La fonction rétinienne du chat diminuerait avec l’âge - La Semaine Vétérinaire n° 1247 du 02/12/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1247 du 02/12/2006

Travaux récents en ophtalmologie

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Bouhanna

Fonctions : praticien spécialisé
en ophtalmologie à Paris.

Cinq études font le point sur les kératoconjonctivites sèches, l’évolution de la fonction rétinienne du chat, la mélanose du cairn terrier et les tumeurs iridociliaires du chat.

1 PARTICULARITÉS RACIALES DE LA KÉRATOCONJONCTIVITE SÈCHE CHEZ LE CHIEN.

Une étude rétrospective destinée à mieux caractériser la kératoconjonctivite sèche canine (KCS) a été réalisée chez 229 chiens pour lesquels l’affection avait été diagnostiquée sur les critères suivants : test de Schirmer inférieur à 15 mm/min, hyperhémie conjonctivale, écoulements muqueux à muco-purulents et/ou kératite ulcérative. Seuls les cas de KCS primaires ont été inclus.

Des groupes (d’un effectif minimal de dix chiens) sont constitués selon la race, afin de comparer les signes cliniques et les âges lors de l’apparition des symptômes et de la consultation en référé.

Les cockers spaniels anglais (n = 45), les épagneuls cavaliers King Charles (n = 40), les west highland white terriers (n = 37) et les shihtzus (n = 11) sont sur-représentés, puisqu’ils constituent 58 % des cas (soit 133/229).

L’étude fait apparaître certaines particularités dans les symptômes et l’épidémiologie selon la race. Ainsi, les cockers spaniels et les west highland white terriers ont un âge moyen de cinq ans lors de l’apparition des signes cliniques ; les femelles sont plus souvent affectées ; l’incidence des kératites ulcératives est relativement faible. Les cavaliers King Charles et les shih-tzus présentent deux pics pour l’âge d’apparition, le premier entre zéro et deux ans et le deuxième respectivement de quatre à six ans et de six à huit ans ; les mâles sont plus souvent affectés ; l’incidence des kératites ulcératives est significativement supérieure, avec parfois des perforations de la cornée.

2 LA FONCTION RÉTINIENNE DU CHAT SIAMOIS DÉPENDRAIT DE L’ÂGE.

Le chat siamois atteint fréquemment l’âge de vingt ans, et les propriétaires s’interrogent régulièrement sur les effets du vieillissement sur la fonction visuelle de leur animal. Il est en outre fréquent d’observer chez cette race des variations physiologiques du fond d’œil (absence de pigmentation de l’épithélium pigmentaire, de tapetum lucidum).

L’objectif de cette étude est de comparer, chez des siamois mâles jeunes ou âgés, présumés sains (pas d’opacités oculaires, pas d’affections systémiques), les électrorétinogrammes (ERG) photopiques (exploration de la vision diurne) et scotopiques (vision nocturne). Les quatre groupes se composent de cinq jeunes adultes (trois à cinq ans : G1), de six chat âgés (douze à quinze ans : G2), de quatre chats avec une dépigmentation de l’épithélium pigmentaire rétinien (cinq à huit ans : G3) et de trois chats avec un fond d’œil “albinos” (six à huit ans : G4).

Les résultats des ERG indiquent des Vmax calculées moyennes respectivement de 333,5 mcV, 146,5 mcV, 281 mcV et 202 mcV pour G1, G2, G3 et G4. Cette valeur, qui correspond à la réponse maximale après la stimulation, est proportionnelle à l’activité rétinienne.

Les valeurs moyennes de l’amplitude de l’onde b de l’électrorétinogramme après trente minutes d’adaptation dans le noir sont de 318 mcV, 157,0 mcV, 217,5 mcV et 350 mcV.

Cette étude montre des différences nettes entre les sujets jeunes et les sujets âgés et permet de caractériser un “phénotype fonctionnel” en rapport avec l’âge. Elle indique également que l’examen du fond d’œil et l’observation d’une absence de pigmentation de l’épithélium rétinien ou d’un “albinisme” sont toutefois à prendre en considération pour toute interprétation de l’ERG chez cette race.

3 MÉLANOSE OCULAIRE CHEZ LE CAIRN TERRIER.

Les yeux énucléés de treize cairn terriers chez lesquels une mélanose oculaire a été diagnostiquée sont examinés par immunohistochimie (IHC, dix chiens) ou au microscope électronique à transmission (MET, trois chiens). L’IHC se révèle positive pour un antigène (HMB45) au niveau des cellules pigmentées caractéristiques de la mélanose. Elle l’est également pour deux autres antigènes (MITF et vimentine), mais à des degrés variables (fixation forte à faible des anticorps). Les résultats sont négatifs pour tous les autres anticorps testés, sauf pour le CD18, positif pour un œil qui présentait une uvéite active.

La MET montre que la majorité des cellules chargées en pigment contiennent des mélanosomes, abondants pour les stades d’évolution 3 et 4 et plus rares pour les stades 2. Ils sont libres dans le cytoplasme, mélangés au réticulum endoplasmique granulaire (REG). Ces cellules renferment un faible nombre de mitochondries, un REG abondant ainsi qu’un noyau unique, découpé et à localisation centrale et euchromatique.

