L’approche “muqueuse” en vaccinologie offre des perspectives séduisantes - La Semaine Vétérinaire n° 1256 du 10/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1256 du 10/02/2007

Immunoprophylaxie des infections respiratoires

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Lors d’une infection grippale, le système immun muqueux est la première ligne de défense. L’administration d’un vaccin par voie nasale induit une réponse immune muqueuse et une immunité à médiation cellulaire.

Depuis la fin de l’année 2006, les vétérinaires disposent, en médecine bovine, de Rispoval® RS + Pi3 intranasal, un vaccin atténué administrable par voie intranasale, commercialisé par le laboratoire Pfizer. Utilisable dès l’âge de trois semaines, ce vaccin, qui active le système immun muqueux, confère aux jeunes veaux une protection d’une durée de neuf semaines contre le virus respiratoire syncytial et le virus parainfluenza3. A la suite de cette période, une vaccination induisant une immunité systémique prend le relais.

En 2004, lors des journées européennes organisées par la Société française de buiatrie, notre confrère Gilles Meyer, maître de conférences à l’école de Toulouse, a présenté les limites de la vaccination contre le virus respiratoire syncytial(1). Chez les jeunes veaux, la réponse cellulaire spécifique se met plus rapidement en place que la réponse humorale. Il faut attendre quatre mois pour une réponse complètement fonctionnelle pour les IgG1 et les IgA. Chez les veaux porteurs d’anticorps maternels, l’immunisation par voie nasale apparaît plus protectrice que l’immunisation induite par la voie intramusculaire. La présence d’une mémoire immunitaire a également été démontrée.

L’induction de la réponse muqueuse immune et l’intérêt prophylactique inhérent à l’utilisation de la voie muqueuse dans la prévention des syndromes grippaux humains ont été développés par Sophie Alain, médecin au CHU de Limoges, lors du symposium Pfizer Santé animale, organisé dans le cadre du congrès mondial de buiatrie de Nice, en octobre 2006.

En effet, depuis 2003, il est possible de pratiquer, aux Etats-Unis, deux types de prévention vaccinale, une immunoprophylaxie induite par voie systémique et une immunoprophylaxie induite par voie muqueuse. Outre les vaccins trivalents inactivés (TIV) injectables par voie parentérale, les médecins américains ont à leur disposition un vaccin vivant atténué sensible à la température (cold-adapted influenza vaccine ou CAIV), qui peut être administré par voie intranasale. Il présente notamment l’intérêt d’induire aussi une réponse immune muqueuse.

Principales portes d’entrée de la plupart des virus, les surfaces muqueuses représentent 95 % de la surface de notre corps et sont bien armées pour résister aux agressions grâce à des moyens de défense à la fois mécaniques, non spécifiques et spécifiques. La présence abondante des acteurs du système immunitaire dans les muqueuses témoigne de leur intense activité immunitaire. En effet, « 80 % des cellules immunitaires se situent au niveau des muqueuses », a expliqué Sophie Alain.

L’induction de la réponse immune muqueuse nécessite la présence de tissu lymphoïde

Les effecteurs du système immunitaire des muqueuses se répartissent en deux catégories, d’une part les effecteurs cellulaires, avec les lymphocytes et les macrophages, d’autre part les effecteurs humoraux, essentiellement les immunoglobulines A sécrétoires (S-IgA), voire les immunoglobulines G. « Deux tiers de tous les lymphocytes B sécrètent des immunoglobulines A », a précisé Sophie Alain. L’induction de la réponse immune muqueuse contre les antigènes, les virus et les vaccins requiert la présence de tissu lymphoïde organisé (organised mucosal lymphoïd tissue) soit à l’intérieur de la muqueuse, soit dans des ganglions lymphatiques. D’autres structures lymphoïdes particulières, les amygdales et les végétations adénoïdes, se retrouvent à l’entrée des voies respiratoires. En présence de tissu lymphoïde, des cellules en forme de poche intraépithéliale, les cellules M (microfold cells), sont présentes au sein de l’épithélium. Elles sont spécialisées dans la capture par endocytose des antigènes et des virus. Via ces sites de passage privilégiés, les antigènes et les virus sont amenés par les cellules dendritiques au contact des lymphocytes (voir schéma 1).

Les lymphocytes B et T ainsi activés entreprennent un cycle de maturation dans le sang et gagnent préférentiellement les sites effecteurs du système immunitaire sécrétoire, dénommé Malt (mucosa associated lymphoïd tissue). Le Malt est subdivisé en zones fonctionnelles, le Galt (intestin), le Nalt (fosses nasales et le pharynx) et le Balt (bronches).

La localisation des lymphocytes dans ces lieux effecteurs est déterminée par le lieu de leur induction. Les lymphocytes B matures y sont transformés en plasmocytes sécrétants d’immunoglobulines A sécrétoires (S-IgA) après un deuxième contact avec l’antigène (voir schéma 2).

