Pour 50 à 75 % des actes, l’animal ne reçoit pas ou seulement peu d’antalgiques - La Semaine Vétérinaire n° 1251 du 06/01/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1251 du 06/01/2007

Enquête britannique sur la douleur chez les bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Gwenola Touzot-Jourde

Six cent quinze praticiens ruraux anglais ont répondu à un questionnaire relatif à la douleur chez les bovins et l’utilisation des analgésiques dans leur pratique quotidienne.

Les ancêtres sauvages de nos bovins d’aujourd’hui ont dû leur survie et leur évolution à leur capacité à masquer leurs faiblesses aux yeux des prédateurs. Cela signifie qu’ils ont été naturellement sélectionnés à ne pas exprimer leur douleur. Le qualificatif stoïque est souvent associé aux ruminants lorsqu’il est question de la douleur. Cela veut-il dire que les bovins y sont plus résistants que d’autres espèces ? Ou bien est-il possible qu’ils cachent tout signe extérieur de douleur, mais que la sensation reste la même ? Quelques études montrent que l’expérience de la douleur existe chez les bovins et qu’elle n’est pas différente des autres espèces plus expressives comme les carnivores. La douleur a été mise en évidence chez les vaches laitières qui souffrent de mammites et chez les bovins boiteux. L’extrême difficulté pour le vétérinaire est de reconnaître les signes frustes de la douleur chez les bovins. Les signes sautent rarement aux yeux, ce qui signifie qu’il faut y passer plus de temps et se construire une expérience. En attendant la mise au point d’une grille d’évaluation de la douleur chez les bovins, il est utile de faire confiance aux professionnels qui travaillent avec eux.

Ils connaissent le comportement normal des animaux et sont souvent capables de noter des modifications. Durant les dix dernières années, des informations sur la pratique vétérinaire de la détection de la douleur et l’utilisation des médicaments analgésiques chez le chien et le chat ont été collectées sous forme de questionnaires envoyés aux praticiens, rassemblées et analysées dans de nombreux pays : Australie, Canada, Royaume-Uni, France et Nouvelle-Zélande. La seule étude sur les bovins, publiée en 2004, rapporte une utilisation insuffisante des anti-inflammatoires. Les auteurs(1) ont donc lancé, au Royaume-Uni, une étude à grande échelle avec l’envoi d’un questionnaire à 2 400 praticiens bovins. Ils ont obtenu 615 réponses exploitables.

Trois AINS, un alpha-2 agoniste et un anesthésique local

Le questionnaire s’articulait en trois parties. La première demandait des informations sur les vétérinaires et leur pratique. Une autre comportait des questions sur la disponibilité et l’utilisation, pour traiter les bovins, de trois classes principales de médicaments analgésiques : les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les alpha-2 agonistes, les anesthésiques locaux. Enfin, dans la dernière partie, il était demandé aux vétérinaires d’estimer l’intensité de la douleur de certains actes sur une échelle de 1 à 10 et d’énoncer le protocole analgésique pour chaque acte, si des antalgiques étaient utilisés.

L’enquête révèle qu’en moyenne, les vétérinaires britanniques ont trois anti-inflammatoires non stéroïdiens, un alpha-2 agoniste et un anesthésique local disponibles dans leur cabinet. La flunixine, le méloxicam et le kétoprofène sont les trois AINS les plus couramment disponibles et utilisés au Royaume-Uni. La xylazine est le premier choix dans la famille des alpha-2 agonistes. En pratique bovine, les vétérinaires utilisent essentiellement la lidocaïne ou la procaïne comme anesthésique local.

