Pour capturer ses proies, la musaraigne étrusque utilise ses moustaches

Comment la musaraigne étrusque (Suncus etruscus) peut-elle trouver sa nourriture, le grillon, dans l’obscurité ? Grâce à ses moustaches, les vibrisses, implantées autour du museau, qui sont extrêmement développées⁽¹⁾. Elles lui permettent de localiser la proie, de la reconnaître et de lancer précisément ses attaques. Pourtant, les grillons ne sont pas des cibles faciles : les plus grands sont d’une taille à peine inférieure aux musaraignes et tous se déplacent rapidement. Les observations montrent que les attaques sont toujours précédées d’une protraction du museau (donc des vibrisses) vers les grillons, qu’elles portent en priorité sur le thorax antérieur de l’insecte, que la taille de celui-ci n’a aucune incidence sur les attaques et que ces attaques s’effectuent vite (200 ms, les plus rapides en 80 ms). Les chercheurs ont confirmé le rôle des vibrisses avec deux batteries de tests. Dans la première, les petites vibrisses, les micro vibrisses, ont été enlevées à des musaraignes. Leur taux de réussite de capture est tombé de 92 % (avec micro vibrisses) à 52 %. Ensuite, d’autres musaraignes ont été privées de leurs macro vibrisses. Ce taux s’est réduit de 91 % à 52 % et le point principal d’impact des attaques a changé, passant du thorax antérieur à la tête.

Même les grillons factices sont attaqués par les musaraignes

Pour la seconde batterie de tests, les chercheurs ont créé des grillons factices, en plastique. Les musaraignes les ont aussi attaqués, ce qui montre que ce ne sont pas les mouvements des grillons qui déclenchent l’attaque, et pas davantage leur odeur (ni leurs paramètres visuels, bien entendu, puisque la chasse a lieu la nuit, les grillons, comme ces musaraignes, étant nocturnes). C’est bien de la perception globale de la proie qu’il s’agit. Pour préciser ce phénomène, les chercheurs ont collé sur des grillons une tête ou des pattes arrière supplémentaires. Les têtes surnuméraires n’ont pas modifié le comportement de prédation, à la différence des autres pattes : les musaraignes ont concentré sur elles la majorité de leurs attaques, alors que chez des musaraignes gardées comme contrôle, le thorax antérieur continuait à être privilégié. Ces pattes en plus représentaient, selon les chercheurs, un élément déterminant pour reconnaître les grillons, prouvant ainsi que les musaraignes sont capables de modifier leur comportement de chasse selon les changements intervenus chez les grillons.

Cette capacité de reconnaissance tactile se rapproche de la reconnaissance visuelle de l’homme. Mais elle est plus rapide (un homme peut détecter un objet en 300 ms) et elle est générée par un cerveau qui n’a aucune commune mesure avec un cerveau humain, puisqu’il est vingt mille fois plus petit.

• (1) F. Anjum et coll. : « Tactile guidance of prey capture in Etruscan shrews », Proceedings of the National Academy of Sciences USA, 31/10/2006.