L’examen de l’ultrastructure des cellules prolifératives fait apparaître des caractéristiques typiques de mélanocytes, plutôt que de mélanophages. Les résultats de l’IHC suggèrent également que ces cellules appartiennent à des lignées de mélanocytes. L’uvéite se développant classiquement lors de mélanose oculaire proviendrait de l’intervention secondaire des mélanophages.

4 MEIBOMÉTRIE CHEZ LE CHIEN : ÉTABLISSEMENT DE VALEURS USUELLES DES SÉCRÉTIONS DES GLANDES DE MEIBOMIUS.

Les sécrétions lipidiques des glandes de Meibomius interviennent dans la prévention de l’évaporation lacrymale. Un dysfonctionnement peut donc participer à la pathogénie de certaines kératoconjonctivites sèches (KCS). L’objectif de cette étude est d’établir des valeurs quantitatives usuelles de ces sécrétions lipidiques naturelles chez des chiens normaux.

La meibométrie est réalisée chez treize chiens sains (six femelles, sept mâles) de race labrador ou golden retriever, âgés de deux mois à deux ans. Une bandelette est appliquée sur le bord de la paupière inférieure puis la lecture est réalisée avec un meibomètre, instrument non invasif.

La sécrétion moyenne est de 335 +/- 37 unités (unité arbitraire), résultat nettement supérieur à celui noté chez l’homme (154 +/- 32 unités), probablement en raison d’une divergence dans la vitesse de clignement.

Aucune différence significative n’apparaît entre l’œil droit et l’œil gauche ou selon l’âge. En revanche, la sécrétion moyenne chez les femelles est significativement supérieure (359 +/- 15 contre 315 +/- 39 chez les mâles).

Une étude ultérieure, avec un nombre élevé de sujets, permettra d’évaluer l’influence raciale (chez des races brachycéphales, à ouvertures palpébrales larges, etc.) et les différences d’espèce. Des investigations chez des chiens présentant des KCS permettront de déterminer si le manque d’efficacité de la ciclosporine chez certains cas pourrait être lié à une diminution de ces sécrétions meibomiennes.

5 TUMEURS ÉPITHÉLIALES IRIDOCILIAIRES CHEZ LE CHAT.

Les yeux énucléés de dix-neuf chats présentant une tumeur épithéliale iridociliaire sont étudiés. Après un examen externe, l’œil est ouvert dans le plan tumoral et des sections de 5 µm sont réalisées. La taille antéro-postérieure moyenne des tumeurs est de 10 mm, pour une largeur de 4,3 mm. Aucune n’est pigmentée. Treize sur dix-neuf sont kystiques. L’organisation cellulaire apparaît compacte, sans structures acinaires, pour quatorze tumeurs.

Histologiquement, elles sont composées essentiellement de petites cellules uniformes, rondes, avec un cytoplasme éosinophile. Une coloration des membranes à l’acide périodique de Schiff (PAS) est observée pour quinze cas sur dix-huit et “réticuline positive” pour neuf cas sur dix-neuf. Les cellules contiennent un noyau volumineux et des nucléoles. Certaines de ces tumeurs présentent une structure comparable à l’épithélium ciliaire interne. Ces tumeurs sont localement invasives : douze d’entre elles envahissent la sclère et trois infiltrent la vascularisation sclérale et/ou choroïdale.

Les informations du suivi recueillies auprès des vétérinaires traitants montrent que douze chats sur quinze ne présentent pas d’affection durant l’année qui suit l’opération. Ce délai est supérieur à deux ans pour dix d’entre eux. Une récidive locale de la tumeur est suspectée (mais non confirmée) chez un cas.

Les résultats de cette étude confirment le diagnostic d’origine épithéliale iridociliaire de ces tumeurs intraoculaires et suggèrent que, si elles sont souvent localement invasives, leur potentiel métastatique est faible.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1. R.F. Sanchez, G. Innocent, J. Mould et coll. : « Caractéristiques raciales de la kératoconjonctivite sèche chez le chien. »
  • 2. S.G. Rosolen, M. Woods, S. Lavillegrand et coll. : « L’âge affecte-t-il la fonction rétinienne chez le chat siamois ? »
  • 3. S.M. Petersen-Jones, A.L. Mentzer, M. Kiupel et coll. : « Caractéristiques immunohistochimiques et ultrastructurales des cellules prolifératives lors de mélanose oculaire chez le cairn terrier. »
  • 4. R. Ofri, K. Orgad et S. Dikstein : « Meibométrie chez le chien : établissement de valeurs usuelles des sécrétions des glandes de Meibomius. »
  • 5. R.F. Sanchez, J. Mould, C. Nixon et coll. : « Tumeurs épithéliales iridociliaires chez le chat : observations macroscopiques, histologiques et suivi chez 19 cas. »
  • Conférences présentées congrès de l’European College of Veterinary Ophtalmologist (ECVO) et de l’European Society of Veterinary Ophtalmology (ESVO) à Bruges (Belgique), du 10 au 14 mai 2006.
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