Les cyanobactéries peuvent intoxiquer les ruminants lorsqu’elles prolifèrent - La Semaine Vétérinaire n° 1267 du 28/04/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1267 du 28/04/2007

Toxicologie

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Les microcystines constituent la famille de cyanotoxines la plus fréquemment rencontrée en France.

Les microcystines sont produites par des cyanobactéries, micro-organismes procaryotes, ubiquistes, généralement de couleur bleu-vert, qui se développent la plupart du temps dans les eaux douces. Selon les conditions expérimentales, elles peuvent proliférer. Ce phénomène, appelé efflorescence ou bloom, déstabilise l’écosystème et peut provoquer une production de toxines. Les microcystines, composés intracellulaires, ne se retrouvent dans l’eau qu’après la lyse des cyanobactéries. Notre confrère Jean-Philippe Jaeg, maître de conférences à l’école vétérinaire de Toulouse, a récemment dressé un bilan des cas d’intoxications relatés dans la littérature(1).

L’été et l’automne sont deux saisons propices aux intoxications

Lors de bloom, les animaux s’intoxiquent soit en se désaltérant, soit en avalant l’eau lors de baignades. Une enquête française révèle que l’ensemble du territoire peut être concerné par ce phénomène, même si les proliférations de cyanobactéries touchent préférentiellement les étendues d’eau stagnante dont la température varie de 20 à 23 °C. Les intoxications s’observent le plus souvent en été et en début d’automne.

« Les microcystines sont responsables d’intoxications encore rares aujourd’hui, mais dont la fréquence pourrait augmenter, car les épisodes de prolifération de cyanobactéries sont de plus en plus nombreux », constate l’auteur de l’étude. Plusieurs cas d’intoxications d’animaux domestiques sont décrits en France, notamment chez les ruminants. A chaque fois, les bovins s’intoxiquent en s’abreuvant à une étendue d’eau contaminée par des cyanobactéries toxinogènes. Souvent, plusieurs animaux sont concernés. Toutefois, la contamination de l’eau n’étant pas toujours homogène, tous les animaux qui l’ont bue ne sont pas systématiquement affectés.

Des symptômes peu spécifiques et parfois une mort rapide

Les symptômes observés sont peu spécifiques. Certains bovins sont retrouvés morts. D’autres présentent un abattement, une anorexie avec une atonie du rumen et une pâleur des muqueuses. Une diarrhée, aqueuse puis sanguinolente, est également notée. Lors d’intoxication sévère, l’animal est couché, présente des tremblements musculaires, un nystagmus et des périodes d’expiration forcée. Puis il tombe dans le coma et meurt. La mort peut être rapide (moins d’une heure) ou lente (trois jours). Les animaux qui survivent peuvent retrouver un état normal. Les autres présentent une production laitière altérée ou souffrent d’insuffisance hépatique, la photosensibilisation pouvant constituer une possible séquelle. Parfois, le poil de l’animal est souillé par des cyanobactéries, ce qui peut être utile pour le diagnostic. A l’autopsie, le foie est l’organe le plus altéré : taille augmentée, couleur rouge sombre, aspect congestionné, friable, hémorragique.

Des cas d’intoxications sont également décrits chez des ovins. Leur état général est alors altéré. Ils sont retrouvés en décubitus et présentent des tremblements, un pédalage, une hyperthermie, de la tachycardie et une tachypnée. Outre les lésions hépatiques, des pétéchies et des hémorragies sont observées sur l’ensemble de la carcasse, surtout au niveau du tube digestif.

Les proliférations se produisent souvent aux mêmes endroits

Cet ensemble de symptômes peu spécifiques rend difficile le diagnostic d’intoxication par les microcystines. L’accès des animaux à une eau dans laquelle prolifèrent des organismes ressemblant à des algues microscopiques de couleur bleu-vert, la présence d’un pelage souillé par des organismes qui évoquent des algues, ainsi que la saison (été ou début d’un automne chaud) peuvent orienter le praticien vers cette hypothèse. Par ailleurs, les proliférations de cyanobactéries ont tendance à se dérouler aux mêmes endroits d’année en année, si les conditions climatiques sont favorables. Néanmoins, toutes ne sont pas toxinogènes (voir encadré ci-dessus). Le dosage des microcystines dans l’eau est possible. Les tests Elisa et l’analyse HPLC (high performance liquid chromatography) sont les plus couramment utilisés.

Dans la pratique, si une telle contamination est suspectée, il convient d’éloigner les animaux de la source d’eau en cause et de mettre en place un traitement symptomatique. Si l’intervention a lieu suffisamment tôt, l’absorption peut être limitée par l’administration d’un absorbant, voire la réalisation d’une ruminotomie et d’une vidange de la panse.

  • (1) J.-P. Jaeg : « Microcystines : intoxications des animaux domestiques et sécurité des aliments d’origine animale », Revue de médecine vétérinaire, 2007, vol. 158, n° 2, pp. 46-58.

Des risques pour l’homme

Les microcystines constituent également un problème de santé publique pour l’homme. L’exposition peut être iatrogène (eau des dialyses), se faire par l’intermédiaire de l’eau de baignade ou de boisson, ou encore via des denrées alimentaires contaminées.

J.-P. G.

Cinq groupes toxicologiques

Parmi les cyanobactéries étudiées, une quarantaine de genres se révèlent toxinogènes. Les toxines actuellement caractérisées sont classées en cinq groupes toxicologiques : les hépatotoxines, les neurotoxines, les cytotoxines, les dermatotoxines et les toxines irritantes. Les premières sont constituées par deux familles de toxines : les microcystines et les nodularines.

J.-P. G.
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