L’évaluation comportementale relèvera-t-elle du vétérinaire ? - La Semaine Vétérinaire n° 1251 du 06/01/2007
La Semaine Vétérinaire n° 1251 du 06/01/2007

Chiens « dangereux ». Les écueils du projet de loi sur la prévention de la délinquance

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

Transmis au Sénat pour une seconde lecture le 6 décembre dernier, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance continue de susciter les interrogations.

Huit ans. C’est en effet le 6 janvier 1999 qu’a été promulguée la loi relative aux chiens dangereux et à la protection animale. Pourtant, ce sujet reste sensible et les drames dus aux morsures canines continuent de se produire et de faire la “une” des médias grand public. Différents ministères (Agriculture, Intérieur, Justice) se sont saisis de cette problématique cet été, notamment via le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Arrivé à maturité, il a été transmis en seconde lecture au Sénat le 6 décembre dernier. Le débat autour de ce projet, qui a été l’occasion de multiples amendements, devrait se clore dans le contexte préélectoral de 2007.

Faut-il voir dans cette future loi une nouvelle série de dispositions qui ne seront pas plus appliquées que celles introduites par la loi du 6 janvier 1999 ? Le renforcement des mesures à l’encontre des chiens de 1re et de 2e catégorie, largement en exergue dans ce projet de loi, sera-t-il pertinent et répond-il au problème des morsures ? En fait, cela ne fait que renforcer la catégorisation des sujets. En outre, la visite comportementale, évoquée dans le projet, fait l’objet de nombreuses discussions depuis quelques semaines.

Le projet entend privilégier la visite comportementale

D’après le projet de loi, la détention des chiens de 1re et de 2e catégorie serait subordonnée à l’évaluation du comportement de l’animal par un vétérinaire comportementaliste. « L’évaluation d’un chien requiert une expertise scientifique, précise le sénateur Jean-René Lecerf, rapporteur du projet. Ce dispositif, limité aux seuls chiens dits de première et de deuxième catégorie, devrait permettre d’expérimenter l’utilité de ces évaluations comportementales. » Ainsi apparaît le premier écueil du projet : il ne permet de cibler que les chiens classés et renforce donc la catégorisation. Or, l’expérience acquise depuis huit ans montre que cette dernière ne permet pas de résoudre les problèmes liés aux chiens “dangereux”. En outre, que signifie le terme « expérimenter » employé par le sénateur ? Cela signifie-t-il une possible extension des évaluations comportementales par la suite ? De plus, si Jean-René Lecerf reconnaît qu’il n’est pas « scientifiquement fondé de limiter le contrôle à ces chiens [et que] n’importe quel chien peut en effet se révéler dangereux », il est regrettable que cela reste à l’état de constatation, le débat demeurant ciblé sur les chiens de 1re et de 2e catégorie !

En outre, un amendement précise que l’évaluation comportementale est « une évaluation périodique – le comportement d’un chien peut évoluer dans le temps – et que les frais sont à la charge du propriétaire. Des vétérinaires sanitaires spécialement formés pourront également réaliser ces évaluations afin de venir en renfort des vétérinaires comportementalistes qui ne sont à ce jour qu’une centaine. Il reviendra à un décret de préciser la périodicité des contrôles », précise le sénateur Jean-René Lecerf. Le rapporteur a donc ajouté des modifications entre le passage du texte à l’Assemblée nationale et au Sénat : la notion de périodicité de la visite, et le fait qu’elle puisse être effectuée par un vétérinaire sanitaire spécialement formé, et plus seulement par un vétérinaire comportementaliste. Surgissent alors de nouvelles questions sur les conditions que ces vétérinaires sanitaires devront remplir pour faire passer les visites : devront-ils suivre de nouvelles formations, longues et fastidieuses, qui créeraient des “sous-comportementalistes”, petites mains des comportementalistes reconnus ?

Quant à la notion de périodicité évoquée par le sénateur, ne sera-t-elle pas une dérive ? En effet, si elle est fondée sur le plan scientifique, elle constitue une aberration sur un plan pratique, car les chiens visés sont ceux des propriétaires qui n’ont pas réalisé les démarches nécessaires pour être en règle avec la législation. Pourquoi décideraient-ils soudain de se déplacer et de payer pour faire réaliser la visite comportementale ?

