Prescrire un traitement d'induction des chaleurs requiert une analyse multidimensionnelle - La Semaine Vétérinaire n° 1242 du 21/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1242 du 21/10/2006

Reproduction des bovins laitiers

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Le “savoir observer” des éleveurs, le statut métabolique des reproductrices, la reprise de cyclicité post-partum, le taux de fertilité escompté en cohérence avec la gestion de la fécondité sont déterminants.

L'analyse et la gestion d'un problème d'infertilité bovine par un praticien fait appel à des savoir-faire de différents ordres : méthodologique, zootechnique, économique, thérapeutique et, enfin, pédagogique. Ces différentes approches ont été abordées lors de l'atelier Reprology, organisé lors des journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV), en mai dernier. Outre l'approche globale de l'infécondité d'un troupeau laitier(1), nos confrères Marc Ennuyer, praticien à Mailly-Maillet (Somme), et Damien Remmy, chef de gamme “ruminants” chez Ceva, ont abordé la pertinence des protocoles d'induction de chaleurs des vaches. Cette présentation, interactive, s'est appuyée sur un cas concret issu du répertoire des formations à la reproduction organisées par le laboratoire, en collaboration avec des praticiens des GTV.

Injections de prostaglandine PGF2alpha, association de PGF2alpha et de gonadolibérine(2) (protocole GnRH-PGF2alpha-GnRH ou protocole GPG), association d'un traitement progestatif et d'une injection de PGF2alpha (voir « Pour en savoir plus ») : quel est le meilleur choix pour les vaches et les génisses d'un élevage caractérisé par des vaches non vues en chaleur et une mauvaise fertilité ?

L'élevage dont il est question est composé de quarante vaches laitières dont la moitié de primipares. Les résultats de reproduction sont synthétisés dans le tableau de la page 42.

Efficacité et précision de la détection des chaleurs nécessitent d'être évaluées

Tout traitement hormonal s'inscrit dans un double contexte : d'une part la qualité de la détection des chaleurs et d'autre part l'existence ou l'absence d'une cyclicité ovarienne des vaches identifiées comme à problème.

La qualité de la détection des chaleurs est déterminée par son efficacité et par sa précision. Son inefficacité entraîne un retard du délai de mise à la reproduction. Quant à l'imprécision, elle engendre une dégradation de la réussite à l'insémination.

Le nombre de retours en chaleurs à six semaines, mais aussi de diagnostics de gestation négatifs et de traitements pour induction de chaleurs permettent de juger de l'efficacité de cette détection. Le nombre de fausses chaleurs ainsi que la fertilité des vaches inséminées un même jour sont les indicateurs utilisés pour évaluer sa précision.

Les résultats de l'élevage mettent conjointement en évidence une inefficacité et une imprécision de la détection des chaleurs. « Ce contexte implique donc de choisir des traitements d'induction des chaleurs qui privilégient l'insémination à temps fixe et non pas l'insémination sur chaleurs observées », explique Damien Remmy. Au travers de plusieurs cas cliniques, chaque participant à l'atelier a pu tester et confronter les critères qui guident le choix des traitements d'induction.

Dans le cas suivant, il s'agissait de choisir, d'une part le moment le plus opportun pour la mise en œuvre du traitement d'induction des chaleurs et d'autre part d'opter pour le traitement d'induction le plus approprié. Il est en l'occurrence question d'une primipare qui a vêlé le 21 juillet. Non vue en chaleurs, elle est examinée le 10 septembre pour une induction de chaleurs. L'animal produit alors 26,8 kg de lait avec un taux protéique (TP) qui s'élève à 26,9 g/kg. Lors de la palpation transrectale, un corps jaune sur l'ovaire droit, un follicule sur l'ovaire gauche ainsi qu'un utérus de taille normale sont détectés.

Compte tenu de la proximité du vêlage (cinquante et un jours) et du TP inférieur à 28 g/kg, il est préconisé d'attendre un mois avant toute intervention. Le 10 octobre, cette même primipare produit 25,8 kg de lait avec un TP de 28,6 g/kg. Une palpation transrectale permet de détecter un corps jaune sur l'ovaire gauche (voir photo 1 et photo 2), un follicule sur l'ovaire droit et un utérus de taille normale.

La maîtrise des vagues folliculaires permet d'optimiser le moment de l'insémination

L'augmentation du TP signe l'arrêt de l'amaigrissement et la reprise d'état de cette primipare. Un traitement d'induction des chaleurs peut donc être prescrit. Compte tenu du diagnostic de cyclicité ovarienne réalisé, tous les traitements d'induction cités en préambule peuvent être envisagés. Au regard du problème inhérent à la qualité de la détection des chaleurs, ceux qui permettent une insémination à date fixe seront préférés.

