Le Conseil d’Etat interdit le « hors liste » aux vétérinaires salariés et à leurs employeurs - La Semaine Vétérinaire n° 1255 du 03/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1255 du 03/02/2007

Jurisprudence. Un coup de tonnerre pour les vétérinaires salariés et les groupements

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

Le Conseil d’Etat vient de refuser le plein exercice de la pharmacie aux vétérinaires salariés dans le cadre de la comptabilité de la coopérative ou du groupement agréé(1). Il s’agit d’une jurisprudence historique dans l’interprétation litigieuse des ventes de médicaments sur prescription pour les productions animales. Le Conseil d’Etat considère que le groupement agréé n’a le droit ni d’acheter ni de revendre à ses éleveurs-adhérents les médicaments sur prescription qui ne figurent pas sur la liste prévue pour les programmes sanitaires d’élevage agréés (PSE). Cette liste dérogatoire, dite positive, correspond aux traitements préventifs ou zootechniques, c’est-à-dire essentiellement les antiparasitaires, les vaccins, les intramammaires destinés au tarissement et les traitements d’induction et de synchronisation des chaleurs. Les traitements curatifs, notamment les antibiotiques oraux ou injectables, les anti-inflammatoires, etc., n’y figurent pas.

Jusqu’à présent, les vétérinaires salariés des groupements et des coopératives estimaient qu’ils avaient le droit au plein exercice de la pharmacie. Ils prescrivaient et délivraient donc tous les médicaments dont ils avaient besoin, y compris ceux sur prescription et hors liste positive. Leurs employeurs assuraient la gestion financière en réglant ces achats aux centrales et en facturant aux éleveurs des ventes correspondantes.

« Un exercice illégal » à l’origine d’« actes déloyaux et contraires à la probité »

Le Conseil d’Etat estime que la « combinaison » des dispositions sur le plein exercice de la pharmacie par les pharmaciens et les vétérinaires (article L. 5143-2) et de celles sur l’exercice restreint par les groupements (article L. 5143-6) interdit clairement ce type de pratique pour les médicaments hors liste. Pour le Conseil d’Etat, il s’agit d’un « exercice illégal de la pharmacie » par le groupement, qui a « pour effet de lui apporter indûment un surplus de chiffre d’affaires ». Selon les termes du Conseil d’Etat, le confrère salarié, qui prescrit et délivre ces médicaments « facilite [et] couvre de son titre » l’exercice illégal du groupement, et peut donc être sanctionné par l’Ordre comme se livrant à des « actes déloyaux, contraires à l’honneur et à la probité ».

« Seuls les pharmaciens et les vétérinaires peuvent détenir, en vue de leur cession aux utilisateurs, et délivrer au détail, les médicaments vétérinaires », précise l’article L. 5143-2 du Code de la santé publique pour définir le monopole de l’ayant droit de plein exercice. Dans les débats parlementaires, notamment en 1992, les députés et les sénateurs n’avaient pas mentionné les termes « acheter » et « vendre », de façon intentionnelle, pour laisser ouverte la possibilité aux coopératives d’acheter et de revendre. Le Conseil d’Etat n’a pas suivi cette lecture : l’article L. 5143-2 « n’a ni pour objet ni pour effet de permettre aux groupements agréés qui salarient un vétérinaire d’acheter, de détenir et de vendre les médicaments sur prescription non nécessaires aux PSE » (hors liste positive), indique-t-il. En d’autres mots, ce n’est ni dans l’esprit ni dans la lettre de la loi de permettre à un groupement d’acquérir et de revendre tous les médicaments. Même si cela est à la demande de ses vétérinaires salariés qui les prescrivent et les délivrent.

Pour le Conseil d’Etat, les groupements agréés sont restreints dans leur exercice de la pharmacie : ils ne peuvent acheter, détenir et délivrer à leurs membres (éleveurs) que les médicaments vétérinaires qui ne nécessitent pas de prescription, et ceux sur prescription qui figurent à la fameuse liste positive.

Les conséquences prévisibles du coup de tonnerre du Conseil d’Etat

Ce coup de tonnerre sur la pharmacie vétérinaire ne sera pas sans conséquence. Les vétérinaires libéraux ne sont pas autorisés à délivrer au détail les médicaments sur prescription d’un vétérinaire salarié. Seuls les pharmaciens pourraient légalement le faire. Mais ni les éleveurs ni les vétérinaires salariés ne souhaiteront probablement les faire bénéficier de cette jurisprudence nouvelle. D’autant que les pharmaciens ne brillent habituellement pas par leur grand respect de la réglementation sur le médicament.

Toutefois, avant même que la décision du Conseil d’Etat ne soit officiellement connue, des coopératives ont déjà préparé leurs arrières avec leurs vétérinaires salariés. Des SEL (sociétés d’exercice libéral) se mettent déjà en place dans ce sens. La participation des groupements à leur capital n’est pas aujourd’hui chose facile. Mais elle devrait l’être davantage à l’avenir. Car la Commission européenne exige de la France qu’elle soit moins restrictive sur ce point. Avec ces SEL, la libre concurrence sera, il est vrai, beaucoup plus loyale entre libéraux et salariés, mais sans doute pas moins vive.

  • (1) Décision de Conseil d’Etat n° 285652, séance du 8/1/2007. Lecture du 24/1/2007.

L’affaire Riaucourt

L’affaire, disciplinaire au départ, est assez classique. Elle oppose un vétérinaire salarié, Alain Riaucourt (coopérative Dynal, Loudéac) et l’Ordre. Comme la plupart des vétérinaires salariés, Alain Riaucourt prescrit et délivre des médicaments vétérinaires sur prescription et hors liste positive. Ces médicaments sont alors achetés et vendus (facturés) par la coopérative bretonne Dynal, le groupement agréé qui salarie de longue date Alain Riaucourt. La chambre de l’Ordre d’Aquitaine a condamné cette pratique d’une peine disciplinaire de suspension d’exercice de six mois (avec un sursis de cinq mois), le 28 avril 2004, sanction confirmée en appel le 27 juillet 2005, par la chambre du Conseil supérieur de l’Ordre (CSO). En dernier recours, le Conseil d’Etat, « statuant au fond », confirme que la pratique litigieuse s’apparente « à un exercice illégal de la pharmacie » par la coopérative.

E. V.
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