Désensibilisation et dermatite atopique vont de pair - La Semaine Vétérinaire n° 1257 du 17/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1257 du 17/02/2007

Dermatologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : William Bordeau

Fonctions : Consultant exclusif en dermatologie (Maisons-Alfort, Val-de-Marne). bordeauwilliam@yahoo.fr

La durée du traitement impose une collaboration étroite du propriétaire, ainsi que sa bonne compréhension du principe de l’immunothérapie spécifique.

L’immunothérapie spécifique (ITS), aussi appelée vaccination anti-allergénique ou encore, plus communément, “désensibilisation”, constitue actuellement le traitement étiologique de choix de la dermatite atopique canine due aux aéroallergènes. En effet, si l’éviction allergénique est à privilégier dans le contrôle des allergies, elle est difficile à obtenir dans la dermatite atopique due à des aéroallergènes. L’objectif de l’ITS consiste à rendre le chien tolérant à l’allergène auquel il est sensibilisé en lui administrant des doses croissantes de ce dernier.

Son efficacité a été démontrée à l’occasion de différents essais cliniques. L’une des études les plus connues, réalisée en double aveugle il y a plus de vingt ans, fait état d’au moins 50 % d’amélioration chez près de 60 % des chiens traités, contre 21 % des chiens qui avaient reçu le placebo. Depuis, d’autres études ouvertes ont également montré une amélioration jugée bonne à excellente dans près de 60 % des cas. Une étude récente (2005), menée chez 117 chiens, a révélé une bonne à très bonne réponse chez 65 % des animaux, une amélioration modérée chez 20 % des chiens, tandis qu’aucun effet n’a été constaté pour 15 %. Cette étude a aussi montré que l’âge d’apparition des premières manifestations de la dermatite atopique et l’âge de la mise en place de l’ITS n’influent pas sur son efficacité. Dans une étude prospective datant de 2002, des chiens qui présentaient une dermatite atopique due à des acariens de la poussière de maison ont vu leurs scores cliniques et médicamenteux diminuer statistiquement et significativement dans près de 74 % des cas. Dans cette étude, ces scores ont baissé d’au moins 50 % pour 63 % des chiens.

Lorsque l’immunothérapie spécifique est efficace, elle se poursuit à vie

Ainsi, l’association de ce traitement étiologique avec différents traitements symptomatiques comme les antihistaminiques, les acides gras essentiels, ou encore les shampooings antiprurigineux permettent un contrôle de près des trois quarts des chiens atopiques sans glucocorticoïdes. Finalement, à ce jour, l’ITS constitue le principal traitement permettant de guérir définitivement un chien atopique.

Elle doit être mise en place pendant une durée d’au moins six mois avant de juger de son efficacité. Lorsque c’est le cas, elle est ajustée et maintenue à vie, sous peine de récidive, tandis qu’en cas d’inefficacité elle est arrêtée.

Etonnamment, le mode d’action reste inconnu. Diverses hypothèses ont été proposées (synthèse d’anticorps bloquants, qui “piègent” l’allergène avant sa fixation aux IgE présents sur les mastocytes, diminution de la sensibilité des mastocytes aux allergènes, stimulation de certaines sous-populations lymphocytaires T, en particulier des lymphocytes T suppresseurs, etc.).

Comme tout traitement, l’ITS présente différents avantages et inconvénients. Il s’agit d’un traitement sûr, efficace, peu onéreux (moins de 100 €), y compris chez les chiens de grande taille, qui ne demande aucune précaution particulière et facilement réalisable. Les inconvénients majeurs sont qu’elle se réalise par injection sous-cutanée, ce qui peut être rédhibitoire chez certains propriétaires, et qu’elle nécessite parfois plusieurs mois (deux à quatre en moyenne) avant qu’une amélioration ne soit observée. Toutefois, il n’est pas rare de noter les premiers effets au cours du premier mois, si aucun glucocorticoïde n’est administré de manière concomitante.

Pour optimiser les chances de succès de l’ITS, il est impératif de bien sélectionner les aéro-allergènes à employer. En effet, une étude a montré qu’une immunothérapie spécifique, fondée sur les résultats des intradermo-réactions, est plus efficace qu’une immunothérapie effectuée avec des allergènes pris au hasard. Globalement, plus le flacon contient ce à quoi le chien est véritablement allergique, meilleure sera l’efficacité de l’ITS. Dans cette optique, la détermination des sensibilisations allergéniques doit préférentiellement être effectuée par la réalisation de tests cutanés (méthode de référence), idéalement corrélés par une sérologie allergologique. Dans la majorité des cas, une positivité aux acariens dits « de la poussière de maison » appartenant au genre Dermatophagoïdes est observée. L’ITS n’est généralement pas effectuée avec les moisissures, à moins d’observer une forte positivité aux tests allergologiques. Par ailleurs, une étude qui date de 2005 montre que si le chien est sensibilisé aux moisissures, la désensibilisation est statistiquement plus efficace lorsque des flacons séparés sont utilisés. Les pollens peuvent être inclus, à la condition qu’ils soient choisis judicieusement. Il faut ainsi corréler la positivité des tests avec la période de pollinisation et les pics allergiques.