Les veaux sont plus souvent traités pour la douleur que les adultes

Le premier constat est que 50 à 75 % des cas, toutes maladies et interventions confondues, ne reçoivent pas ou peu d’antalgiques. Dans 75 à 100 % des césariennes ou des amputations digitées, 60 à 99 % des vétérinaires utilisent un anesthésique local avec un anti-inflammatoire et 30 à 60 % y ajoutent un alpha-2 agoniste. Pour l’écornage des adultes et des veaux, l’anesthésie locale est la première technique choisie, avec 99 % des vétérinaires qui l’utilisent dans plus de 75 % des cas, les AINS et les alpha-2 agonistes n’étant employés que rarement. Lors du traitement de l’uvéite, d’une dermatite interdigitée par débridement chirurgical et d’ulcères de la sole, les antalgiques sont associés de façon inconstante. En effet, 50 à 60 % des vétérinaires traitent moins de la moitié de leurs cas avec une ou plusieurs molécules des trois classes et seulement 15 à 45 % des praticiens associent les trois dans plus de 75 % de leurs cas.

Les veaux sont plus souvent traités pour la douleur que les adultes, puisque 80 % des vétérinaires administrent des AINS dans 75 à 100 % des cas de fracture des membres et de réparation chirurgicale des hernies ombilicales. L’analgésie pour la castration chirurgicale est jugée insuffisante : elle repose essentiellement sur l’utilisation d’un anesthésique local, auquel est ajouté un AINS par seulement 22 % des vétérinaires.

Les jeunes diplômés et les femmes attribuent des scores plus élevés

Les interventions les plus douloureuses (score de 8 à 10), selon les vétérinaires interrogés, sont les amputations digitées, les césariennes, la correction chirurgicale du déplacement à gauche de la caillette, les fractures distales des membres et la chirurgie de la hernie ombilicale du veau.

L’appréciation des jeunes vétérinaires et des vétérinaires de sexe féminin diffère puisque la dystocie, les mammites, les métrites aiguës chez les vaches adultes, les hernies et les abcès ombilicaux, ainsi que les pneumonies chez les veaux sont jugés les plus douloureux. En revanche, pour les vétérinaires sortis de l’école depuis plusieurs décennies, ce sont l’écornage et les amputations de doigt qui obtiennent les scores de douleur les plus élevés. Les vétérinaires qui attribuent les scores les plus bas sont aussi ceux qui utilisent le moins d’analgésiques. La connaissance du milieu rural et des animaux de production avant l’école vétérinaire n’a pas d’influence sur l’aptitude à évaluer la douleur. En revanche, les vétérinaires qui ont suivi des formations postuniversitaires, qui ont acquis un diplôme de spécialisation ou encore qui exercent une activité bovine stricte plutôt qu’une activité mixte ont tendance à donner des scores douloureux plus élevés. Les mêmes tendances sont identifiées dans des études similaires chez le chien et le chat. Les résultats de cette étude montrent qu’il existe une grande variation de la perception de la douleur chez les bovins parmi les praticiens.

La reconnaissance de la douleur est insuffisante

Le principal obstacle au traitement de la douleur apparaît être la réticence de certains vétérinaires à utiliser et à prescrire des traitements analgésiques par souci de simplicité, d’économie ou encore par manque de savoir. D’ailleurs, 50 % des vétérinaires interrogés reconnaissent que leur connaissance dans ce domaine est insuffisante et 65 % avouent avoir appris et progressé avec l’expérience. Il faut reconnaître leurs efforts. Cependant, le processus d’auto-éducation peut parfois aboutir à une conception erronée des choses. L’exemple de la mammite, jugée dans cette étude légèrement douloureuse par la plupart des praticiens, le prouve. Une expérimentation a montré que les mammites chez la vache sont douloureuses et qu’elles provoquent une hyperalgésie cutanée. La stimulation nociceptive de la peau normale autour des mamelles aboutit à un comportement d’évitement exagéré par rapport à l’intensité de la stimulation.

Les auteurs britanniques concluent que la reconnaissance et le traitement de la douleur par les confrères et les consœurs dans la pratique rurale s’améliorent. Ces compétences restent cependant insuffisantes. Il apparaît nécessaire d’encourager les expérimentations qui portent sur la manifestation de la douleur chez les bovins, ainsi que sur les résultats des traitements antalgiques puis de transmettre l’ensemble de ces données aux vétérinaires praticiens.

  • (1) J.N. Huxley et H.R. Whay : « Current attitude of cattle practitioners to pain and the use of analgesics in cattle », Vet. Rec., 2006, n° 159, pp.  662-668.

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