Les IgA sécrétoires représentent l’anticorps majeur des sécrétions muqueuses

Une importante caractéristique de la réponse immunitaire muqueuse est la production locale et la sécrétion de S-IgA. La quantité de S-IgA synthétisée quotidiennement est égale à l’ensemble de toutes les immunoglobulines sériques, soit un système immunitaire sécrétoire au moins équivalent en volume au système immunitaire systémique. Contrairement aux autres anticorps, ce lysotype est résistant à la dégradation par l’environnement riche en protéases des surfaces muqueuses.

Le rôle majeur des S-IgA est la prévention de la propagation des virus au-delà de la muqueuse respiratoire, grâce à trois mécanismes : l’exclusion immune, la transcytose et l’élimination des virus intra-épithéliaux (voir schéma 3). Dans le premier cas, le virus recouvert d’IgA ne peut se fixer sur le récepteur cellulaire. La transcytose des complexes immuns permet aux virus qui ont échappé au premier mécanisme d’être en contact avec les IgA. Pour le troisième mécanisme, l’élimination des virus intra-épithéliaux est possible par la capture des virus durant la transcytose et la reconduction vers la lumière et le mucus.

Les immunoglobulines G présentes dans certaines sécrétions en proportion importante (sécrétions pulmonaires, gingivales) dépendent du système immunitaire systémique et diffusent à partir du sang en cas d’infection.

Les acteurs de l’immunité cellulaire sont composés des cellules M et des lymphocytes T (CD4 +, CD8 + et intraépithéliaux). Les lymphocytes T cytotoxiques (CD4 +, CD8 +) ne peuvent prévenir l’entrée d’un agent pathogène, mais jouent un rôle crucial dans l’élimination et le blocage des infections virales des muqueuses. Les lymphocytes T intra-épithéliaux intercalés entre les cellules épithéliales sont considérés comme la première barrière cellulaire contre les agents pathogènes.

Les réponses immunes des muqueuses sont stimulées par l’application locale d’un antigène

A la suite d’une infection naturelle, la protection de l’individu est corrélée avec les titres en anticorps locaux et sériques contre les hémagglutinines et les neuraminidases. Majoritaires, les S-IgA sont associées aux IgM locales et aux IgG sériques. Concernant la réponse cellulaire, une grande variabilité inter-individus a été observée. Néanmoins, les réponses immunitaires des muqueuses, particulièrement la production des cellules T cytotoxiques, sont difficiles à apprécier, alors que la production d’anticorps spécifiques et de cellules lymphoïdes est facilement mesurable dans le sang.

En matière de vaccinologie, la comparaison du TIV avec le CAIV montre une efficacité assez voisine, avec toutefois un avantage en faveur du CAIV (efficacité de 85 % versus 71 % avec le TIV). Au cours de la saison grippale 2002-2003, l’étude de la population à haut risque, composée des enfants asthmatiques âgés de six à dix-sept ans, a montré l’efficacité relative supérieure (+ 35 %) de la vaccination par le CAIV-trivalent comparée à celle par le TIV. Egalement en faveur du CAIV, la réponse en anticorps avec une réactivité croisée laisse espérer une protection contre les souches mutées au cours d’une même saison.

Lors d’une vaccination intranasale par le CAIV, la discordance entre des titres sériques modestes et une bonne protection est en faveur d’une protection conférée par la synthèse de S-IgA dans la muqueuse nasale. En outre, l’étude de la protection des enfants qui ont reçu un vaccin antigrippal atténué par voie orale met en évidence la conservation de cette protection toute leur vie. Schématiquement, selon le professeur François Denis, du laboratoire de bactériologie-virologie-hygiène du CHU de Limoges, « le vaccin tué injectable (TIV) induirait une réponse plus importante que le vaccin muqueux (CAIV) dans les IgG et les IgA sériques à l’égard des hémagglutinines. Alors que le vaccin atténué induit des titres d’IgA observés dans le lavage nasal plus élevés que le vaccin inactivé, on peut considérer que respectivement 50 % des vaccinés par le CAIV et 25 % des vaccinés par le TIV produisent des IgA muqueux, mais que les TIV induisent des anticorps muqueux essentiellement de lysotype IgG ».

En médecine vétérinaire, la vaccination par voie muqueuse n’est pas une nouveauté. En effet, en aviculture, l’efficacité de la protection immune muqueuse est largement utilisée. Les vaccins atténués administrés par voie oculaire, oculonasale, intranasale et orale existent depuis plus de cinquante ans et sont employés tant en primovaccination que lors des rappels vaccinaux mis en œuvre pour protéger les oiseaux contre les virus de la bronchite infectieuse, de la rhinotrachéite infectieuse, de la maladie de Newcastle, de la maladie de Gumboro ou encore de la laryngotrachéite infectieuse.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1180 du 23/5/2005.

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