Les traitements actuels contre la leishmaniose sont imparfaits - La Semaine Vétérinaire n° 1245 du 18/11/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1245 du 18/11/2006

Zoonoses canines

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Carole Ballin

Les échecs thérapeutiques, la toxicité de certaines molécules, la non-stérilisation de l’animal et les rechutes sont autant de difficultés dans le cadre de cette affection.

En présence de leishmaniose canine, le praticien doit faire face à deux difficultés majeures. D’une part, le caractère protéiforme et les nombreuses formes atypiques de la maladie rendent son diagnostic complexe. D’autre part, les molécules disponibles utilisables pour son traitement sont limitées.

Le diagnostic doit être confirmé sur des bases épidémiologiques et cliniques. Le chien suspect a séjourné à l’extérieur dans un foyer endémique de leishmaniose et son état général est altéré. Il peut être cachectique, présenter de l’adénomégalie, des troubles cutanés, de l’épistaxis, ainsi que toute combinaison de symptômes reflétant l’atteinte de divers appareils. Le diagnostic est objectivé par des données biologiques spécifiques (analyse sérologique) et non spécifiques (numération-formule, électrophorèse des protéines), ainsi que par la mise en évidence du parasite (adénogramme, myélogramme, mise en culture, PCR).

Aucune méthode n’est assez sensible pour détecter une leishmaniose

La sensibilité diagnostique est particulièrement variable selon la méthode retenue et la technique utilisée, par exemple entre l’immunofluorescence indirecte (IFI) et le western blot, la culture (choix du prélèvement) et l’analyse sérologique, la ponction ganglionnaire et médullaire. Le meilleur diagnostic semble être obtenu avec une combinaison de plusieurs méthodes. L’association de l’observation clinique et de la sérologie, de l’observation clinique et de la mise en culture ou de l’observation de ponctions, ou encore la combinaison entre l’observation clinique, la sérologie et la PCR (polymerase chain reaction) sont nécessaires pour contrebalancer le manque de sensibilité de chaque méthode.

Par ailleurs, le praticien ne doit pas négliger la pertinence de la cytologie. En dehors de la caractérisation directe et rapide de la maladie parasitaire, la visualisation directe des leishmanies dans les tissus et les liquides ponctionnés permet d’améliorer l’observance du traitement par le propriétaire. Après avoir observé le parasite au microscope, il adhère plus facilement aux choix thérapeutiques. Les quatre principales techniques utilisables en pratique courante chez le chien vigile sont la cytologie de calque de lésions ulcératives et/ou suintantes, la cytologie de nodules leishmaniens, l’adénogramme (cytoponction d’un ganglion et analyse cytologique) et le myélogramme (par ponction sternale).

Le pronostic est difficile à préciser. Le facteur limitant et pronostique majeur est la compatibilité ou non du fonctionnement rénal avec le traitement spécifique. Tout élément biologique (densité urinaire normale à faible, urémie et créatininémie élevées) qui traduit une incapacité ou une insuffisance rénale à concentrer les urines doit pousser le praticien à différer la prescription du traitement spécifique (en dehors de l’allopurinol) et à recourir à un traitement symptomatique immédiat. Lors d’un retour ou d’un rapprochement des constantes avec les normes usuelles, le traitement spécifique peut alors être envisagé. A défaut, l’euthanasie doit être proposée. Elle est également à privilégier dans certains cas exceptionnels, lorsque les risques de transmission du parasite au propriétaire souffrant d’immunodépression sont élevés.

Plusieurs molécules et combinaisons de molécules ont été testées chez le chien

L’amphotéricine B administrée par voie intraveineuse stricte est un traitement efficace, mais à proscrire formellement, car il constitue une base thérapeutique retenue chez l’homme. Son usage est par conséquent à réserver à ce seul usage afin de ne pas favoriser, chez le chien, l’émergence de souches résistantes.

L’aminosidine, non commercialisée en France, est utilisée en Italie à la dose maximale de 5 mg/kg, deux fois par jour pendant trois à quatre semaines. Les résultats sont satisfaisants. Cependant, l’emploi de cette molécule est limité aux sujets qui présentent un bon fonctionnement rénal.

Quelques essais avec la spiramycine (150 kUI/kg) associée au métronidazole (25 mg/kg/j per os) et au Glucantime® ou à l’enrofloxacine durant treize semaines ont donné des résultats satisfaisants, mais pas supérieurs à ceux obtenus avec le traitement de consensus. Les fluoroquinolones avec l’enrofloxacine (20 mg/kg/j per os durant quatre semaines, seules ou en association avec le métronidazole à 10 mg/kg/j per os durant quatre semaines) ou la marbofloxacine (2 mg/kg/j per os pendant dix à quarante jours) montrent des résultats in vitro prometteurs, mais qui méritent une confirmation sur la base d’essais cliniques randomisés et portant sur de grands effectifs.

Le kétoconazole est une molécule décevante. L’utilisation de la miltéfosine (2 mg/kg/j per os durant vingt-huit jours) paraît séduisante par son efficacité, sa facilité d’administration et sa relative innocuité (sauf tératogénicité). Cependant, son usage en médecine vétérinaire doit être raisonné au regard d’une priorité éventuelle d’utilisation chez l’homme (comme pour l’amphotéricine B).

Aujourd’hui, le traitement de consensus (confirmé lors de la réunion de la Société française de parasitologie organisée à l’ENVL en 2004) associe le Glucantime® à la dose de 100 mg/kg/j, exclusivement par voie sous-cutanée, durant vingt et un jours au minimum (pouvant être prolongé jusqu’à vingt-huit) et le Zyloric® à la dose de 15 mg/kg matin et soir, tous les jours, en permanence (sauf arrêt provisoire justifié par l’apparition de résistance). Une dose modifiée de Glucantime®, administrée par une autre voie et pendant une durée différente entraîne au mieux une efficacité moindre, au pire une toxicité accrue et/ou des risques non négligeables d’apparition de chimiorésistance.

L’animal traité est exposé à des rechutes, car le parasite persiste

La thérapeutique actuelle ne permet pas de stériliser l’animal et d’engager le système immunitaire dans une voie leishmanicide totale (voie Th1). Le suivi de l’animal est par conséquent indispensable. Le propriétaire doit être conscient de cette nécessité et les dates de rendez-vous sont fixées avec lui. Les signes d’appel de rechute comme un amaigrissement, une baisse de forme, une adénomégalie, une épistaxis, une alopécie, un squamosis ou toute autre manifestation clinique doivent lui être expliqués. Il est important de lui rappeler que son animal reste une source de parasites.

L’examen clinique doit être régulier et rigoureux. Sur un rythme semestriel, par exemple, l’observation de la peau (ulcères, squamosis), des muqueuses (anémie, ulcères, hémorragies) et des ganglions lymphatiques (adénomégalie) est approfondie. Une analyse sérologique, fondée sur la même méthode que celle retenue pour le diagnostic initial est effectuée à des fins de comparaison. Une augmentation d’au moins deux titres lors d’une analyse par IFI (par exemple passage d’une sérologie initiale du 1/320 au 1/1 280) signe une rechute.

Il faut se souvenir que l’immunité efficace anti-leishmanienne est une immunité à médiation cellulaire et non humorale. Des analyses biologiques avec une numération-formule (dépistage d’une éventuelle anémie), une électrophorèse des protéines (observation d’une hyperprotéinémie, signe d’une hypergammaglobulinémie, donc synonyme d’un titre en anticorps élevé), la densité urinaire, l’urémie et la créatininémie (signes d’une incapacité ou d’une insuffisance rénale à concentrer les urines) sont effectuées. De l’allopurinol, leishmaniostatique, à la dose de 15 mg/kg matin et soir est administré en continu afin de prévenir l’apparition de rechute.

Le traitement actuel de la leishmaniose canine est parfois décevant. Les échecs thérapeutiques, la toxicité de certains traitements, la non-stérilisation de l’animal et les rechutes sont autant de points imparfaits. Deux points majeurs devront faire l’objet d’études et de débats approfondis. La définition de protocoles thérapeutiques fondés sur de nouvelles molécules, faciles d’administration et moins toxique, se révèle nécessaire.

  • Voir aussi : « Comment diagnostiquer la leishmaniose canine », B. Hubert, Le Point Vétérinaire, 2006, n° 270, vol. 37, p. 54.

CONFÉRENCIER

Gilles Bourdoiseau, diplomate de l’European Veterinary Parasitology College, professeur de parasitologie-maladies parasitaires à l’école vétérinaire de Lyon.

Article réalisé d’après une conférence présentée dans le cadre de la 3e journée d’actualités sur les leishmanioses, organisée le 23 septembre 2006 à Nice.

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