Le passage à l’euro a-t-il entraîné des changements dans votre exercice ? - La Semaine Vétérinaire n° 1256 du 10/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1256 du 10/02/2007

Entre nous

FORUM

Le pouvoir d’achat des clients est en baisse

Georges-Eric Paul, praticien à Roubaix (Nord).

Il y a cinq ans, le passage à l’euro s’est effectué sans le moindre problème, que ce soit au niveau des salaires, des tarifs pratiqués, etc. Je n’ai pas augmenté mes prix plus que d’habitude (c’est-à-dire à hauteur de 2 %) et je n’ai jamais eu de remarques sur ce sujet de la part de mes clients.

Durant les premiers temps, j’ai constaté une sorte d’euphorie chez certains, qui s’est traduite par un accroissement des dépenses. Malheureusement, l’embellie n’a pas duré et les propriétaires d’animaux sont devenus plus raisonnables. Je constate d’ailleurs que leur pouvoir d’achat est en baisse, de même que le mien, soit dit en passant. Les laboratoires n’hésitent pas à appliquer des hausses annuelles qui vont de 2 à 4 %, ce qui fait augmenter le prix du panier moyen de nos clients.

Par ailleurs, le passage à l’euro a facilité la comparaison des prix avec ceux de nos confrères belges, mais cela n’a pas eu d’incidence particulière. Ces derniers affichent et pratiquent des tarifs inférieurs aux nôtres, lesquels sont cependant déjà, selon les représentants, les moins élevés de France (peut-être à cause de cette pression tarifaire ?), en raison notamment d’une fiscalité plus “légère”. Mais notre réputation demeure meilleure que la leur et nous n’avons pas constaté de transfert important de clientèle vers la Belgique. En revanche, les Français se sont rapidement rendus compte que les tarifs pratiqués dans les animaleries belges étaient bien plus intéressants en ce qui concerne notamment l’alimentation, mais surtout la vente de chiots. En conséquence, nous voyons en consultation beaucoup de jeunes chiens en provenance des pays de l’Est, pas ou mal vaccinés, qui ont transité par la Belgique.

Nous avons été contraints de nous spécialiser

Pierre-Louis Thévenin, praticien à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques).

Le passage à l’euro a beaucoup modifié notre activité professionnelle. En effet, la comparaison avec les tarifs pratiqués en Espagne nous a conduits à nous spécialiser davantage. Les clients se sont rendus compte que nous n’étions pas compétitifs. Pourtant, nous n’avions pas augmenté nos tarifs, mais fait une stricte conversion francs/euros, ce qui a d’ailleurs entraîné une comptabilité fastidieuse, avec des centimes d’euros. L’année suivante, nous avons juste arrondi les prix. Mais les vétérinaires espagnols bénéficient d’une imposition légère, la TVA n’est que de 7 % pour les actes, de 15,6 % pour les médicaments, les taxes professionnelles et d’habitation n’existent pas, etc. Nous sommes imposés et taxés en moyenne quatre fois plus qu’eux (pas de CSG ni de RDS espagnoles, etc.). Nous nous sommes donc spécialisés, et notre activité se compose désormais de 50 % de référés (endoscopie, traumatologie, ophtalmologie, cancérologie, cardiologie). Notre clientèle a énormément changé. J’ai perdu une partie des clients aux revenus modestes, mais j’ai récupéré une clientèle plus aisée, référée par mes confrères français, plus rarement espagnols. Mon travail est devenu certes plus intéressant, mais je dois sans cesse investir dans des formations ou du matériel pour rester compétitif et, au final, tout cela se solde par une diminution de mon pouvoir d’achat.

Désormais, les propriétaires comparent moins souvent les tarifs, mais il m’arrive encore assez fréquemment de devoir convertir les prix en francs et en pesetas, notamment pour les personnes âgées.

Je n’ai pas augmenté mes prix la première année, mais la suivante, ce qui est passé complètement inaperçu

Patrice Robert, praticien à Neuf-Brisach (Haut-Rhin).

Le passage à l’euro s’est bien passé, mis à part les tarifs prohibitifs des informaticiens pour la mise à jour obligatoire de nos logiciels ! Je n’ai pas augmenté mes prix, comme cela nous avait été demandé. En revanche, je l’ai fait l’année suivante, ce qui est passé complètement inaperçu, car les clients, encore mal familiarisés avec cette monnaie, pratiquaient une conversion approximative. Pendant deux ans environ, nous avons dû afficher les prix en francs et en euros. Finalement, le plus difficile pour moi a été d’appréhender les petites sommes, comme les frais de cartes bancaires indiqués sur les relevés. J’exerce dans une ville frontalière et, depuis le passage à l’euro, les gens hésitent moins à faire leurs achats de l’autre côté de la frontière. Certains produits sont moins chers en Allemagne, d’autres en France, et les clients se comportent de plus en plus en consommateurs avertis ! Les prix pratiqués par les vétérinaires allemands sont certes un peu plus bas que les nôtres, les praticiens outre-Rhin ayant fort à faire avec la concurrence des dispensaires SPA. Mais les services proposés ne sont pas les mêmes : le vétérinaire allemand est, en général, moins bien équipé que nous et exerce une activité beaucoup plus généraliste. De plus, passer la frontière pour consulter un vétérinaire ou un médecin n’est pas encore entré dans les mœurs : le barrage de la langue en est peut-être une explication.

Depuis le passage à l’euro, j’ai le sentiment que les propriétaires d’animaux ont un peu perdu la notion de l’argent : ils constatent une augmentation générale des prix dans leur vie quotidienne et, finalement, les tarifs pratiqués par le vétérinaire ne leur semblent pas vraiment élevés. En revanche, enclins à dépenser plus, beaucoup se retrouvent en surendettement…

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