L’AVENIR DE L’ÉLEVAGE SOUFFRE D’UN MANQUE DE VISIBILITÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1241 du 14/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1241 du 14/10/2006

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Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

L’exercice des praticiens ruraux et hors sol est fragile. En effet, ils sont soumis aux aléas économiques subis par leurs clients éleveurs. Anticiper en proposant de nouveaux services est l’une des stratégies adoptées. L’objectif est de stabiliser l’activité et de faire face à la diminution des productions observée depuis plusieurs années.

Les praticiens qui exercent en productions animales marchent sur des œufs. En effet, leur activité libérale est fortement dépendante de la situation économique de leurs clients, les éleveurs, elle-même imprévisible et fluctuante. « Les éleveurs ont une logique économique qui dépend des cours. Lorsque ces derniers sont bas, ils raisonnent différemment la gestion de leur troupeau, notamment leurs achats de médicaments », témoigne ainsi le responsable marketing d’un laboratoire pharmaceutique vétérinaire.

L’un des facteurs de variation, la demande des consommateurs, est difficile à prévoir et à maîtriser. Les achats peuvent diminuer d’un coup, comme cela a été observé à la suite de la médiatisation de l’épizootie d’influenza aviaire à partir d’octobre 2005. Celle-ci s’est traduite par un recul des achats de volailles estimé à 8 % au quatrième trimestre, alors que sur le cumul des trois premiers, la tendance était légèrement positive. La baisse s’est poursuivie au printemps 2006. La viande bovine a également connu des hauts et des bas, notamment en 2000 et 2001, lors de la deuxième crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). A contrario, à cette époque, la consommation de viande blanche, notamment celle de volaille, a atteint son apogée. Il est difficile de prévoir ce yoyo alimentaire qui peut déstabiliser les marchés, fragiliser l’activité des éleveurs et donc, indirectement, celle des praticiens. Le prix des intrants et la balance commerciale constituent d’autres facteurs de variation.

Proposer des services innovants est l’une des stratégies adoptées

Comment les praticiens libéraux parviennent-ils à s’adapter à ce marché fluctuant ? « En progressant, en nous formant, en recherchant la performance », répond Pascal Anjot, praticien dans le secteur hors sol aux Herbiers (Vendée). « La filière avicole a d’abord connu une baisse des exportations puis une hausse des importations. Depuis, elle subit les conséquences d’une crise de confiance des consommateurs. Cette fragilité de la filière offre deux alternatives au vétérinaire libéral qui travaille dans ce secteur : soit il vit sur son marché, son activité étant ainsi condamnée à baisser lorsque le marché diminue, soit il ne cesse de développer des services innovants de manière à stabiliser son activité », explique notre confrère. Proposer de nouveaux services est donc une piste envisageable. « Lorsque la filière subit une crise, nous devons développer deux fois plus d’efforts pour que notre activité ne baisse pas. Nous cherchons à offrir de plus en plus de services, à rester une force de proposition. »

Pour certaines structures, conjuguer différentes activités est un autre moyen de “limiter la casse” en période de crise d’une des filières animales. « En outre, si l’éleveur acceptait des imperfections dans le service vétérinaire proposé voici quelques années, ce n’est plus le cas aujourd’hui. De plus en plus sévère, l’exploitant sélectionne l’offre la plus pointue et la plus rentable. Nous devons être de plus en plus efficaces sans augmenter les coûts », remarque Pascal Anjot.

La plupart des productions animales observent une diminution

En effet, la situation économique des filières animales n’est pas au beau fixe. Globalement, la plupart des productions baissent.

Durant les dix dernières années, la production française de volailles a ainsi diminué de 17 %. La filière souffre entre autres des accords du GATT(1) qui ont abaissé les restitutions à l’exportation. Auparavant, la France exportait 40 % de sa production de volailles. L’an passé, les exportations ne représentaient plus que 35 % de la production (voir l’article en page 39 et le graphique 1).

