Les protozooses des bovins sont des affections souvent sous-diagnostiquées - La Semaine Vétérinaire n° 1266 du 21/04/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1266 du 21/04/2007

Maladies parasitaires en élevage

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Paul Perié

Contre les maladies dues aux protozoaires, il existe peu de molécules efficaces disponibles.

Des mesures hygiéniques simples permettent de diminuer la pression infectieuse.

Les protozoaires sont couramment rencontrés chez les bovins. Cependant, leur éradication est rarement une priorité pour le praticien. L’ensemble de ces parasites présentent de nombreux points communs. Dans tous les cas, la transmission est oro-fécale et les bovins se contaminent par des structures enkystées qui persistent longtemps dans l’environnement et résistent à la plupart des désinfectants. Le congrès mondial de la buiatrie, organisé à Nice du 15 au 19 octobre 2006, a été l’occasion, pour notre confrère Milton Mc Allister, de présenter les principaux parasites incriminés et de proposer quelques mesures préventives. En effet, les protozooses peuvent être à l’origine de pertes non négligeables en élevage bovin par les avortements ou les troubles de croissance qu’elles induisent.

Sarcocystis sp. et Neospora caninum appartiennent aux protozoaires à localisation systémique. Eimeria sp., Cryptosporydium sp. et Giardia sp. sont, quant à eux, des protozoaires à localisation digestive.

Seules des mesures d’hygiène classiques sont nécessaires pour Sarcocystis sp.

Sarcocystis cruzi est l’espèce de sarcocyste principalement rencontrée chez les bovins. Ce protozoaire est excrété dans les fèces de chiens, lesquels se contaminent en consommant de la viande (bovin, chevreuil, etc.). Les sporocystes se déposent sur l’aliment, l’eau, les pâtures et contaminent alors les bovins. Après une période de dissémination intravasculaire et une prolifération endothéliale, ce protozoaire s’enkyste dans les muscles striés et constitue un “sarcocyste”. L’infection est rarement accompagnée de signes cliniques puisque la plupart des bovins développent rapidement une immunité spécifique.

L’ingestion expérimentale de grandes quantités de sporocystes induit une hyperthermie, une baisse d’appétit, du ptyalisme, une adénomégalie, de la faiblesse, voire la mort. Des avortements ou une alopécie de la queue sont parfois attribués à une sarcocystose. L’examen nécropsique révèle une anémie et des taches de couleur pâle dans les masses musculaires. L’histologie met en évidence des stades immatures dans les muscles striés et l’endothélium. La sarcocystose étant généralement asymptomatique, des mesures préventives spécifiques ne sont pas justifiées : des mesures d’hygiène classiques, ainsi que l’exclusion des chiens du cycle parasitaire, suffisent.

Contrairement à S. cruzi, qui n’est pas pathogène pour l’homme, les bovins peuvent être porteurs de S. hominis qui, lui, infecte les humains. Dans ce cas, des mesures plus offensives sont indispensables pour parer le risque zoonotique.

Les chats, pour leur part, excrètent S. hirsuta qui peut parfois contaminer les bovins et former des kystes volumineux, visibles à l’œil nu.

Neospora caninum est responsable d’avortements et de troubles neurologiques

La néosporose constitue l’une des principales causes d’avortement chez les bovins. Neospora provoque également des troubles neurologiques chez le veau : perte d’équilibre, posture anormale, déficits proprioceptifs, faible réflexe de succion, etc. Cependant, de nombreux bovins sont porteurs asymptomatiques et, bien souvent, seule la sérologie permet de différencier les animaux sains des animaux porteurs. Quelques études ont envisagé l’existence d’une relation entre une sérologie positive à N. caninum et une baisse de la production lactée, mais les résultats sont variables. Les bovins se contaminent en ingérant des kystes présents dans l’environnement et excrétés dans les fèces de chiens.

Dans les troupeaux infectés de façon chronique, la transmission est essentiellement endémique. Cependant, quelques épizooties sont rapportées : explosion du nombre d’avortements, multiplication des veaux prématurés ou présentant des troubles neurologiques. Deux types de transmission sont distingués. La plus fréquente est la transplacentaire endogène (la mère était contaminée avant la gestation), l’autre est une transmission exogène (la mère se contamine pendant la gestation).

Des mesures hygiéniques sont indispensables afin de limiter la contamination des bovins : ensilage clos, casiers à grains, enclos fermés, élimination des chiens des bâtiments d’élevage. Il est également intéressant de limiter la contamination des chiens en les tenant à l’écart des carcasses et des placentas. Dans les élevages où la néosporose induit de grosses pertes, éliminer tous les animaux séropositifs pourrait constituer une voie intéressante. Cependant, le risque de résurgence de la maladie, et surtout le risque d’épizootie d’avortements, est à prendre en compte lorsque ce type de stratégie est choisi. Un vaccin est commercialisé aux Etats-Unis depuis huit ans, mais ses résultats ne sont pas connus de façon précise.