Le principe de base d’une immunothérapie spécifique est l’induction d’une tolérance

L’ITS consiste à injecter des doses croissantes du ou des aéroallergènes auquel le chien est allergique, afin d’en diminuer sa sensibilisation. Le rythme des injections, qui s’effectue par voie sous-cutanée, est également progressivement augmenté jusqu’à atteindre la dose maximale que l’animal peut tolérer. A ce jour, il n’a pas été montré qu’un protocole soit plus efficace qu’un autre. En conséquence, il suffit de respecter celui qui est proposé par le laboratoire qui produit l’ITS, puis d’adapter celui-ci aux signes cliniques de l’animal. Lors de la phase d’induction, il est possible d’ajuster le protocole en faisant varier le rythme des injections ou le volume administré, selon la survenue d’effets secondaires. Par la suite, lors de la phase de maintenance, les injections peuvent également être espacées une fois le contrôle obtenu. Ces réajustements peuvent être effectués à l’occasion des contrôles réguliers de l’animal. En effet, un chien sous ITS doit être suivi de près. Cela détermine d’autant l’efficacité de ce traitement. Ces visites sont également l’occasion de surveiller l’apparition de complications infectieuses qui devront alors être gérées.

L’observance du traitement dépend du propriétaire, mais également du praticien

Les injections sous-cutanées sont habituellement effectuées par le propriétaire à son domicile. La première est réalisée avec lui. Sa motivation est essentielle de même que sa bonne compréhension de l’ITS pour qu’il s’implique dans ce traitement au long cours. Les conditions de stockage du flacon sont également précisées.

L’ITS constitue un traitement sûr. Toutefois, il est important d’informer le propriétaire de la survenue éventuelle d’effets secondaires plus ou moins sévères. Ainsi, même si c’est rarissime, un choc anaphylactique peut conduire au décès de l’animal. Dans une étude rétrospective réalisée chez 185 chiens recevant une immunothérapie spécifique, un choc n’a été observé que dans un cas seulement. Dans la réalité, cette fréquence semble encore bien moindre. En effet, Craig Griffin, l’auteur d’un des articles cités en référence, qui a exercé pendant vingt-cinq ans en référé et en collaboration avec de nombreux autres vétérinaires spécialisés en dermatologie, n’a, pour sa part, eu connaissance que d’un cas sur les quelques milliers de chiens qui ont pu être ainsi traités. L’urticaire est une réaction qui est observée beaucoup plus communément, généralement dans les premiers mois. Elle est traitée par l’administration d’antihistaminiques et, si ceux-ci ne se révèlent pas efficaces, un glucocorticoïde à dose anti-inflammatoire est employé. Il est aussi possible d’observer un angiœdème facial, également traité par l’administration de glucocorticoïdes. Une exacerbation du prurit dans les quelques jours qui suivent l’injection peut également être notée.

Différents traitements concomitants peuvent ou doivent être utilisés lors d’immunothérapie spécifique. Tout d’abord, il est bien entendu extrêmement important de maintenir une prévention antipuces sous peine de voir apparaître une exacerbation du prurit due à une contamination par des puces ou à une crise de dermatite par allergie à leurs piqûres.

De même, il est important de contrôler les complications infectieuses (folliculite bactérienne, otite externe, dermatite à Malassezia), qui seraient notamment source d’une exacerbation du prurit. C’est pourquoi ces éléments doivent être vérifiés avant d’incriminer une éventuelle inefficacité de l’ITS. Concernant le traitement symptomatique, même s’il est préférable de ne pas l’administrer concomitamment, aucune étude n’a montré que les antihistaminiques, les glucocorticoïdes ou la ciclosporine diminuaient l’efficacité de l’ITS. Tout au plus, il conviendra de prendre soin de réaliser ces traitements sur une période la plus courte possible et de les arrêter régulièrement afin de juger l’efficacité de l’immunothérapie spécifique.

BIBLIOGRAPHIE

  • • C. Griffin : « Allergen-specific immunotherapy for canine atopic dermatitis : making it work », Vet. Medicine, 2006, n° 101, pp. 590-605.
  • • B. Schnabl, S. Bettenay, R. Mueller : « Results of allergen-specific immunotherapy in 117 dogs with atopic dermatitis », Vet Record, 2006, n° 158, pp. 81-85.
  • • C. Griffin, A. Hillier : « The ACVD task force on canine atopic dermatitis (XXIV) : allergen-specific immunotherapy », Vet. Immunol. And immunopathol., 2001, vol. 81, pp. 363-383.
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