Une chute est également notée dans la filière porcine, même si les résultats économiques sont meilleurs cette année que les deux précédentes (voir l’article en page 39 et le graphique 2). D’avril 2005 à mars 2006, la production indigène brute (PIB) est restée quasiment stable par rapport aux douze mois précédents, avec 26 millions de têtes. D’avril 2006 à mars 2007, elle devrait baisser de 1 %, poursuivant la tendance des dernières années. « L’été a été particulièrement positif. Néanmoins, la situation est contrastée selon les élevages. 2005 n’a pas résolu les problèmes de tous les éleveurs », estime Michel Rieu, responsable du pôle économie de l’IFIP-Institut du porc.

Les petits élevages bovins disparaissent au profit d’unités plus importantes

Les effectifs bovins diminuent lentement, mais sûrement depuis plusieurs années. En hausse jusqu’en 1975, le cheptel a amorcé par la suite un mouvement de repli progressif, accentué à partir de la mise en place des quotas laitiers en 1984. En dix ans, de 1983 à 1992, l’effectif des vaches laitières a diminué de 35 %. La baisse s’est ensuite ralentie. A l’inverse, le cheptel de vaches allaitantes a augmenté de 1,3 million de têtes, sans toutefois compenser la diminution du troupeau laitier. Après 2001, le cheptel allaitant a amorcé une baisse.

Cette évolution s’accompagne d’une diminution du nombre d’exploitations et d’un agrandissement des troupeaux. En 2005, un élevage comptait 83 bovins en moyenne au lieu de 38 en 1983. De même, la taille des troupeaux moyens laitiers et allaitants a doublé, passant de 17 vaches laitières en 1983 à 38 en 2005 et de 13 à 29 vaches allaitantes. Les petits élevages disparaissent au profit d’unités plus importantes. Ainsi, en 2005, les exploitations laitières de plus de 30 vaches concentraient plus de 80 % des effectifs de vaches laitières contre 41 % seulement en 1983. De même, les troupeaux allaitants de plus de 30 vaches rassemblaient 75 % des effectifs de vaches nourrices contre 36 % en 1983.

Les praticiens se sont tournés vers la médecine de population

Les éleveurs qui poursuivent leur activité sont désormais plus exigeants en termes de rentabilité et d’approche préventive globale du troupeau. La réforme de la politique agricole commune (PAC) a encore accentué cette évolution. Les praticiens ont amorcé ce virage, en se tournant vers la médecine de population et vers une analyse zootechnique plus poussée des élevages. Les formations dispensées lors des congrès en témoignent.

Les filières animales souffrent d’un manque de visibilité à long terme. Indirectement, cette situation se répercute sur les confrères. Il leur faut rester au plus près des attentes des éleveurs et se remettre en cause perpétuellement. La profession, bon gré mal gré, l’a toujours fait. Mais l’avenir des productions animales, même s’il est trouble, laissera sans aucun doute une place aux praticiens.

  • (1) General Agreement on Tariffs and Trade. Source : Agreste.

  • Source : ministère de l’Agriculture, Bimagri (édition de janvier 2006).

    Voir La Semaine Vétérinaire n° 1210 du 21/1/2006 en page 26.

La France, premier producteur européen

La France a contribué pour 20 % à la production agricole de l’Union européenne en 2004. Elle a produit pour 64 milliards d’euros de biens (produits végétaux et animaux), services et activités secondaires agricoles sur un total européen de 319 milliards. L’Italie prend la deuxième place avec 44,9 milliards d’euros. L’Allemagne et l’Espagne sont aux troisième et quatrième rangs européens. La France est notamment le premier producteur de bovins et de volailles.

L’arrivée de dix nouveaux Etats membres en 2004 a eu un impact assez modéré sur la production agricole européenne. L’année de leur intégration, leur production n’a représenté que 9 % de celle de l’Union à vingt-cinq. La Pologne est de loin le principal producteur.

Jean-Pascal Guillet
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