L’AVENIR DE LA PROFESSION EST MARQUÉ PAR SA FÉMINISATION - La Semaine Vétérinaire n° 1252 du 13/01/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1252 du 13/01/2007

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Auteur(s) : Carole Ballin

Voici trois décennies, le monopole exercé par les hommes sur la profession était quasi total. La féminisation est en effet un processus récent. Visible dans les écoles, il se ressentira “sur le terrain” dans les années à venir. Merial a mis en lumière ce phénomène en invitant plusieurs spécialistes de la question lors du congrès Afvac 2006. Une occasion d’explorer la signification et les enjeux liés à l’arrivée massive des femmes dans un ancien bastion masculin.

Le monde vétérinaire connaît une évolution majeure : sa féminisation. Le processus, déjà perceptible, va s’accentuer. Le phénomène est en marche. Il n’y en avait qu’une en 1936 (année de la première soutenance de thèse par une femme, Jeanne Micquel) ; elles étaient 36 en 1968 et 86 en 1966. Aujourd’hui, la France compte 5 928 vétérinaires femmes pour un total de 16 252 praticiens (soit une femme pour trois vétérinaires).

Cette dynamique de “féminisation” s’est amorcée il y a une quinzaine d’années. D’ici à quinze ans, les femmes représenteront plus de la moitié del’effectif des vétérinaires en exercice (voir graphique ci-contre).

Si, dans les années 1970 à 1980, les femmes admises au concours d’entrée dans les écoles vétérinaires représentaient 10 à 30 % des effectifs, ce taux a atteint 30 à 50 % dans les années 1980-1990, puis 50 à 60 % dans les années 1990-2000 et 60 à 75 % de 2000 à nos jours. Avant 1994, les garçons étaient plus nombreux à présenter le concours. Le taux d’admission moyen (1990-1995) s’élevait à 18,8 % pour les garçons et à 29,9 % pour les filles. Depuis 1995, les candidates sont majoritaires (70 % en 2006). Par un phénomène dit de “sur-sélection des minorités”, les garçons réussissent alors un peu mieux que les filles (en 2006, le taux de candidats admissibles était de 49 % du côté des garçons et de 48 % chez les filles).

La féminisation, qui s’observe à l’échelle européenne, est encore plus manifeste outre-Atlantique, puisque les jeunes femmes représentent aujourd’hui 95 % des étudiants vétérinaires aux Etats-Unis.

La parité du nombre d’étudiantes (55 %) avec le nombre d’étudiants depuis 1970, toutes formations supérieures confondues, constitue le premier moteur de la féminisation. Le statut de grande école affecté aux écoles vétérinaires a sans doute retardé l’arrivée en masse des femmes au sein de la profession vétérinaire au regard d’autres professions de santé. En effet, elle s’est féminisée avec plusieurs décennies de retard par rapport aux médecins, aux pharmaciens ou encore aux dentistes. Ce n’est qu’en 1997 que les femmes ont été désignées par des termes rendant compte de leur sexe et de leur rôle au sein de la profession vétérinaire. La formule « la vétérinaire » est alors apparue, sous forme d’épicène (dû à C. Roy). « Non seulement, comme le souligne la commission générale de terminologie et de néologie, la féminisation “n’est pas interdite”, mais elle est avant tout l’expression naturelle qui permet de rendre compte – puisque les mots existent pour dire les choses – d’une situation désormais irréversible. »(1)

Les femmes privilégient certaines orientations professionnelles

Les consœurs s’orientent davantage vers un exercice salarié. L’étude de la répartition des vétérinaires actifs met en évidence que 23 % des femmes sont assistantes salariées, alors que ce taux est de 6 % du côté des hommes (voir graphiques ci-dessous). Par ailleurs, hors biais de l’âge pour l’ensemble des vétérinaires actifs, les femmes âgées de moins de quarante ans s’installent plus rarement que les hommes du même âge (52 % de ces derniers sont installés contre seulement 27 % des femmes). Quant au nombre d’heures hebdomadaires travaillées, il s’élève en moyenne à 39,25 pour la gent féminine au lieu de 48,9 pour leurs homologues masculins. Une implication moins importante est en outre observée pour les gardes de nuit, puisque 71 % des consœurs ne travaillent jamais la nuit, alors que 53 % des confrères affirment se lever parfois. Ils indiquent aussi consacrer quatre heures hebdomadaires à leur formation continue, contre deux pour les consœurs. D’autre part, 30 % des femmes ont interrompu au moins une fois leur activité professionnelle (arrêt lié à la maternité).

La discrimination à l’embauche n’est pas clairement mise en évidence, car il n’existe pas d’études ni de contentieux à ce sujet. Cependant, il paraît plus difficile de trouver un premier emploi lorsqu’on est une femme, probablement en raison d’une « certaine appréhension des employeurs d’une grossesse imminente de leur jeune collaboratrice », estime une praticienne. Lors des entretiens d’embauche, les consœurs sont interrogées sur leurs éventuels enfants et leur volonté d’en avoir, des sujets qui ne sont jamais évoqués avec des candidats hommes, considérés comme des êtres sans famille ! Soulignons également, au chapitre de la famille, que les praticiennes qui vivent en couple ont souvent un confrère pour conjoint.

