LES “RURAUX” CHERCHENT À (RE)PRENDRE LA MAIN - La Semaine Vétérinaire n° 1247 du 02/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1247 du 02/12/2006

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Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Le travail d’équipe est toujours plus productif s’il est bien structuré et coordonné. Forts de ce constat, des représentants de la profession réfléchissent actuellement à une nouvelle forme d’exercice. Objectif : relancer l’activité rurale via le travail en réseau, fondé sur l’exploitation de compétences diverses et complémentaires.

L’activité rurale, autrefois l’image par excellence du métier de vétérinaire, subit aujourd’hui une crise de confiance. Modification de la démographie agricole et de la demande des éleveurs, manque de reconnaissance, concurrence d’autres intervenants en élevage, montée en puissance de la canine, etc. : les causes sont multiples. Les missions liées au mandat sanitaire ne sont plus qu’une maigre source d’énergie des cabinets ruraux. Les anciennes “grandes maladies” sont éradiquées et la vaccination contre la fièvre aphteuse mise au garage. Pour le moment, la flamme de la veille sanitaire est entretenue principalement par l’activité libérale des praticiens. Le combustible payé par l’Etat ne consiste qu’en des actions ponctuelles, comme la visite sanitaire annuelle dans les élevages bovins. Comment relancer la machine ? Pas forcément en misant sur le mandat, ressource limitée. L’impulsion viendrait plutôt du vétérinaire traitant dont le moteur fonctionne à l’énergie renouvelable. Pourtant, même lorsque les praticiens ont les clés en main, la machine peut caler. Tel est notamment le cas du bilan sanitaire volontaire, dont une trame nationale a été réalisée conjointement par les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires. Manque de temps, d’appui ? Attente du décret “prescription-délivrance” ? Cette visite avance pour le moment à petite vitesse (voir article en page 31).

L’enjeu est d’autant plus important que d’autres intervenants de l’élevage sont désormais dans la course. Ils se diversifient et proposent des services personnalisés à leurs clients, que le praticien mixte n’a pas toujours le temps de mettre en place.

Un praticien seul ne peut répondre à toutes les attentes des éleveurs

La Mayenne illustre parfaitement la situation. « Dans notre département, le contrôle laitier projette de monter un plan sanitaire d’élevage (PSE), afin de délivrer les médicaments préventifs aux adhérents à un meilleur prix, explique Loïc Guiouillier, praticien à Pré-en-Pail et président de la section syndicale départementale. Actuellement, ces structures agricoles sont à la recherche de nouveaux créneaux de développement. Comme le sanitaire est porteur, elles tentent de se l’approprier. Des membres du conseil d’administration du contrôle laitier, des éleveurs, ont constaté un manque de services proposés par leurs vétérinaires. L’idée du PSE est aussi partie de là. Les praticiens concernés travaillent le plus souvent seuls ou à deux et, si la part de canine est prépondérante, ils n’ont pas forcément le temps d’offrir des services de suivi de troupeaux ou de conseil. Aujourd’hui, notamment en Mayenne, les éleveurs sont demandeurs d’un conseil technique pointu. Or les praticiens n’apportent pas toujours de réponse. »

Pourtant, les praticiens ont les capacités pour répondre à cette demande. Mais une meilleure coordination et un travail d’équipe font peut-être défaut.

Des représentants de la profession réfléchissent actuellement à une nouvelle façon d’exercer et de collaborer. L’idée de travailler en réseau est en train de se concrétiser. Un groupe de travail vient d’être créé. Il rassemble le Conseil supérieur de l’Ordre (CSO), la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), le Syndicat national des vétérinaires conseils (SNVCO) et le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). D’autres structures, qui possèdent déjà une expérience dans ce domaine, à l’image de Véto 70, participent également à la discussion. Deux réunions ont déjà eu lieu durant les derniers mois. Il s’agit de réfléchir à une nouvelle manière d’exercer, à une organisation inédite entre les clientèles vétérinaires qui constituent le maillage et à une façon de travailler en réseau, en toute complémentarité.

