Le champ d’application de la technologie des puces à ADN est immense - La Semaine Vétérinaire n° 1241 du 14/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1241 du 14/10/2006

Nanobiotechnologie

Formation continue

FILIÈRES

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

Les biopuces permettent d’aller au-delà du diagnostic bactériologique, en investissant le fonctionnement cellulaire, en évaluant le statut immunitaire et en précisant les modes d’action des médicaments.

Véritables concentrés de biologie moléculaire, de chimie, d’électronique, d’informatique, les puces à ADN sont des outils diagnostiques issus de la rencontre des nanotechnologies et des sciences du vivant. Largement utilisées en routine dans le secteur de la recherche, les puces à ADN, également nommées “chip”, “biopuces” ou “biochip”, présentent l’avantage de permettre l’analyse de l’expression de milliers de gènes simultanément.

La puce à ADN est un support miniaturisé sur lequel sont fixées des sondes d’ADN, spécifiques du gène recherché (voir photos). Des milliers de fragments d’ADN sont ainsi déposés de façon géométrique à l’aide d’une micropipette robotisée. Ils servent de sondes pour fixer de façon très spécifique les fragments de gènes complémentaires (cibles), présents dans les échantillons à tester. Leur mise en contact permet ainsi de reconstituer la double hélice ADN. Au préalable, l’ADN aura été extrait de l’échantillon, puis amplifié. Le terme puce à ADN est un terme générique. Il existe actuellement deux procédés majeurs de fabrication de puces à ADN, les macro-arrays et les micro-arrays, ainsi que les puces à oligonucléotides (voir encadré). La nature du support varie (polymère, lame de verre). Sa qualité semble être l’un des facteurs clés de la qualité de lecture du résultat.

« Dans le domaine de la clinique humaine, les puces à ADN sont utilisées depuis quatre ou cinq ans », explique Tony Rouillard, ingénieur chez AES-Chemunex Laboratoire. Par le biais de l’association de la PCR avec l’électrophorèse sur gel, en routine, cinq agents pathogènes au maximum peuvent être diagnostiqués aisément et simultanément sur le même gel. Les puces n’imposent pas de limite. Leur secteur d’application n’est pas restreint à celui de la santé. En effet, elles sont également développées dans le domaine de l’environnement et dans l’industrie agroalimentaire. Par exemple, les brasseries chinoises contrôlent le développement des bactéries d’altération de la bière au fur et à mesure des process, grâce à des screening à grande échelle utilisant des puces à ADN.

Des applications existent pour les filières d’élevage et l’industrie agroalimentaire

Des puces qui autorisent le diagnostic simultané de germes pathogènes pour un microbisme choisi, tant en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire et en hygiène alimentaire, sont actuellement commercialisées. L’entreprise taiwanaise, DR Chip Biotechnology(1), partenaire d’AES-Chemunex Laboratoire, produit, pour la médecine humaine, des puces dédiées aux virus respiratoires, aux entérovirus, aux papillomavirus, aux bactéries respiratoires, aux Mycobacterium tuberculosis, à l’hépatite de type B et au dépistage des résistances à la lamivudine(2).

En médecine vétérinaire, une puce actuellement commercialisée par l’entreprise DR Chip Biotechnology permet la recherche simultanée, en six heures, d’un genre et de sept espèces pathogènes impliqués dans les mammites bovines (Streptococcus spp., Streptococcus uberis, Streptococcus bovis, Streptococcus agalactiae, Streptococcus dysgalactiae, Staphylococcus aureus, E. coli, Mycoplasma bovis), contre un délai total de sept à dix jours pour une identification par culture bactérienne (voir graphique). « L’intérêt d’un dépistage précoce est indéniable et optimise la prescription d’un traitement probabiliste. Le facteur limitant est l’absence d’antibiogramme », précise Tony Rouillard. Bien que la résistance soit d’origine génétique et que les gènes de résistance soient connus et donc dépistables via une puce, « le diagnostic de la présence de gènes de résistance n’est pas un indicateur de l’expression de cette résistance ».

A la demande de la filière aquacole asiatique, une puce a été développée afin d’identifier les trois virus les plus importants de la crevette et optimiser ainsi la gestion de la prévention de ces maladies virales et la quarantaine des crustacés. En hygiène alimentaire, dix germes impliqués dans les toxi-infections alimentaires peuvent être identifiés simultanément dans une denrée alimentaire (Staphylococcus aureus, Salmonella spp. E. coli, Yersinia enterocolitica, Bacillus cereus, Clostridium perfringens, Listeria monocytogenes, Shigella spp. Vibrio spp. Campylobacter). De plus, une puce qui identifie la présence de germes sur le matériel utilisé pour fabriquer les aliments à base de poisson (Staphylococcus aureus, Salmonella spp., E. coli, Listeria monocytogenes, Vibrio cholerae) est également disponible. Ces puces sont particulièrement utilisées au Japon.