Dans le cas où une seule insémination est pratiquée, les traitements qui permettent une maîtrise des vagues folliculaires seront choisis soit, dans le cadre de cet atelier Reprology, le protocole GPG et l'association d'un traitement progestatif avec une injection de PGF2alpha. En effet, ces traitements permettent une programmation plus précise de l'insémination en raison de la connaissance du moment de l'ovulation. Avec le protocole GPG(3), l'insémination artificielle (IA) pourra être réalisée douze à dix-huit heures après la deuxième injection de GnRH (le délai optimal est de seize heures)(4). Lors d'un traitement progestatif de neuf jours associé à une injection de prostaglandine, l'IA aura lieu cinquante-six heures après le retrait de la spirale (voir « Pour en savoir plus »). « Plusieurs publications répondent à la question de l'impact des spirales sur la modification de la flore bactérienne vaginale et sur la fertilité à l'IA », a expliqué Damien Remmy. Si la flore vaginale est modifiée lors de la présence de la spirale, cinquante-six heures après son retrait, cette flore n'est pas significativement différente de la flore vaginale initiale. D'autre part, une expérimentation, menée chez des juments en collaboration avec l'école vétérinaire de Nantes, montre que lors d'une éventuelle inflammation purulente, inflammation et sécrétions disparaissent spontanément soixante-douze heures après le retrait de la spirale. Enfin, un autre essai met en évidence l'absence de différence significative sur la fertilité à l'œstrus induit entre le lot témoin et celui des vaches traitées avec une spirale.

Dans le cas d'une double injection de prostaglandines, les chaleurs apparaissent dans un délai de deux à cinq jours après la dernière injection, d'où la nécessité d'une IA sur chaleurs observées ou d'une double insémination en aveugle pour optimiser la fertilité. Ce délai d'apparition des chaleurs dépend du stade de la vague folliculaire au moment de l'administration de la PGF2alpha.

La pulsatilité de la GnRH, et donc de la LH, dépend du statut métabolique de la vache

L'analyse du motif de l'échec ou de la réussite à l'insémination a été discutée à partir de l'histoire d'une primipare pour laquelle l'intervalle vêlage-première IA est égal à soixante-seize jours et l'intervalle vêlage-insémination fécondante est de cent quarante-sept jours. Sa production laitière maximale s'élève à 24,6 kg, avec un TP de 23,1 g/kg. A cette période, sa note d'état est égale à 1,5.

Les palpations transrectales chez cet animal mettent en évidence :

- trente-cinq jours après vêlage, une légère déformation de la corne gauche par rapport à la corne droite et deux ovaires lisses ;

- soixante-douze jours après vêlage, un corps jaune sur l'ovaire droit et un follicule de 2 cm sur l'ovaire gauche (voir photo 3).

N'ayant pas vu cette vache en chaleur, l'éleveur a induit l'œstrus via une double injection de prostaglandines.

A la question du motif de l'échec de la première IA, quatre solutions ont été proposées par les animateurs : une méthode d'induction inadaptée, une reprise de cyclicité trop tardive, une mortalité embryonnaire, le délai de mise à la reproduction. Une seule réponse étant possible, le choix s'est donc majoritairement porté sur « une reprise de cyclicité trop tardive ». Après le vêlage, le facteur clé déterminant pour le moment de la première ovulation est une fréquence des décharges de LH qui doit être similaire à celle de la phase folliculaire du cycle. Chez la vache en post-partum, cette fréquence est régulée, en l'absence de progestérone, par son alimentation, son état corporel et l'allaitement. Hormones (l'insuline, l'IGF-I, la leptine) et nutriments (le glucose et les acides gras) semblent jouer le rôle d'intermédiaires entre la balance énergétique et le fonctionnement de l'hypothalamus.

Il existe une bonne corrélation in vivo entre les modifications de niveaux d'IGF-I (Insulin-like Growth Factor-I) et d'insuline et la fréquence des pulses de LH. L'action de la leptine sur la pulsatilité de la LH est démontrée chez la souris et chez le singe. Chez les bovins, le récepteur long de la leptine est présent dans de nombreux tissus, y compris l'hypothalamus, d'où l'hypothèse du rôle probable de la leptine chez les bovins quant à l'interaction métabolisme/reproduction. De plus, ces facteurs n'agissent pas uniquement au niveau central, mais également au niveau gonadique.

En outre, une meilleure réussite à l'IA nécessite plusieurs cycles ovulatoires avant l'insémination. En effet, le taux de progestérone augmente au cours des trois premiers cycles. Cette hausse, dépendante du déficit énergétique, favorise la survie embryonnaire.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1237 du 16/9/2006, pp. 46-50.

  • (2) Ou gonadotropine releasing hormone (GnRH).

  • (3) « Reproduction des ruminants : maîtrise des cycles et pathologie », Le Point Vétérinaire, 2005, numéro spécial, vol. 36, figure en page 15.

  • (4) Le protocole GPG ne doit pas être utilisé chez les génisses du fait d'une dynamique différente de croissance folliculaire. Les vagues folliculaires durent plutôt dix jours chez les génisses.

POUR EN SAVOIR PLUS

• « Reproduction des ruminants : maîtrise des cycles et pathologie », Le Point Vétérinaire, 2005, numéro spécial, vol. 36, consacré à la physiologie du post-partum, la maîtrise des cycles et la pathologie de la reproduction.

• Reprology, maîtriser la reproduction, c'est maîtriser l'avenir, cédérom édité par Ceva Santé animale (2002-2003).

• Formation à la maîtrise de la reproduction des bovins, Le cédérom édité par AFC-Ceva-Midatest-Camia-Kerel (2003).

• Reprology, échographie de l'appareil génital des ruminants, cédérom édité par Ceva Santé animale (2005).

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr