusieurs numéros, d’explorer et de résoudre les problèmes de communication et de relations interpersonnelles (entre vétérinaires, avec les auxiliaires, les clients, les délégués, etc.), qui sont si importantes pour la bonne marche d’une entreprise. Cela passe par la maîtrise de la gestion des conflits, du management, des entretiens divers et variés, de l’expression orale, etc. Aujourd’hui, penchons-nous sur les malheurs de Jean-Bertrand, associé d’une structure, particulièrement en colère à la suite d’une altercation avec une consœur :

- « Non mais tu te rends compte de ce qu’elle m’a dit ?

- Jean-Bertrand, tu ne vas pas…

- Quoi encore ? Quand j’ai accepté qu’on s’associe avec Catherine, je me doutais que ce ne serait pas évident. Mais là… J’aurais mieux fait de monter une SELARL avec des capitaux de la mafia russe !

- Ce n’est pas en raisonnant de la sorte que tu vas pouvoir renouer le dialogue avec elle.

- Ah, parce que tu crois que je vais me rabaisser à aller vers elle ? C’est à elle de comprendre qu’elle a tort. Elle n’a qu’à faire le premier pas.

- Et toi que préfères-tu : une situation que tu as laissé pourrir ou une situation que tu as réussi à assainir ? »

Quelles pourraient être les suites de cette scène ?

A ceux qui choisiraient l’option “à l’autre de faire le premier pas”, nous soumettons deux arguments. Tout d’abord, d’après le rapport « Le stress au travail » (INRS, 2007), le coût social de ce dernier s’élèverait de 830 à 1 656 millions d’euros (selon les hypothèses posées, basse ou haute), ce qui représente 10 à 20 % des dépenses de la branche “accidents du travail/maladies professionnelles” de la Sécurité sociale. Par ailleurs, selon l’enquête « What’s a good job ? The importance of employment relationships » (RCRPP, 2001), effectuée auprès de 2 500 employés, un milieu de travail qui favorise de solides relations est un milieu « sain et positif, offrant le matériel et la formation nécessaires pour bien s’acquitter de ses tâches. Et même si la rémunération n’est pas uniquement ce qui compte, il importe que les employés aient l’impression d’être bien payés ».

A ceux qui choisiraient une autre option, et avant de suivre les pérégrinations de Jean-Bertrand et de son équipe dans les prochains numéros, nous proposons de se motiver pour renouer le dialogue en s’appropriant certains axiomes de la communication énoncés par le psychosociologue Paul Watzlawick⁽¹⁾ :

- il est impossible de ne pas communiquer : quelle que soit la façon dont Jean-Bertrand va se comporter, il va donner à voir et à penser à Catherine, laquelle fera ses propres interprétations si le conflit n’est pas clarifié ;

- la communication est circulaire : chacun s’influence en permanence par sa communication (verbale ou comportementale) et il ne sera jamais possible de savoir si c’est Catherine ou Jean-Bertrand qui est responsable de cette dispute. Certes, ce dernier semble outré, mais peut-être que sa consœur a de bonnes raisons d’agir comme elle le fait ;

- tout échange de communication est symétrique (œil pour œil, dent pour dent, je donne tu répliques, etc.) ou complémentaire (rapport dominant/ dominé, professeur/élève, parent/enfant, position haute versus basse, etc.) : sans qu’aucun de ces modes de communication soit meilleur qu’un autre (cela dépend des circonstances), il est utile de créer des ruptures lorsque la situation s’enlise. Entre Jean-Bertrand et Catherine, c’est l’escalade symétrique : personne ne “lâche le morceau” et chacun campe sur ses positions. Jusqu’au jour où l’un se mettra, par exemple, en position basse en admettant ses torts.

Il peut enfin être utile de rappeler à nos deux protagonistes que le leader naturel émerge d’un groupe lorsque ce dernier est confronté à un problème. Il s’agit alors de celui ou de celle qui a le plus de solutions à proposer pour le résoudre…

• (1) Paul Watzlawick et coll., Une logique de communication, édition Point-Essais.