La part du pauvre revient aux hommes !

L’article de La Semaine Vétérinaire sur la conservation de la faune sauvage dans le Serengeti⁽¹⁾ me laisse rêveuse. Je ne remets pas en question la pertinence de la conservation d’espèces en voie de disparition, mais il me semble qu’une certaine objectivité s’impose lorsqu’il est question de ce sujet. En effet, il n’est souvent fait mention que du sort des animaux, les hommes vivant autour des réserves n’étant présentés que comme « les méchants braconniers qui sapent le travail des gentils conservateurs de la faune sauvage ». Or, sans faire l’apologie du braconnage, on peut s’interroger sur les motivations de ces gens, essayer de se mettre un peu à leur place. Ces hommes vivent dans des pays parmi les plus pauvres de la planète, avec moins de 1 $ par jour. Certes, ils doivent bien se dire qu’il serait intéressant de conserver les animaux sauvages… Mais en attendant, comment nourrir la famille demain matin ? Avec quel argent soigner les enfants ? Les grandes idées écologiques sont faites pour et par ceux qui ont le temps de se pencher sur la question. Pour les habitants des villages frontaliers, les parcs nationaux empiètent sur les terres cultivables et la cohabitation avec les animaux n’est pas forcément facile. Les éléphants réduisent à néant les récoltes, quant ils n’estropient pas les enfants. Enfin, la lutte contre les braconniers se fait l’arme au poing. Alors, qui juger ? Qui doit être finalement protégé : les hommes ou les animaux ? Je serais curieuse de savoir quelle est la part des budgets de conservation de la faune attribuée au développement de projets « compensatoires » dans les villages frontaliers des parcs : 100 000 $ par an dans le cas du Serengeti… sur quel montant global ? C’est aux hommes que revient la part du pauvre ! Alors, s’il vous plaît, sortez de l’image classique et manichéenne montrée à la télévision. Essayez, pour une fois, de regarder de l’autre côté de la frontière…

• (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1252 du 13/1/2007 en page 37.