La coccidiose est à l’origine d’importantes pertes économiques

De nombreuses espèces d’Eimeria induisent une coccidiose chez les bovins. Néanmoins, deux espèces sont davantage rencontrées : E. bovis et E. zurnii. La transmission est également oro-fécale et les bovins constituent l’unique hôte de ce protozoaire. Tous les bovins sont porteurs de ce parasite à un moment donné, sans pour autant présenter de signes cliniques. Cependant, la coccidiose est une cause importante de diarrhée en élevage, à l’origine de nombreuses pertes économiques. L’apparition de symptômes digestifs dépend de plusieurs éléments : l’espèce de coccidie, la densité en oocystes, les facteurs environnementaux (température, humidité, éclairement), les conditions d’élevage, etc. Des signes neurologiques (opisthotonos, nystagmus horizontal, fasciculations musculaires) peuvent parfois accompagner les épisodes de diarrhée et sont liés à une neurotoxine produite par le protozoaire. Le taux de mortalité est alors élevé. La coccidiose affecte essentiellement les veaux âgés de trois semaines à six mois. Les selles sont liquides, avec du sang et du mucus, et les animaux affectés présentent du ténesme et un défaut de croissance. L’épisode de diarrhée précède généralement l’excrétion fécale d’oocystes. Deux à quatre jours sont alors nécessaires aux oocystes pour sporuler et devenir infectieux : un nettoyage fréquent du bâtiment d’élevage permet de limiter les risques d’exposition. Bien que de petite taille, les oocystes sont facilement observables. Dans les élevages allaitants, la coccidiose se développe fréquemment à l’automne, lors de la séparation des veaux de leur mère. Les pâtures à l’ombre, humides, ou qui ont récemment reçu du fumier frais sont abondamment contaminées par les coccidies. La coccidiose est un problème classiquement rencontré en élevage malgré l’utilisation de coccidiostatiques. Les oocystes sont insensibles à la plupart des désinfectants, mais des mesures d’hygiène classiques, telles qu’un nettoyage fréquent des litières, l’utilisation de boxes séparés pour les veaux, ainsi que la mise en hauteur de l’aliment permettent de limiter la pression infectieuse.

Les veaux d’un mois sont plutôt sensibles à C. parvum et souvent symptomatiques

La plupart des infections à Cryptosporidium, essentiellement C. parvum, sont subcliniques. Les veaux, généralement âgés de cinq jours à quatre semaines, peuvent présenter une diarrhée jaunâtre avec du mucus. Les élevages laitiers sont davantage touchés que les élevages allaitants, peut-être en raison de la densité animale, de l’alimentation ou des conditions d’élevage. Une carence en sélénium est depuis peu incriminée. Comme pour la coccidiose, la transmission est oro-fécale et les oocystes excrétés dans les selles survivent longtemps dans l’environnement et sont résistants à la plupart des désinfectants. Cependant, contrairement à Eimeria, les oocystes de Cryptosporidium sont directement pathogènes. Ces derniers sont de très petite taille et leur mise en évidence, essentiellement dans l’iléon, nécessite un œil avisé. Le diagnostic classique de cryptosporidiose fait appel à des techniques de coloration rapide, mais des tests d’immunofluorescence et de flottaison peuvent être utilisés. Jusqu’à présent, aucun traitement n’était efficace sur cette maladie. Toutefois, depuis peu, de nouvelles molécules telles que l’azithromycine, la paromomycine (ou aminosidine) et l’halofuginone(1) semblent utiles, aussi bien au traitement qu’à la prévention de la cryptosporidiose. Les mesures d’hygiène sont les mêmes qu’en présence de coccidies.

Les nouveaux outils génétiques ont permis de différencier les multiples espèces de Cryptosporidium. Les veaux âgés d’un mois sont plutôt sensibles à C. parvum et sont souvent symptomatiques, alors que les veaux plus âgés sont davantage sensibles à C. bovis et sont majoritairement asymptomatiques. Bien que les bovins ne constituent pas l’unique source parasitaire pour l’homme, le risque zoonotique doit être considéré comme un problème de santé publique.

Les benzimidazoles constituent le traitement de choix de la giardiose

Comme les coccidies, Giardia sp. est parfois à l’origine de diarrhée chez les veaux âgés de plus d’un mois. Les kystes excrétés dans les selles sont directement infectieux et recontaminent alors les bovins. Etant donné la petite taille de ces parasites, la giardiose est souvent sous-diagnostiquée. De nouvelles études sont nécessaires afin d’évaluer la prévalence de cette maladie. Les benzimidazoles tels que le fenbendazole constituent le traitement de choix de cette parasitose.

Giardia duodenalis représente une cause importante de diarrhée chez l’homme et la transmission à partir du bétail a longtemps été suspectée. Cependant, les récents progrès en génétique ont permis de conclure que l’homme et les bovins sont infectés par des sous-types différents.

  • (1) En pratique, seul l’halofuginone (Halocur®) est légalement accessible aux praticiens français. Sans LMR, l’azithromycine est interdite d’emploi. Avec LMR et disponible en Belgique, l’aminosidine (Gabrovet®) ne peut pas être importée en France sans une autorisation que l’Afssa refuse de délivrer dans la mesure où une alternative est autorisée et déjà disponible.

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