L’analyse des cardiopathies exige des méthodes validées - La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1248 du 09/12/2006

Apports de la recherche clinique en cardiologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Carole Ballin

La méthodologie, les cardiopathies acquises des carnivores, ainsi que les traitements mis en œuvre lors d’insuffisance cardiaque sont successivement abordés.

Des études de variabilité afin de valider l’utilisation des méthodes ultrasonores cardio-vasculaires ont été menées par l’équipe de Jean-Louis Pouchelon et Valérie Chetboul (unité de cardiologie d’Alfort, UCA) et celle de Hervé Lefebvre (ENVT), en échographie dite conventionnelle, mais aussi en Doppler tissulaire, nouvelle technique récemment développée. Il s’agissait, dans un premier temps, de s’intéresser notamment à “l’effet opérateur” dans la détermination des mesures des paramètres échocardiographiques, puis de déterminer l’influence de la position de l’animal sur les résultats obtenus. La connaissance de la variabilité de chaque opérateur est essentielle, puisque plus un opérateur est entraîné et plus sa variabilité est faible. Une étude comparative de la variabilité de deux manipulateurs de même expérience (Valérie Chetboul et Anna Tidholm, Suède) a été effectuée chez un animal debout versus un animal couché (48 échographies réalisées chez 4 chiens en une journée, voir bibliographie 1). La comparaison des valeurs obtenues montre que la variabilité intrajour est meilleure ou identique pour la majorité des paramètres écho-cardiographiques en position debout par rapport à la position couchée. L’intérêt de la position debout est donc, pour la première fois, validée méthodologiquement, et est même recommandée lors de stress ou de dyspnée.

Le Doppler tissulaire myocardique est un procédé destiné essentiellement à la recherche. Si l’examen Doppler “conventionnel” complète l’échocardiographie en donnant des informations hémodynamiques par l’étude des flux sanguins (vitesse, direction, durée), le Doppler tissulaire myocardique, ou Doppler Tissue Imaging (DTI), est une méthode ultrasonore (voir ci-contre) qui permet l’analyse quantitative du déplacement du myocarde par mesures des vitesses intramyocardiques en temps réel (voir bibliographie 2). Cette technique est extrêmement sensible pour détecter des dysfonctionnements myocardiques régionaux, y compris en l’absence de modification à l’examen échographique conventionnel. Parmi les applications DTI développées par l’UCA, citons le diagnostic précoce de certaines lésions (myocardites, myocardiopathie), notamment lors de doute à l’échographie conventionnelle ou encore l’étude de l’effet sur le myocarde de certaines thérapies (greffes cellulaires, agents médicamenteux).

L’intensité du SSAG est corrélée à la gravité de la maladie valvulaire dégénérative

Affection dégénérative chronique de l’appareil valvulaire (mitrale et/ou tricuspide le plus souvent), la maladie valvulaire dégénérative (MVD) provoque des régurgitations, par insuffisance de fermeture des valves concernées. Les cavaliers King Charles sont fréquemment atteints par cette cardiopathie. Une étude réalisée à l’UCA sur une population de 451 cavaliers King Charles a permis d’étudier la prévalence du souffle systolique apexien gauche (SSAG), signe d’une insuffisance mitrale. Chez ces chiens, elle était de 40,6 %, la MVD représentant 93,3 % des cardiopathies du cavalier King Charles diagnostiquées par écho-doppler (voir bibliographie 3). Par ailleurs, le taux de cavaliers King Charles ayant un souffle systolique apexien gauche augmentait avec l’âge, débutant précocement (18,8 % à partir d’un an) et atteignant 100 % de la population à partir d’onze ans. A l’âge de six ans et demi, le cavalier King Charles avait 50 % de risque d’être atteint de la valvulopathie. Ce travail démontre enfin qu’il est important de ne pas négliger l’examen clinique des animaux MVD et de grader systématiquement les souffles (cotation d’un à six). En effet, plus l’intensité du souffle est élevée, plus l’épaisseur du feuillet antérieur mitral est grande et plus la régurgitation (reflux mitral) est importante.