En termes de type d’exercice, les femmes vétérinaires sont “plus canines que rurales” (les consœurs représentent 46,2 % de l’effectif des vétérinaires canins). Cependant, elles s’orientent aussi de plus en plus vers l’exercice mixte et la rurale pure. Ainsi aujourd’hui, un jeune praticien rural sur quatre est une praticienne, alors que cette proportion est de moins d’une pour vingt-cinq chez les plus de quarante ans. Le phénomène de “pénurie” observée en rurale n’est certainement pas lié à l’arrivée des femmes, puisqu’il s’observe chez les quarante à quarante-quatre ans, soit dans une génération où les hommes étaient encore majoritaires au sein de l’effectif vétérinaire. Par ailleurs, d’après une étude réalisée auprès des étudiants il apparaît que l’attrait pour la pratique canine est indépendant du sexe.

Au chapitre des loisirs, aucune différence n’est observée entre hommes et femmes, puisque tous indiquent leur réserver environ sept heures par semaine. Il reste à savoir si ce critère subjectif est apprécié de la même manière par les deux sexes. Il est par ailleurs évident que la notion de temps libre ne peut pas se mesurer simplement à l’aune de ce critère. Une chose est sûre, les femmes vétérinaires consacrent moins souvent ce temps à des activités publiques ou professionnelles “transversales” (syndicat, Conseils régionaux de l’Ordre), qui restent l’apanage des hommes. Il reste à savoir si ce constat est le résultat d’une moindre disponibilité ou d’un moindre intérêt.

Enfin, de fortes disparités sont recensées en termes de revenus moyens. Ainsi, 55 % des femmes et 17 % des hommes vétérinaires gagnent moins de 30 000 € (BNC) par an. L’inverse est observé pour les revenus supérieurs à 45 000 € : ils concernent 17 % de femmes et 55 % d’hommes. Ces différences nettes s’expliquent par un effet de l’âge, par une durée moyenne de travail plus importante du côté masculin, ainsi que par des revenus plus élevés en rurale.

Force est de constater que féminin s’accorde avec gestion du quotidien

Malgré les évolutions intervenues dans les représentations et les comportements, les consœurs demeurent, bien plus que leurs confrères, contraintes d’effectuer des choix quotidiens entre les obligations familiales et professionnelles. Il en résulte des différences entre l’exercice au féminin et l’exercice au masculin sur un certain nombre de points (choix privilégié du salariat, volant d’activités plus faible). Peut-être seront-elles amenées à se creuser. En effet, des études mettent en évidence le moindre attrait qu’exercent aujourd’hui les études médicales sur les hommes jeunes, ce qui explique en grande partie la féminisation professionnelle. De nombreuses hypothèses pourraient expliquer cette désaffection masculine, comme les contraintes inhérentes à ces métiers, la perte de prestige notée depuis plusieurs année, l’insuffisance du niveau de revenus, etc. En revanche, une certaine homogénéité des aspirations professionnelles existe. Ainsi, l’accomplissement personnel et l’indépendance liés à la profession sont plébiscitées par les deux sexes. Chez les étudiants, hommes et femmes s’entendent également sur la volonté de ne pas sacrifier leur vie privée aux exigences de leur futur carrière professionnelle, contrairement à ce qu’ont souvent fait leurs aînés. Par ailleurs, la revendication du choix de ce métier comme l’expression d’une vocation se confirme. Et l’amour des animaux remonte bien souvent à l’enfance.

Certaines femmes estiment – non sans fierté – que leur arrivée sur le marché du travail a créé une concurrence saine, ainsi qu’une émulation positive. Quoi qu’il en soit, aux yeux des propriétaires, la compétence des vétérinaires n’est pas remise en cause selon que leur interlocuteur est un homme ou une femme. Elle est en effet associée au diplôme, et non au sexe.

Les clients perçoivent « la vétérinaire comme plus empathique, plus psychologue, plus respectueuse. Elle apparaît entretenir avec l’animal un rapport plus affectif », selon Annie Clerc de Marco, d’Antaria Consultants. Globalement, l’arrivée des femmes ne modifie pas l’identité de la profession, mais apporte « une image d’ouverture et de modernisation ». Face à ce bénéfice, le reproche essentiel adressé aux femmes par leurs confrères est une moindre disponibilité, un argument parfois mis en avant pour justifier leur marginalisation professionnelle. L’arrivée en nombre de la gent féminine dans les cabinets et les cliniques bouscule en outre les pratiques. Le travail “est remis à sa place” et le surinvestissement professionnel – modèle hier dominant – tend à perdre du terrain. Par leur féminisation, les professions libérales ouvriront, sans doute, une nouvelle organisation de la société.

  • (1) « Femme, j’écris ton nom », guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, grades et fonctions, Centre national de la recherche scientifique, Institut national de la Langue française.

  • Source : « Femmes vétérinaires : avenir de l’Homo veterinarius ? », symposium organisé par Merial lors du congrès 2006 de l’Afvac.

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