L’EUROPE INJECTE UNE BULLE D’AIR DANS LE GOUTTE-À-GOUTTE THÉRAPEUTIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1256 du 10/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1256 du 10/02/2007

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Auteur(s) : Eric Vandaële

L’arsenal thérapeutique des chevaux s’élargit à soixante et onze substances « essentielles » pourtant interdites d’emploi en productions animales. C’est une première pour des animaux non exclus de l’abattage. L’expérience clinique des praticiens a payé dans la sélection de ces molécules.

C’est au “pas rassemblé”, mais certainement pas au galop, que l’Europe avance pour éviter que des animaux souffrent ou meurent faute de médicaments autorisés. Les équidés, à cheval entre les productions animales et les animaux de compagnie, bénéficient aujourd’hui d’une avancée “essentielle” en ce sens.

La Commission européenne vient en effet d’autoriser l’administration de soixante et onze médicaments « essentiels » aux chevaux non exclus de la consommation humaine(1). Par l’absence de limites maximales de résidus (LMR), ces substances étaient (théoriquement) interdites d’emploi dans les productions animales, chevaux inclus, depuis le 1er janvier 2000.

Il s’agit d’un fait sans précédent depuis l’origine de la réglementation européenne sur les LMR, en 1990. Son principe est clair : un médicament dont la toxicité des résidus pour le consommateur n’a pas été évaluée est interdit d’emploi en productions animales. Il ne comportait jusqu’à présent aucune exception. Les veaux nouveau-nés, dont la date d’abattage n’est pas envisagée avant plusieurs mois, sont traités avec une rigueur égale à celle appliquée au porc charcutier en fin d’engraissement. De même, les anesthésiques et les antiparasitaires sont soumis à une procédure de fixation de LMR identique. Pourtant, les anesthésiques sont d’un usage ponctuel, individuel. Leur action n’est pas rémanente, d’où le réveil après quelques minutes ou quelques heures. Le risque des résidus est faible. Qu’ils soient locaux ou généraux, ils sont en outre évidemment nécessaires dans le but d’éviter la souffrance animale lors d’une intervention chirurgicale ou même pour certains examens cliniques. Mais sur les treize molécules listées dans Le Point Vétérinaire(2) comme indispensables à la chirurgie des ruminants, neuf sont interdites d’emploi faute de LMR… A l’inverse, les antiparasitaires sont d’un usage collectif et systématique, avec des molécules lipophiles et rémanentes sur plusieurs semaines ou mois. Le risque des résidus est plus élevé. Des LMR ont été fixées pour près de quatre-vingts antiparasitaires, ce qui couvre la quasi-totalité des affections parasitaires.

Un nouveau principe éthique a fait son apparition : éviter la souffrance animale

Cela explique sans doute pourquoi plus de 40 % des soixante et onze substances « essentielles » sont des anesthésiques, des analgésiques, des myorelaxants ou des molécules de réanimation, etc., en lien avec des examens chirurgicaux, diagnostiques, etc. (voir tableau en page 29).

La réglementation LMR a conduit à la disparition de plusieurs dizaines, voire quelques centaines de spécialités commerciales depuis 1995, l’année où, pour la première fois, une molécule majeure – le chloramphénicol – a été interdite faute de LMR.

