L’exploitation sélective met en question la persistance de la faune sauvage - La Semaine Vétérinaire n° 1268 du 05/05/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1268 du 05/05/2007

Dynamique de population

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Alain Zecchini

80 % des mammifères classés “en danger” sont menacés par la surexploitation.

La “récolte” des animaux sauvages par la chasse (sportive ou alimentaire) ou l’élevage extensif(1) diffère sensiblement de la prédation naturelle. Elle est sélective et concerne généralement les mâles adultes, donc reproducteurs, en raison de leur volume de viande et d’organes plus important. Mais une surexploitation ciblée risque, à terme, de menacer la survie même des populations concernées, surtout si leurs espèces sont rares. Ainsi, 30 % des mammifères classés “en danger” par l’Union mondiale pour la nature (UICN) sont menacés par la surexploitation (dont nombre d’ongulés et de carnivores).

Soustraire des individus matures prive la communauté de leur expérience

L’attrition des mâles biaise le sex-ratio d’une population en faveur des femelles. Certes, du moins chez les ongulés, ce biais n’implique pas nécessairement une baisse de la fécondité (quand les prélèvements restent mesurés), car les mâles ongulés sont souvent polygynes (un mâle peut féconder plusieurs femelles). Mais il existe un seuil au-delà duquel la reproduction est sévèrement atteinte, si les prélèvements sont trop importants. C’est ce qui est notamment observé chez l’impala, une petite antilope d’Afrique australe(2), exploitée pour la chasse sportive et l’élevage extensif. A partir d’une exploitation non sélective (non centrée sur les mâles) de 8 % de la population, son équilibre devient fortement dépendant du nombre de mâles restants. Quand l’exploitation cible les mâles, cet équilibre est bien plus rapidement mis en cause : quand 40 % des mâles sont retirés de la population, celle-ci est au bord de l’extinction.

Les mâles adultes jouent en effet un rôle essentiel dans la reproduction, et donc dans la démographie. Leur diminution s’accompagne de nombreuses perturbations(3) : époques du rut et de la mise bas retardées ; augmentation du nombre de nouveau-nés femelles (quand les mâles, selon la théorie, traduisent davantage la vigueur d’une population) ; hausse de la mortalité des jeunes mâles qui, s’ils remplacent les mâles adultes, ne montrent pas la même résistance qu’eux et, épuisés par le rut, succombent davantage en hiver.

De plus, chez certains primates, carnivores terrestres et rongeurs, l’infanticide est courant. Pour un mâle, supprimer les portées non apparentées est le plus sûr moyen de rendre à nouveau sexuellement réceptives les femelles, donc d’assurer sa propre descendance. Mais si une trop forte proportion de mâles adultes sont tués, davantage de jeunes mâles se livrent à l’infanticide, et la mortalité des juvéniles devient problématique pour la survie de la communauté. Chez des équidés (zèbres et chevaux féraux), dont l’organisation sociale est marquée par le harem, la disparition des étalons crée un stress dans le troupeau, surtout parmi les femelles, qui sont alors harcelées par de jeunes mâles étrangers et plus sujettes à l’avortement.

La chasse sportive a décimé les lions en Afrique de l’Ouest

Quand tous ces effets sur la démographie d’une population se font sentir, la logique voudrait que l’exploitation soit arrêtée, au moins le temps que la population retrouve ses niveaux d’abondance habituels, si cela est encore possible. La théorie économique stipule que moins une espèce est répandue, plus les coûts pour l’exploiter augmentent et plus le bénéfice de l’opération diminue. Mais pour les espèces naturellement rares, ce calcul ne joue pas. S’il existe toujours une demande pour ces espèces, si le chasseur est prêt à payer un prix toujours supérieur au coût de la chasse, l’exploitation se perpétue. La densité et les effectifs de la population baissent encore, ce qui augmente le prix du trophée. Une spirale d’extinction est alors enclenchée. Ce phénomène est appelé l’effet Allee anthropogénique par des chercheurs du CNRS (université de Paris sud). Ils ont identifié six activités humaines, légales ou illégales, susceptibles de produire cet effet (voir encadré).

  • (1) Elevage d’une population animale à une densité et dans un environnement respectant les conditions naturelles, et prélèvements réguliers d’une fraction de cette population.

  • (2) J. Ginsberg et E. Milner-Gulland : « Sex-biased harvesting and population dynamics in ungulates : implications for conservation and sustainable use », Conservation Biology, vol. 8, n° 1, mars 1994.

  • (3) J. Milner et coll. : « Demographic side effects of selective hunting in ungulates and carnivores », Conservation Biology, vol. 21, n° 1, février 2007.

  • Source : F. Courchamp et coll., « Rarity values and species extinction : the anthropogenic Allee effect », PloS Biology, www.plosbiology.org, décembre 2006.

Effet Allee anthropogénique

L’effet Allee établit une relation positive entre la vigueur (la reproduction et la survie) d’un individu et le nombre ou la densité de ses congénères. Plus ce nombre ou cette densité se réduisent, plus la vigueur individuelle diminue. Les activités humaines qui enclenchent une spirale d’extinction sont :

- la “collection” d’animaux rares (comme les papillons), d’œufs d’oiseau, de coquilles de mollusques, de plantes (orchidées notamment) ;

- la chasse au trophée (exemple des caprinés), dont les plus rares et les plus menacés obtiennent les prix de chasse les plus élevés ;

- les produits alimentaires “de luxe”, comme le caviar ou le labre géant, le poisson de récif le plus recherché depuis les années 90 ;

- le marché des animaux exotiques vivants (reptiles, oiseaux, insectes, poissons, etc.) ;

- l’écotourisme, qui a des effets indirects sur la démographie, en raison des perturbations occasionnées par l’observation des animaux dans leur élément naturel ;

- la médecine traditionnelle, surtout asiatique, qui stipule que l’effet curatif est d’autant plus important que l’espèce ou l’organe utilisé sont rares. Ainsi, les cornes des rhinocéros asiatiques (vendues sur le marché noir) sont plus recherchées que celles de leurs cousins africains, en raison de leur proche extinction et de leur corne plus petite, considérée comme “plus concentrée”. Les cornes des rhinocéros asiatiques se vendent ainsi dix fois plus cher.

A. Z.
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