Le diagnostic bactériologique n’est que l’une des applications des puces

L’entreprise DR Chip Biotechnology a en projet le développement de nouvelles puces, dont l’une permettrait le diagnostic d’appartenance d’espèce de composants alimentaires (viande de porc, de bovin, etc.) et une autre aurait pour objectif la détection des virus les plus communs en production porcine, c’est-à-dire la peste porcine classique, la maladie vésiculeuse des suidés, le circovirus porcin, les pestivirus.

En 2003, le Réseau canadien de recherche sur les bactéries pathogènes du porc a mis au point une micro-puce à ADN en vue de l’identification des pathotypes virulents chez les souches pathogéniques d’E. coli, ainsi qu’un prototype de micro-puce à 31 oligonucléotides correspondant aux gènes de résistance des β-lactamines, aminoglucosides, tétracyclines, phénicolés et sulfonamides.

L’unité d’immuno-mycotoxicologie du laboratoire de pharmacologie-toxicologie (UR 66) de l’Institut national de la recherche agronomique de Toulouse a construit une puce ADN qui permet d’obtenir une image plus complète de la réponse immune des porcs. Elle contient une centaine de gènes porcins. Les chercheurs analysent ainsi l’expression des cytokines(3) lors des phases critiques d’élevage, comme le sevrage, ou en situations pathologiques. Les résultats indiquent que le sevrage s’accompagne d’une augmentation transitoire de l’expression de plusieurs cytokines inflammatoires. Les chercheurs ont également démontré que les souches pathogènes d’E. coli induisent spécifiquement une production de cytokines inflammatoires dans l’intestin et dans les organes infectés, alors que les souches commensales n’ont pas d’effet sur la réponse de l’hôte.

La technologie est douée de flexibilité. En effet, une puce peut être élaborée à la demande, selon les besoins d’une filière, d’un industriel. De plus, il est possible, pour un laboratoire, de développer sa propre puce ADN. En effet, un kit Do It Yourself (DIY) est commercialisé. Parmi les axes de recherche, DR Chip Biotechnology investit actuellement dans un portable meter (PDA) dans lequel des puces sont insérées afin de réaliser le diagnostic directement à la ferme.

Le fonctionnement cellulaire fournit des indicateurs précoces de la prévention

Les domaines d’application des puces vont bien au-delà du diagnostic des germes pathogènes. De nombreuses maladies prennent naissance au niveau moléculaire et la nanobiotechnologie fournit de nouveaux moyens d’exploration de ces maladies. En médecine humaine, des puces ont été développées afin de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de désordres dermatologiques tels que le psoriasis. Avec les “puces cancers”, diagnostic, pronostic et réponse thérapeutique sont mieux appréhendés. De même, les processus neurologiques peuvent être investis à l’échelle cellulaire. Il va donc être possible d’établir des diagnostics très en amont de l’expression clinique de la maladie et donc d’organiser plus précocement sa prévention.

En pharmacologie, les puces à ADN peuvent être employées pour comprendre le mode d’action d’un agent pathogène et définir, à terme, un traitement efficace (induction de gènes anti-apoptotiques, inhibition de l’expression de récepteurs aux chemokines, etc.). L’une des applications des puces à ADN en pharmacologie est l’analyse du profil d’expression de gènes sur des mutants de levure pour caractériser les modes d’action d’une drogue (cannabis, par exemple) et définir ainsi sa spécificité.

Les résultats obtenus avec les puces à ADN, comparés à ceux obtenus avec les autres techniques d’analyse du profil d’expression des gènes, montrent une meilleure sensibilité et une meilleure représentativité pour les puces. Les perspectives offertes par cette technologie sont séduisantes. Bien que le coût actuel des puces à ADN, deux fois celui d’une analyse PCR, ne les rende pas immédiatement compétitives, les réalisations déjà commercialisées et les kits comme le DIY leur prédisent un bel avenir.

  • (1) D pour ADN, R pour ARN, chip pour puce.

  • (2) La lamivudine est le premier antiviral à avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché pour l’hépatite B chronique.

  • (3) Les cytokines sont des protéines qui assurent la communication intracellulaire dans différents systèmes biologiques. Elles permettent à l’organisme de moduler la réponse immunitaire lors d’infections. Elles interviennent aussi dans de nombreuses fonctions physiologiques, la gestation, les fonctions testiculaires, le sevrage, etc.

Lexique

• Macro-arrays : on parle de macro-arrays lorsque les sondes ADN sont déposées jusqu’à une densité d’environ 25 fragments ADN par cm2. La principale application est le diagnostic.

• Micro-arrays : les sondes ADN sont déposées à une densité de 1 000 sondes/cm2. Elles sont utilisées pour étudier la mutation d’un gène. Lors de l’étude des effets secondaires des médicaments, une centaine de milliers de sondes sont utilisées.

• Les puces à oligonucléotides : les sondes sont des oligonucléotides, qui sont des courtes séquences de nucléotides (ADN ou ARN) généralement d’une vingtaine de paires de base. Ils sont utilisés pour détecter des ARN ou des ADN complémentaires.

• Les puces à protéines sont très récentes. A la place de séquences d’oligonucléotides, ce sont des séquences d’acides aminés qui sont spottés au fond du puit.

C. B.-C.
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