LA LUTTE CONTRE LES ZOONOSES EST MULTIDISCIPLINAIRE - La Semaine Vétérinaire n° 1243 du 28/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1243 du 28/10/2006

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Auteur(s) : Nathalie Devos

La veille, la prévention et le contrôle des zoonoses, plus que jamais d’actualité, nécessitent de s’intéresser à la surveillance chez l’homme, et aussi à celle de l’agent causal, de l’environnement, des réservoirs animaux et des vecteurs. Dans cette optique, la collaboration entre les médecins et les vétérinaires, mais aussi d’autres acteurs, est nécessaire.

Les interactions entre le réservoir, l’hôte, l’agent, l’environnement et, éventuellement, le vecteur jouent un rôle primordial dans la dynamique des zoonoses, plus encore que pour les autres maladies infectieuses. Ces interactions peuvent influencer l’incidence, l’extension géographique des infections et des populations touchées. C’est pourquoi la veille, la prévention et le contrôle des zoonoses nécessitent des approches multidisciplinaires qui s’intéressent non seulement à la surveillance chez l’homme, mais aussi à celle de l’agent causal, de l’environnement, des réservoirs animaux et des vecteurs, estime Henriette de Valk, de l’Institut de veille sanitaire (InVS)(1). Elle rejoint ainsi la position de Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), qui rappelait, lors d’une séance de l’Académie vétérinaire le 5 octobre dernier à Paris, le rôle essentiel de la coopération entre les vétérinaires et les médecins dans le contrôle des zoonoses, même s’il déplore le caractère encore frileux de cette collaboration au niveau international.

L’incidence de la maladie de Lyme est élevée en Alsace, celle de la leptospirose en Aquitaine

Des exemples de zoonoses non alimentaires illustrent la nécessité de mettre en commun les compétences des disciplines médicales et vétérinaires et de la recherche fondamentale afin de mieux résoudre les difficultés associées à l’interaction entre les hommes et les animaux, souligne Henriette de Valk.

En raison de leur lien étroit avec les conditions environnementales, les zoonoses sont souvent limitées à certaines zones géographiques et peuvent représenter un réel problème de santé publique (dont l’importance peut être ressentie de façon moins importante à l’échelle nationale). Danièle Postic et son équipe expliquent par exemple comment l’incidence de la maladie de Lyme chez l’homme est corrélée à la densité des tiques Ixodes ricinus infectées dans trois cantons d’Alsace. Leurs résultats montrent ainsi, en 2003-2004, qu’à Munster et Guebwiller, où l’incidence de l’affection dépasse 200 cas pour 100 000 habitants, le pic de densité des tiques infectées par Borrelia burgdorferi atteint 114/100 m2, alors qu’il n’est que de 5/100 m2 dans le canton de Dannemarie, où l’incidence de la maladie n’est que de 36 cas pour 100 000 habitants. Ces auteurs proposent donc la mise en place d’un suivi de la densité de tiques infectées d’une région à une autre pour mieux apprécier le risque chez l’homme.

D’autres études ont été effectuées par les cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire) de l’Est (durant 2001-2004), du Centre-Ouest (2004-2006) et de Rhône-Alpes (2004). Elles mettent en évidence que la maladie de Lyme est courante dans ces trois régions, avec toutefois de fortes disparités géographiques (en moyenne 86 cas pour 100 000 habitants en Alsace, 42 dans le Limousin et 34 en Lorraine). Le rôle des équipes régionales apparaît donc essentiel pour le développement des systèmes de surveillance adaptés aux spécificités et aux besoins locaux. Les résultats de ces enquêtes, selon les chercheurs, démontrent la nécessité de renforcer les messages de prévention destinés à la population et aux professionnels exposés et d’améliorer la connaissance des médecins et des biologistes sur les caractéristiques cliniques et biologiques de la maladie de Lyme et sur ses spécificités géographiques.

