Les risques infectieux sont à appréhender d’un point de vue international - La Semaine Vétérinaire n° 1249 du 16/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1249 du 16/12/2006

Santé humaine. Débat autour des nouvelles maladies infectieuses

Actualité

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Une mèche est allumée. Mais nous ne savons pas quelle ampleur aura l’explosion et de quelle longueur est la mèche. » Juste métaphore employée par Norbert Gualde pour caractériser la situation actuelle vis-à-vis de l’influenza aviaire et le risque pandémique qu’elle représente. « Tout peut arriver », a estimé le scientifique, professeur à l’université Victor-Segalen-Bordeaux-II et chef du service d’immunologie à l’Institut Bergonié. Norbert Gualde a entamé la première des deux tables rondes autour des nouveaux risques infectieux, organisées par la Fondation Roche, le 16 novembre dernier. Il s’agissait de la cinquième édition des Rencontres santé société. Quelles réalités, quels risques, quelles craintes vis-à-vis des nouvelles maladies infectieuses ? Quelle meilleure réponse possible ? : telles ont été les questions abordées pendant plus de deux heures par une dizaine de scientifiques.

« L’épidémie, c’est l’homme », a affirmé Norbert Gualde, expliquant que le facteur humain est décisif dans la diffusion d’un microbe et caractérisant la situation “infectieuse” mondiale de « chaotique ».

« Les populations voyagent plus vite que les temps d’incubation »

« Existe-t-il une géographie du risque ? », s’est interrogé Gabriel Wackermann, professeur émérite de géographie humaine et économique à l’université Paris-IV-Sorbonne. « Il faut se méfier de toute prévision de ce genre », a-t-il précisé. En effet, « tout est interconnecté et solidaire. Nous sommes dans une phase de mondialisation, selon Gabriel Wackermann. Les rapports entre l’espace et le temps se réduisent. C’est pourquoi il faut traiter le risque sous son aspect mondial. Il y a de moins en moins de barrières ».

L’importance de la mondialisation a également été soulignée par Jean-Luc Angot, directeur adjoint de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Dans l’émergence ou la réémergence de maladies, trois principaux facteurs sont à prendre en considération aujourd’hui : la mondialisation, la modification des écosystèmes et le réchauffement climatique. « Nous voyageons plus vite que les temps d’incubation. » Notre confrère a aussi rappelé que 75 % des maladies émergentes sont des zoonoses. Il en a profité pour souligner la qualité du système de surveillance français, reposant sur le trépied éleveurs-vétérinaires praticiens-services vétérinaires, complété par un contrôle tout au long de la chaîne alimentaire. « Cela n’existe que dans une vingtaine de pays dans le monde. »

Les risques infectieux mettent à jour l’égoïsme des pays du Nord sur ceux du Sud

L’influenza aviaire devait être l’un des thèmes majeurs des débats. Néanmoins, plusieurs fois, les intervenants ont rappelé que nous sommes actuellement confrontés à une épidémie majeure, le Sida. « Nous vivons avec une pandémie ! », a insisté Norbert Gualde. « Un enfant séropositif naît toutes les minutes dans le monde », a rappelé Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le Sida et les hépatites virales.

« Ces risques infectieux mettent à jour notre égoïsme », a remarqué pour sa part Marc Guillaume, économiste et professeur à l’université Paris-Dauphine. Il a souhaité rappeler « l’horreur » dans laquelle vivent des pays d’Afrique, le Pakistan ou le Bangladesh. Didier Raoult, professeur de médecine à la faculté de Marseille, a expliqué que nous vivions actuellement une succession de pandémies, telles que les gastro-entérites hivernales, les infections respiratoires grippales ou les hépatites virales, certaines nouvelles ou ignorées. « La question est de savoir comment nous gérerions une pandémie de grippe aviaire. » Didier Raoult constate qu’en général la population ne sait pas gérer les épidémies d’infections virales respiratoires. « Il n’y a qu’à voir le nombre de cas, chaque année, de grippe saisonnière ! »

Didier Houssin, premier concerné, car directeur général de la santé, n’a pas exprimé de désaccord avec de constat. « Nous avons atteint un certain niveau de préparation quant au risque de pandémie de grippe aviaire. Sommes-nous suffisamment prêts ? Non, pas encore, car la mobilisation sociale est insuffisante. En outre, comment induire cette préparation sans en rajouter [vis-à-vis de la communication au grand public, Ndlr] ? »

Par ailleurs, la lutte contre ces maladies nécessite la mobilisation de la recherche. Le médecin, maire et député Jean-Pierre Door a constaté que sur le plan de la recherche, « il y a un trou depuis dix ou vingt ans sur les antibiotiques et les vaccins. Il faut relancer cela ! ». « Il peut y avoir une opposition entre l’industrie pharmaceutique et la recherche fondamentale. Mais une collaboration est nécessaire pour la création de nouvelles molécules », a insisté Jean-François Delfraissy. Ces débats n’ont pas apporté de réponses concrètes aux questions posées. Néanmoins, ils ont souligné l’importance d’une collaboration entre les chercheurs et, surtout, entre les pays du nord et ceux du sud, indispensable à la survie de ces derniers.

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