« Notre fédération avait engagé cette réflexion depuis plusieurs années dans le domaine des productions animales, explique Christophe Brard, président de la SNGTV. Aujourd’hui, notre objectif est de concrétiser ce concept. Dans le cadre de notre groupe de travail, nous réfléchissons à la manière de concevoir et d’animer des réseaux de compétences à géométrie variable selon les régions et les filières de production. »

Proposer une organisation sanitaire globale utilisant toutes les compétences des confrères

Dans un premier temps, le groupe de travail s’attache à lister les donneurs d’ordre potentiels des entreprises vétérinaires (éleveurs, filières de production, administration, organisations professionnelles agricoles, laboratoires pharmaceutiques, compagnies d’assurances, écoles vétérinaires, etc.) et les types de missions à assurer pour répondre à leurs attentes, explique Christophe Brard. « Notre objectif est ensuite de proposer aux praticiens des schémas d’organisation à l’échelon de régions. Quel type de structure, quelles formations pour les intervenants, comment animer les réseaux, comment déléguer et gérer les missions ? Autant de questions auxquelles nous envisageons de répondre. Ce travail, mené en étroite concertation entre les organisations professionnelles vétérinaires (OPV) constitue une réelle avancée. » L’objectif affiché est de favoriser le développement économique des entreprises vétérinaires. « Il s’agit d’un tournant majeur de notre exercice professionnel », souligne notre confrère.

Pour le SNVEL, le principe de départ était d’assurer aux vétérinaires la possibilité d’exercer l’ensemble des missions pour lesquelles il existe une demande à proximité de la clinique. Plus précisément : les élevages hors sol ou les missions d’expertise.

« Le référencement en canine a aujourd’hui fait ses preuves et il nous paraît utile de trouver un pendant en productions animales. Le débat à l’intérieur du groupe de travail, initié par le syndicat, a permis d’élargir notre vision à l’ensemble des donneurs d’ordre dans les filières au-delà de la seule relation éleveurs, vétérinaire de proximité, vétérinaires de conseil spécialisés. Tout l’enjeu aujourd’hui est de proposer une organisation sanitaire globale utilisant toutes les compétences de la profession vétérinaire indépendante. C’est un choix de société que de vouloir préserver l’indépendance des gestionnaires du sanitaire vis-à-vis des filières de production. L’ensemble des participants du groupe de travail partagent ce choix », explique Pierre Buisson, secrétaire général du SNVEL.

Pouvoir saisir de nouvelles opportunités, comme celles liées au “paquet hygiène”

Organiser, structurer, optimiser, développer sont les maîtres mots de ce projet, tout juste mis sur les rails et qui semble faire l’unanimité.

« Nous sommes persuadés que la profession vétérinaire peut et doit développer des prestations proches de son métier de conseil et du suivi des élevages, mais pas forcément dans sa clientèle propre de soins des animaux. Ainsi, dans certaines régions moins bien couvertes, une articulation entre vétérinaires de proximité et vétérinaires plus spécialisés peut s’organiser, et ce pour toutes les filières. De plus, le “paquet hygiène” et la certification sanitaire des élevages pour l’aval sont autant de “nouvelles opportunités” qui ne pourront se concrétiser que si nous savons structurer de tels réseaux, avec des qualifications et des formations adaptées, ainsi qu’un système d’animation ad hoc, centralisé par région », estime, pour sa part, Pascal Anjot, président du SNVCO. Le but est donc de répondre non seulement aux demandes qui existent, mais également à celles à venir, notamment liées à l’application du “paquet hygiène”.

« Cette segmentation positive présente des atouts qui doivent permettre de convaincre l’administration et l’aval agroalimentaire qu’en ce qui concerne l’accompagnement par les professionnels vétérinaires du “paquet hygiène”, l’organisation en réseaux de compétences est légitime et crédible. Leur émergence ne peut être fondée que sur la disponibilité et l’implication forte des acteurs locaux pour prendre en charge l’organisation et la vie de telles entités, même si le rôle des structures nationales dans l’aide à la création, la formation et la fédération de ces réseaux paraît indispensable », estime, quant à lui, Jacques Guérin, membre du Conseil de l’Ordre.

Une nouvelle organisation de l’exercice rural est donc à l’étude. Le référé, encore un sujet tabou dans le secteur rural(1), pourrait être amené à s’y développer, à l’image de ce qui existe actuellement dans le secteur des animaux de compagnie. Le virage n’est pas encore amorcé, mais la réflexion qui a été engagée par les représentants de la profession constitue un signal fort.

Le bon fonctionnement de travail en réseau nécessitera un engagement massif de la part des praticiens. Car, comme le souligne notre confrère Loïc Guiouillier, « la guéguerre de chapelle entre les confrères est terminée. Il est nécessaire de travailler ensemble. Quand un praticien n’a pas le matériel ou la compétence nécessaire, il ne faut pas qu’il hésite pas à faire appel à un confrère. Si nous ne parvenons pas à nous structurer, nous risquons de nous faire manger la laine sur le dos ». Etre relégué en queue de peloton, en quelque sorte.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1230 du 17/6/2006, pp. 34-38.

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