La thyroxinémie s’interprète avec les données cliniques - La Semaine Vétérinaire n° 1255 du 03/02/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1255 du 03/02/2007

Hypothyroïdie chez le chien

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

L’hypothyroïdie est probablement la dysendocrinie la plus difficile à diagnostiquer. Les signes cliniques sont en effet nombreux et peu spécifiques.

Etablir un diagnostic de certitude de l’hypothyroïdie se révèle souvent délicat, car les symptômes manquent de spécificité. En outre, de nombreux éléments peuvent affecter les résultats des tests de fonction thyroïdienne. En revanche, le traitement est bien codifié et valorisant, puisque les résultats sont souvent spectaculaires.

L’incidence de la maladie s’élèverait à 0,3 % (Milne, étude rétrospective sur 140 000 chiens vus dans plusieurs universités américaines dans les années 70). En pratique courante, l’incidence peut être estimée à 0,5 % environ.

Aujourd’hui, les auteurs s’accordent pour citer dix races prédisposées : le labrador, le golden retriever, le setter, le beagle, le boxer, le doberman, le schnauzer, le bobtail, le cocker et le berger allemand. Le sharpei et le chow-chow, précédemment inclus dans cette liste, n’en font plus partie d’après les données actuelles (recherche d’anticorps anti-thyroglobuline). Pour les races greyhound et whippet, les valeurs de thyroxinémie sont couramment inférieures de moitié aux va leurs normales. Une faible thyroxinémie physiologique est également citée chez le terre neuve, sans réelle confirmation. En outre, les chiens de races de grande taille présentent des valeurs plus basses que ceux de petit gabarit, tout en restant dans les limites physiologiques. Ces particularités raciales sont à prendre en considération afin de ne pas sur-évaluer l’incidence de l’hypothyroïdie.

Par ailleurs, le ralentissement du métabolisme lié à l’âge entraîne une diminution physiologique de la thyroxinémie.

Une sécrétion irrégulière et des fluctuations iatrogènes sont observées

Des fluctuations journalières physiologiques de sécrétion d’hormones thyroïdiennes sont rapportées chez des chiens euthyroïdiens. 20 % d’entre eux présentent des valeurs de T4 inférieures aux valeurs de référence à certaines heures de la journée. Des modifications saisonnières sont également évoquées.

L’activité sportive peut faire diminuer la thyroxinémie, et cela sur plus d’un mois, après une course de chiens de traîneau par exemple. Lors de la gestation, des fluctuations sont aussi notées, mais dans le sens d’une hyperthyroïdie.

L’administration de glucocorticoïdes à la dose de 2 mg/kg/j modifie immédiatement la thyroxinémie. En revanche, à la dose de 1 mg/kg/j, il faut attendre plus d’un mois d’administration pour observer une diminution significative de la thyroxinémie.

Avec le phénobarbital, l’effet est cumulatif et ne se fait ressentir qu’au bout d’un mois d’administration : la T4 est diminuée, mais la c-TSH est normale. Il convient donc d’y penser chez les chiens épileptiques sous traitement.

L’utilisation de sulfamides à la posologie de 60 mg/kg/j pendant un mois abaisse également la thyroxinémie et la sécrétion de c-TSH.

Enfin, la clomipramine et le carprofène, lors de traitements prolongés, peuvent entraîner une diminution de la thyroxinémie.

Les symptômes sont polymorphes et en décalage avec les idées reçues

La multiplicité des symptômes de l’hypothyroïdie complique le diagnostic. Les signes cliniques évocateurs sont la léthargie, l’alopécie, l’obésité (signes fort peu spécifiques) : ces symptômes, dits fréquents, ne sont présents que dans la moitié, voire un tiers des cas. D’autres signes peuvent être associés : squamosis (22 %), troubles neurologiques (20 %), pyodermite (14 %), bradycardie (10 %). Ainsi, la recherche d’une hypothyroïdie sur la seule présence d’une pyodermite est une fréquente source d’erreur.

Un certain nombre de manifestations cliniques sont souvent associées à l’hypothyroïdie, comme les troubles de la reproduction, oculaires, comportementaux, digestifs ou la galactorrhée, sans que leur réelle corrélation avec la maladie ait été démontrée.

En outre, la “queue de rat”, classiquement décrite comme un symptôme, n’est certainement pas pathognomonique de l’hypothyroïdie.

Certaines maladies intercurrentes peuvent intervenir et gêner le diagnostic d’hypothyroïdie. Ainsi, l’hypercorticisme constitue un facteur d’hypothyroxinémie sans hypothyroïdie. Le diabète sucré, pour sa part, par son influence sur le métabolisme organique, modifie également la sécrétion thyroïdienne. Elle correspond à une adaptation de l’organisme à une situation pathologique. Il est donc déconseillé de supplémenter les chiens concernés. En outre, lors de pyodermite profonde, de maladie chronique, de tumeur testiculaire sécrétante ou encore de cancer, il est possible de retrouver une hypothyroxinémie.