La Cire d’Aquitaine, pour sa part, étudie la pertinence et la faisabilité d’un système de surveillance de la leptospirose, complémentaire à celui du Centre de référence (CNR) de cette région (connue pour l’incidence élevée de cette affection) et d’un classement de la leptospirose en maladie à déclaration obligatoire (MDO). Le taux d’incidence de la leptospirose en Aquitaine (étude sur la période 2004-2006) est en effet de 0,7 pour 100 000 habitants au lieu de 0,4 à 0,5 pour la moyenne nationale métropolitaine (c’est-à-dire 300 à 400 cas humains par an, 700 à 800 en incluant les départements d’outre-mer). La Dordogne enregistre le plus grand nombre de cas, avec une incidence de 2,3 pour 100 000 habitants.

Séroprévalence de 44 % pour Chlamydophila psitacci chez les professionnels aviaires

Les zoonoses concernent particulièrement certaines populations exposées aux animaux, via leur métier. Dans cette optique, Geneviève Abadia et son équipe ont étudié (en 2001-2002) la séroprévalence des anticorps anti-Chlamydophila psitacci (responsable de la chlamydiose aviaire) chez des professionnels de la filière avicole en Bretagne et dans les Pays-de-la-Loire. La maladie était classiquement attribuée aux oiseaux de compagnie, en particulier les psittacidés, jusqu’à il y a encore quelques années. 162 sujets ayant subi un arrêt de travail supérieur à cinq jours et ayant présenté des symptômes respiratoires sont inclus dans l’analyse. Les résultats mettent en évidence une séroprévalence élevée vis-à-vis de l’agent pathogène (44 %) dans la population étudiée. Les sujets travaillent principalement au contact de canards (35 %), de dindes (28 %) ou de poulets (28 %). La majorité d’entre eux exercent leur activité dans des élevages (52 %), dans des couvoirs (38 %), ou travaillent au ramassage des animaux (34 %). Cette étude témoigne de l’importance de la transmission de l’affection chez les personnes en contact proche avec des oiseaux infectés. L’examen des populations exposées professionnellement constitue donc une source irremplaçable pour apprécier le risque de transmission à l’homme d’agents pathogènes, en particulier ceux dont le potentiel zoonotique n’est pas ou peu connu. A la suite de cette recherche, les scientifiques ont proposé la mise en place rapide d’autres travaux afin d’améliorer les connaissances de l’épidémiologie de la chlamydiose aviaire chez l’homme et chez l’animal, notamment en élevage de canards.

La surveillance de zoonoses potentiellement émergentes est également anticipée

Il est également important de surveiller les zoonoses potentiellement émergentes. D’actualité, la grippe aviaire ne déroge pas à la règle. Du côté animal, la France a réalisé les premières enquêtes de prévalence chez les volailles à l’échelle nationale, à l’automne 2001. Elles visent à détecter des élevages positifs vis-à-vis des souches H5/H7 (en raison de leur propension à devenir hautement pathogènes après une mutation). L’enquête effectuée durant la saison 2004-2005 a concerné 1 000 élevages. Elle n’a mis en évidence que quelques virus de l’influenza de type H5 faiblement pathogènes. La surveillance active des oiseaux sauvages, pour sa part, n’a pas révélé la présence du H5N1 HP pour la période allant de la fin de l’été 2005 au printemps 2006 (un peu plus d’un millier d’écouvillons réalisés). Du côté humain, à la suite de l’apparition de cas de grippe aviaire dus au virus H5N1 HP en Asie, l’InVS a mis en place, début 2004, une surveillance qui vise actuellement les cas importés de pays atteints. En juin dernier, 334 cas suspects de grippe aviaire avaient ainsi été signalés à l’InVS. Seulement 30 répondaient aux critères de définition de cas possibles. Tous les prélèvements analysés par PCR se sont révélés négatifs.

  • (1) Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 27-28, juillet 2006.

  • (2) Médecins, vétérinaires, épidémiologistes, InVS, Afssa, CNR, ONCFS, Mutualité sociale agricole, Institut Pasteur, réseau Sagir, Ddass, OIE, FAO, OMS, etc.

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