Le stade I de la valvulopathie mitrale peut cacher des lésions mitrales avancées

Les ruptures de cordages se caractérisent à l’examen échographique par l’absence de coaptation des feuillets et un prolapsus du feuillet concerné dans l’atrium gauche. La rupture de cordage chez 706 chiens atteints de MVD a été étudiée au sein de l’UCA (voir bibliographie 4). 114 cas de ruptures de cordages ont été retrouvés, soit une prévalence de 16,1 %, portant essentiellement sur le feuillet antérieur mitral (96,5 %). La prévalence était corrélée positivement au stade ISACHC de l’insuffisance cardiaque. En stade III, 69,9 % des animaux présentaient une rupture de cordage. Dans 93 % des cas, la régurgitation était importante selon des critères Doppler couleur précis (106/114). Cependant, des ruptures de cordages chez des chiens asymptomatiques en stade Ia ou Ib ont également été observées. Le stade I peut donc être trompeur et cacher des lésions mitrales relativement avancées. Par ailleurs, les études réalisées à l’UCA montrent que les animaux ayant présenté une rupture de cordages et traités par un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), seul ou associé à un diurétique, ont une médiane de survie de 425 jours (5 à 1 324 jours), 15 % des animaux pouvant cependant mourir dans le premier mois suivant le diagnostic.

En cas d’insuffisance cardiaque gauche et de régurgitations, les pressions en amont augmentent (atriale gauche, veines pulmonaires, capillaires pulmonaires, artère pulmonaire), ce qui aboutit à une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Ceci correspond à l’évolution d’une insuffisance cardiaque gauche vers une droite, et donc vers une insuffisance cardiaque globale. Ce trouble aux conséquences délétères peut être évalué par effet Doppler en mesurant l’accélération des reflux dans le cœur droit (reflux tricuspidien et pulmonaire, voir illustration ci-dessus). Les gradients obtenus permettent de confirmer et de quantifier l’hypertension artérielle pulmonaire. Ainsi, sur 617 cas de MVD étudiés à l’UCA, 86 (13,9 %) ont été recensés, la régurgitation mitrale étant très importante dans 97,7 % (voir bibliographie 5). La prévalence de l’hypertension artérielle pulmonaire augmentait avec la gravité du stade clinique. Cependant, aux stades Ia et Ib (sans signe d’insuffisance cardiaque congestive), cette étude démontre pour la première fois qu’une hypertension artérielle pulmonaire peut être déjà présente. Là encore, le stade I est donc plus “trompeur” qu’il n’y paraît, car il peut cacher des modifications hémodynamiques importantes.

Une étude (voir bibliographie 6), avec mesure de la pression artérielle par méthode Doppler, réalisée à l’UCA chez 188 chats suspects d’hypertension artérielle systémique (HTA), a permis d’analyser de façon plus spécifique les conséquences cardio-vasculaires de l’HTA chez 58 animaux. La conséquence cardiaque princeps de l’HTA est l’hypertrophie ventriculaire gauche (85 % des cas) qui peut être concentrique, excentrique ou localisée. Ainsi, ce travail illustre le fait que lorsqu’une hypertrophie ventriculaire gauche est observée à l’examen échographique chez un chat, la mesure de la pression artérielle est indispensable. Enfin, en comparant les deux groupes d’animaux (chats hypertendus versus chats suspects d’HTA, mais normotendus), cela a aussi démontré que les trois symptômes les plus en faveur d’une HTA chez le chat âgé sont le bruit de galop, les symptômes oculaires (décollement de la rétine) et la polyuro-polydipsie.

CONFÉRENCIER

Jean-Louis Pouchelon, professeur de pathologie médicale, ENVA, en collaboration avec Hervé Lefebvre, professeur de physiologie, ENVT.

Article réalisé d’après la conférence « Comment améliorer la performance diagnostique et thérapeutique en cardiologie et en néphrologie ? », présentée le 4 octobre 2006.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 - V. Chetboul et coll. : J. Am. Vet. Med. Assoc., 2005.
  • 2 - V. Chetboul et coll. : Am. J. Vet. Res., 2004.
  • 3 - V. Chetboul et coll. : Can. Vet. J., 2004.
  • 4 - Serres et coll. : J. Vet. Intern. Med., sous presse.
  • 5 - Serres et coll. : J. Am. Vet. Med. Assoc., sous presse.
  • 6 - V. Chetboul et coll. : J. Vet. Intern. Med., 2003.
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