Les pièges du diagnostic biologique sont particulièrement importants. Les dosages non spécifiques ne peuvent apporter qu’un faisceau de présomptions qui permet seulement d’aller plus loin. Comme expliqué plus haut, les valeurs de T4 et de c-TSH sont susceptibles d’être modifiées par un grand nombre de facteurs biologiques. Parmi les dosages non spécifiques, une hyperlipémie, une anémie hyporégénérative modérée, une augmentation de la fructosamine, une hausse de la créatine kinase (qui peut aussi être imputée à un décubitus prolongé) sont recherchées. Les résultats histologiques de biopsies cutanées peuvent étayer le faisceau de suspicions (alopécie d’aspect hormonal, absence d’atrophie épidermique). Concernant les dosages spécifiques, la connaissance de quelques règles statistiques d’interprétation des résultats est nécessaire afin d’éviter les conclusions hâtives. En endocrinologie, les dosages sont soumis à une déviation standard (S) de 10 %, donc à une variabilité égale à 2S (20 %). Ainsi, pour une valeur de thyroxinémie de 10 nmol/l, il faut considérer que le résultat réel est compris entre 8 nmol/l (considéré comme inférieur à la normale) et 12 nmol/l. Par conséquent, le résultat biologique est à interpréter par le praticien dans un contexte clinique préétabli.

Seul le sens clinique du praticien permet l’interprétation des résultats biologiques

Un autre exemple peut illustrer les différences d’interprétation des valeurs biologiques selon le contexte clinique. Ainsi, considérons un labrador âgé de quatre ans, triste, mou et alopécique. La prévalence de l’hypothyroïdie dans ce groupe de population est d’environ 50 % (il y a une chance sur deux pour que cet animal souffre d’hypothyroïdie). Avec un dosage de T4 dont la sensibilité est de 90 % et la spécificité de 60 %, la valeur prédictive positive est de 69 %. Donc, si le dosage de T4 est inférieur à la normale, ce chien a 69 % de risque d’être réellement hypothyroïdien.

Considérons maintenant un labrador âgé de quatre ans, en bonne forme et présentant une pyodermite récidivante. La prévalence de l’hypothyroïdie dans ce type de population est d’environ 10 %. La valeur prédictive positive passe alors à 20 %. Donc, si la valeur de T4 est basse, ce chien n’a que 20 % de risque d’être réellement hypothyroïdien et 80 % de chance d’être normal (il est donc totalement inutile de réaliser un dosage de T4). Seul le tri de départ, effectué grâce au sens clinique du praticien, permet donc l’interprétation d’un résultat biologique.

Le dosage de FT4-DE est délicat d’un point de vue technique et onéreux

Un autre piège de ces dosages biologiques est l’envoi des prélèvements dans des laboratoires de biologie humaine. En effet, les valeurs de la thyroxinémie normale chez l’homme étant nettement plus hautes que celles du chien (de 55 à 165 contre 12 à 50), les gammes-étalons de médecine humaine ont une mauvaise précision pour les valeurs basses. De même, les kits snap sont intéressants pour des résultats normaux, mais semblent insuffisants pour des valeurs, basses qui doivent alors être confirmées par des laboratoires spécialisés.

Il n’existe aucune différence d’interprétation de dosage de la T4 libre ou de la T4 totale. Le dosage de FT4-DE (T4 libre en dialyse à l’équilibre) est de meilleure qualité, car il n’y a pas d’interférence avec les anticorps anti-T4. Cependant, il est plus délicat techniquement et nettement plus cher à mettre en œuvre. La présence d’anticorps anti-T4 gêne le dosage de T4 dans 10 % des cas, ce qui explique la possibilité d’obtenir un résultat de T4 normal ou normal-haut chez un individu hypothyroïdien.

Le dosage de c-TSH présente une spécificité de 70 %. Des taux de 10 à 15 % de faux positifs et de 20 à 40 % de faux négatifs sont relevés. Seul, ce test a une valeur prédictive positive de 37 % seulement. Il convient donc de l’interpréter uniquement à la lumière de la thyroxinémie et de l’observation clinique.

Pour sa part, le test de stimulation à la TRH n’est plus disponible. Celui de stimulation à la b-TSH, dangereux, a été arrêté. Le test de stimulation à la rh-TSH (Thyrogen®) est extrêmement coûteux, donc inutilisable en pratique courante (injection de 50 µg par voie intraveineuse, prise de sang à T0 et à T0 + 5 heures). Le Thyrogen® se présente en boîtes de deux ampoules de 900 µg, à conserver au maximum deux mois au congélateur et coûte 780 €.

La recherche des anticorps anti-thyroglobuline est positive dans la moitié des cas. Il existe de nombreuses variations raciales et la valeur prédictive évolutive est modeste. Elle pourra être un complément de diagnostic à l’avenir.

Ainsi, le diagnostic de l’hypothyroïdie impose une anamnèse et une observation clinique compatibles. Les dosages non spécifiques de cholestérolémie et de triglycéridémie permettent d’étayer les suspicions. Le dosage de T4 élimine une hypothyroïdie dans 90 % des cas lors de résultat normal. En cas de doute, le dosage de la c-TSH est intéressant. Si le doute persiste, un dosage de FT4-DE ou un essai thérapeutique, qui constitue une solution encore débattue mais utilisable en pratique, peuvent être proposés.

Définitions

• Spécificité : capacité d’un test à éliminer les faux positifs.

• Sensibilité : capacité d’un test à identifier les malades.

• Prévalence : pourcentage d’animaux malades dans la population étudiée.

• Valeur prédictive positive : probabilité d’être malade lors d’un résultat positif.

CONFÉRENCIER

Dominique Héripret, diplômé de l’European College of Veterinary Dermatology (ECVD), titulaire d’un CES de dermatologie vétérinaire, praticien au service de médecine du CHV Frégis (Arcueil, Val-de-Marne).

Article réalisé d’après la conférence « Pièges dans le diagnostic de l’hypothyroïdie », présentée au congrès 2006 de l’Afvac (Bordeaux).

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