Le Monde donne la parole à des éleveurs « marqués à vie » - La Semaine Vétérinaire n° 1261 du 17/03/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1261 du 17/03/2007

Abattages. Séquelles psychologiques des exploitants

Actualité

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Le grand public fait régulièrement part de son indignation face à l’abattage de troupeaux survenant lors de crise sanitaire. Tout le monde a encore en tête les images, diffusées par la télévision et les journaux, d’amoncellement de cadavres d’animaux. Qu’en est-il des éleveurs propriétaires de ces cheptels ? Régis Guyotat, journaliste au Monde, a interviewé trois couples d’exploitants qui ont dû faire face à de telles situations(1).

Maryvonne et Hervé Touraquet (Loiret) ont ainsi assisté à l’abattage des 1 100 animaux de leur cheptel porcin et ovin, le 14 mars 2001, dans le cadre des mesures de police sanitaire vis-à-vis de la fièvre aphteuse. « Comment faire le deuil de quelque chose que l’on n’a pas compris ? […] Le préjudice moral n’a jamais été indemnisé », témoigne le couple d’éleveurs qui a vécu un an avec le revenu minimum d’insertion (RMI) avant de toucher les indemnités.

« Les éleveurs ne travaillent pas que pour l’argent »

Laurent et Jean-François Hardy (Eure-et-Loire) se sont, quant à eux, opposés à l’abattage de leur troupeau bovin laitier, au sein duquel un cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) avait été diagnostiqué. Les deux frères ont finalement été déboutés par le tribunal administratif d’Orléans, auprès duquel ils avaient déposé un recours en référé. « Moralement, c’est dur, on en prend un coup. Un éleveur ne travaille pas que pour l’argent. On fait naître un animal », explique Laurent Hardy. Un sentiment de gâchis partagé par Sylvain Beets (Loiret), qui a vu partir son cheptel bovin à l’équarrissage, quelques jours avant que le gouvernement ne décide de mettre fin à l’abattage systématique du troupeau à la suite de la découverte d’un cas d’ESB… Quatre suicides d’éleveurs auraient été constatés. Par ailleurs, 30 % des exploitants touchés auraient subi un stress post-traumatique, selon un médecin du travail qui a enquêté à ce sujet. Des victimes indirectes de l’ESB en quelque sorte, qui s’ajoutent aux vingt et une victimes du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

  • (1) Edition du Monde des 4 et 5/3/2007, en page 16.

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