Formation des techniciens en alimentation animale
Formation continue
RURALE
Auteur(s) : Béatrice Bouquet
Jeanne Brugère-Picoux, professeur à l’école d’Alfort, commente sa sélection de maladies « nouvelles », « résurgentes » et « toujours d’actualité ».
Il faut garder du temps pour enseigner toutes les maladies aux vétérinaires, les courantes comme les exotiques. » Tel est le credo défendu par Jeanne Brugère-Picoux, professeur en pathologie du bétail à l’école vétérinaire d’Alfort. Notre consœur est intervenue devant environ soixante-dix participants lors d’une session de l’Association de formation des techniciens de l’alimentation et des productions animales (Aftaa), le 9 novembre dernier à Paris. Les représentants des principaux groupes alimentaires implantés en France étaient présents.
L’Aftaa compte aujourd’hui plus de deux mille adhérents, dont quelques vétérinaires, qui adhèrent par le biais de l’entreprise qui les emploie. Outre le noyau dur de formations sur les matières premières et le marketing, l’Aftaa organise des formations par espèce, principalement consacrées aux monogastriques, mais aussi à la vache laitière, voire occasionnellement à la chèvre ou au lapin. Notre confrère Michel Vagneur est le premier membre vétérinaire du comité d’organisation de cette association(1). Lors de la session “vaches laitières” du 9 novembre, il avait invité Jeanne Brugère-Picoux, à apporter un éclairage sur les maladies émergentes animales, sachant l’impact médiatique de notre consœur. Tous deux défendent l’idée que la formation est l’élément qui peut donner de la marge de manœuvre au praticien rural.
Notre consœur ne croit pas aux modèles de prévision de l’émergence sur lesquels travaillent plusieurs équipes de recherche agronomique. Selon elle, pour ne pas passer à côté de l’émergence, il faut approcher les maladies en élevage de façon traditionnelle, comme cela est fait dans un célèbre ouvrage vétérinaire(2), c’est-à-dire les classifier en courantes, moins courantes et exceptionnelles. En première place sur sa liste des maladies « émergentes » figure l’infection par le virus respiratoire syncytial, dont l’impact en élevage est connu, mais dont les plus jeunes vétérinaires peuvent oublier le caractère récent (le premier isolement viral a eu lieu en 1985).
Les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST) arrivent en deuxième position, avec quelques mentions particulières dans ce vaste sujet. Ainsi, les formes atypiques devraient attirer l’attention : la forme L “italienne” et la forme H “française”. Leur origine reste à déterminer : proviennent-elles d’une modification de l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ? Sont-elles d’origine ovine ? Surtout, correspondent-elles à des cas sporadiques autochtones ? L’ESB chez les petits ruminants ne serait pas un sujet d’inquiétude, mais notre consœur remet en cause le schéma génétique d’éradication de la tremblante. Pour les ESST humaines, elle pointe du doigt le risque d’une seconde vague de cas européens, dus à la transmission de l’agent pathogène au cours d’interventions sur les amygdales, de transfusions, mais aussi à l’expression clinique tardive chez des personnes de génotype autre que méthionine-mét au codon 129.
Après avoir cité la maladie de Borna, l’ehrlichiose et la fièvre charbonneuse, Jeanne Brugère-Picoux s’est attardée quelques minutes sur la fièvre catarrhale ovine, alors que près de 1 000 cas étaient déclarés au 11 octobre dernier, surtout en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas, « mais pas en Suisse, alors que les vecteurs traditionnels sont présents ! », s’étonne-t-elle. Aux Pays-Bas, Culicoides dewulfi a été incriminé comme vecteur (analyse PCR positive le 4 octobre).
Notre consœur a rappelé l’atypie des cas qui ont surpris le nord de l’Europe, souvent asymptomatiques, qui guérissent rapidement. Cette maladie, qui paraît respiratoire, touche en fait de nombreux organes. L’importation d’un animal de zoo ou d’une fleur exotique hébergeant un moucheron vecteur pourrait être à l’origine des premiers cas dans cette zone de l’Europe.
« La mode des fermes pédagogiques est inquiétante pour la transmission de zoonoses », a par ailleurs estimé Jeanne Brugère-Picoux.
Lorsqu’un enfant visite une ferme pédagogique, il peut être mis en contact avec des agents pathogènes auxquels il est particulièrement sensible. La cryptosporidiose, mais aussi la coxiellose, se rangent au nombre de ces agents.
Pour la paratuberculose, notre consœur a insisté sur le rôle épidémiologique de l’eau (l’agent y survit dix-sept mois et résiste aux produits chlorés, mais il n’est pas recherché systématiquement), mais aussi sur celui des lapins. 67 % des lapins sauvages seraient excréteurs de cet agent pathogène en Ecosse et « les bovins ingèrent facilement les crottes de lapin ». Notre consœur doute de l’efficacité des plans de certification pour la paratuberculose, sur le modèle néerlandais. Pour la transmissibilité à l’homme de cette maladie (maladie de Crohn), elle cite quelques avancées scientifiques contradictoires, mais laisse globalement la polémique aux médecins. Elle replace en revanche le débat sur un point vétérinaire majeur : aucune reproduction expérimentale de la paratuberculose n’a été effectuée chez le veau. Choix inhabituel, la fourbure figure dans la liste des maladies émergentes présentée par Jeanne Brugère-Picoux aux techniciens de l’alimentation animale, en raison de « sa gravité économique et médicale ». Au sujet de cette maladie d’origine alimentaire, « les éleveurs pourraient être accusés de mauvais traitement », souligne-t-elle. Pourtant, il est difficile de les convaincre de l’origine alimentaire des symptômes observés dans le cadre de cette affection, selon elle. « Phénomènes électriques, etc., tout est pointé du doigt, plutôt que de reconnaître une erreur alimentaire. »
(1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 9/12/2006 en page 22.
(2) Large internal medicine, B.P. Smith, 2002, Mosby Saint Louis, 3e ed., 1 735 pages.
• Maladies nouvelles : infection par le virus respiratoire syncytial, encéphalopathie spongiforme bovine, maladie de Borna, ehrlichiose bovine, fièvre catarrhale ovine.
• Maladie résurgente : fièvre charbonneuse.
• Maladies toujours d’actualité : diarrhées des veaux, fièvre Q, paratuberculose, fourbure.
Jeanne Brugère-PicouxJeanne Brugère-Picoux, professeur de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour à l’école d’Alfort.
Article réalisé d’après une intervention lors d’une journée de l’Association de formation des techniciens de l’alimentation et des productions animales (AFTAA), le 9 novembre 2006 à Paris.
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