Avec le passage à l’an 2000, un nouveau principe éthique a émergé aux yeux des vétérinaires, des autorités européennes, de certains experts et de l’opinion publique, consommateurs sensibles à la protection animale. Il est devenu de moins en moins tolérable qu’un animal, surtout un cheval, puisse souffrir en Europe, alors que la solution thérapeutique est à portée de mains, disponible, reconnue comme efficace par les praticiens, avec un rapport bénéfice/ risque mal évalué, mais largement favorable, au moins pour l’animal traité. Dans le cas du cheval, le risque des résidus est apparu comme abusivement surévalué. La consommation moyenne de viande chevaline en France, l’un des seuls pays européens hippophages, avec l’Italie, est comprise entre 100 et 400 g par habitant et par an, soit cent fois moins que pour la viande de bœuf… En outre, 85 % des viandes chevalines sont importées de pays qui n’appliquent pas tous la même réglementation sur les LMR chez le cheval… La notion de « substance essentielle » aux équidés, associée à un temps d’attente forfaitaire de six mois, est apparue en 2004 dans les directives européennes. Finalement, après des mois de discussions, une première liste de soixante et onze substances interdites en productions animales, mais utilisables chez des chevaux non exclus de l’abattage, a été publiée, avec une application immédiate(1). Toutefois, l’emploi de ces substances doit se faire « dans des circonstances exceptionnelles et sous la responsabilité directe du vétérinaire ».

En pratique, la publication de cette liste ne changera pas grand-chose aux habitudes des vétérinaires équins. C’est une petite bulle d’air dans la nécessité d’un arsenal thérapeutique plus large. Mais cela reste un premier pas significatif dans la prise en compte nouvelle de la santé et de la souffrance animales dans ces problématiques.

« La large expérience clinique » fait le meilleur choix thérapeutique

Pour la première fois aussi, ce règlement européen définit la notion de meilleur choix thérapeutique, fondé sur trois critères : l’efficacité, les souffrances inutiles évitées et la sécurité des utilisateurs. Ainsi, les substances essentielles peuvent être utilisées « lorsque aucun médicament avec une LMR ne produirait des résultats aussi satisfaisants en termes d’efficacité, de souffrances inutiles évitées ou de sécurité pour les personnes soignant l’animal ».

Les justifications apportées pour l’inscription d’une substance essentielle dans une indication apparaissent toutefois bien maigres comparées à celles qui sont exigées pour les dossiers cliniques d’AMM. Les argumentaires publiés soulignent « la plus large expérience clinique » pour telle substance, « le traitement habituel de choix » ou encore « le traitement de recours ». A l’évidence, l’expérience clinique des praticiens a été acceptée pour remplacer le manque d’études cliniques démonstratives.

Toujours préférer des substances avec LMR à des substances essentielles

Ce règlement rappelle aussi que toutes les substances avec des LMR fixées, quelles que soient l’espèce et la denrée concernées, peuvent toujours être utilisées « hors AMM » pour le traitement des équidés, dans le cadre de la cascade et avec un temps d’attente minimal de vingt-huit jours. C’est pourquoi la liste des substances essentielles est restreinte aux seules substances sans aucune LMR et réellement interdites dans toutes les productions animales, à l’exception, désormais, des équidés.

La force d’inertie de la Direction de la santé crée des carences dans le système français

Cet arsenal “essentiel” de soixante et onze substances met aussi en lumière les “trous” dans celui des médicaments équins, ainsi que les problèmes de disponibilité en France. En effet, sept substances essentielles (10 %) ne sont pas ou plus commercialisées en France. Pour la plupart, la procédure d’importation “en cascade” (qui nécessite de connaître à l’avance les détenteurs des animaux) n’est pas applicable à ces médicaments d’urgence. Treize substances (18 %) sont aussi réservées à l’usage hospitalier. Mais, en France, la Direction générale de santé n’a toujours pas fait publier l’arrêté qui liste les médicaments hospitaliers qui pourraient devenir accessibles aux vétérinaires. Pourtant, selon le ministre de l’Agriculture, « rien ne s’oppose à sa parution »… depuis plusieurs mois. Le cheval européen se soigne un peu mieux, mais le cheval français fait la course avec un handicap supplémentaire.

  • (1) Règlement européen 1950/2006 du 13/12/2006 (Journal officiel de l’Union européenne du 22/12/2006).

  • (2) Le Point Vétérinaire, numéro spécial rural “Chirurgie des bovins et des petits ruminants”, 2000.

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