Ce projet de loi est donc une opportunité pour la profession vétérinaire de mettre en avant son expertise dans un domaine spécifique, mais il contient aussi le risque de la désavouer définitivement. A chacun de choisir de s’engager dans ce processus.

Les conditions d’euthanasie seraient renforcées

Le projet de loi prévoit que « en cas de danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques, le maire ou, à défaut, le préfet peut ordonner, par arrêté, que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à la garde de celui-ci et, le cas échéant, faire procéder à son euthanasie » sans délai. Cela met en exergue la nécessité d’une réactivité accrue et du durcissement de la législation. « L’euthanasie peut intervenir sans délai, après l’avis d’un vétérinaire désigné par la Direction des services vétérinaires. Cet avis doit être donné au plus tard quarante-huit heures après le placement de l’animal. A défaut, l’avis est réputé favorable à l’euthanasie », explique en outre Jean-René Lecerf.

Une nouvelle fois, ces précisions suscitent des interrogations : pourquoi les chiens concernés seraient-ils automatiquement condamnés pour des erreurs commises par leurs propriétaires, alors que plusieurs d’entre eux peuvent potentiellement être adoptés par d’autres personnes, comme le soulignent depuis plusieurs années des associations de protection animale qui voient affluer ces chiens ? Or les associations de protection animale ne sont pas là pour être des usines à euthanasie !

Les sanctions seraient accrues lors de défaut de déclaration de l’animal

Les chiens de 1re et de 2e catégorie doivent être déclarés en mairie, comme le stipule la loi du 6 janvier 1999. Sur le terrain, cette dernière s’est heurtée à des difficultés d’application. Pour y remédier, le présent projet de loi propose de renforcer les sanctions lors de non-déclaration. « En cas de constatation de défaut de déclaration de l’animal, le maire ou, à défaut, le préfet met en demeure le propriétaire ou le détenteur de l’animal de procéder à la régularisation de la situation dans un délai d’un mois au plus. A défaut de régularisation au terme de ce délai, le maire ou, à défaut, le préfet peut ordonner que l’animal soit placé dans un lieu de dépôt adapté à l’accueil et à la garde et peut faire procéder sans délai et sans nouvelle mise en demeure à son euthanasie », précise ainsi le sénateur Lecerf. Les sanctions seraient pénales : six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende. Par ailleurs, pour les personnes qui ne se plieraient pas aux mesures, la confiscation de l’animal pourrait également s’assortir d’une interdiction de détenir un chien de 1re ou de 2e catégorie, pour une durée de cinq ans au plus. En outre, l’acquisition ou la cession d’un chien de 1re catégorie serait punie de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 15 000 €. « Le fait de détenir un chien de la première catégorie sans avoir fait procéder à sa stérilisation est puni des mêmes peines. »

Le rapport confirme et renforce donc une partie des dispositions déjà en vigueur, ce qui ne convient pas à tous. « Le principe selon lequel un chien de 1re ou de 2e catégorie non muselé ou non tenu en laisse présente un danger grave et immédiat reste inacceptable et n’est aucunement conforme à la situation réelle découlant des études et statistiques », déplore Emmanuel Tasse, le président du Club français des amateurs de bull terriers, d’american staffordshire terriers et de staffordshire bull terriers.

Le dressage au mordant est également en ligne de mire

La confiscation du ou des chiens, une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 7 500 € pourraient aussi s’appliquer pour les personnes procédant au dressage ou faisant dresser des chiens au mordant ou encore utilisant des chiens dressés en dehors des activités prévues par la loi. Il en serait de même pour les individus exerçant une activité de dressage au mordant sans être titulaires du certificat de capacité. Le projet précise en outre les sanctions encourues lors de la vente ou de la cession d’objets ou du matériel destiné au dressage au mordant à une personne non titulaire du certificat de capacité.

La confiscation d’un animal serait bien définie dans le Code pénal

Ces dispositions s’accompagnent d’une modification du Code pénal qui définit la « confiscation d’un animal ». Cette confiscation « concerne également les animaux dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition, si ces animaux étaient susceptibles d’être utilisés pour commettre l’infraction ou si l’infraction aurait pu être commise à leur encontre ». La juridiction qui prononce la confiscation de l’animal doit par ailleurs prévoir sa remise à une fondation ou à une association de protection animale reconnue d’utilité publique ou déclarée, qui pourra librement en disposer.

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