UN VÉTÉRINAIRE EXPERT PEUT EN CACHER UN AUTRE - La Semaine Vétérinaire n° 1240 du 07/10/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1240 du 07/10/2006

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Auteur(s) : Marine Neveux

Un intérêt marqué pour le droit. Tel est (presque) le seul point commun des vétérinaires experts. En effet, domaines d’intervention (canine, équine, rurale, hors sol), type d’expertise (judiciaire ou non) et choix d’exercice (expertise seule ou combinée avec la pratique) divergent chez les confrères concernés par cette activité, encadrée par le nouveau Code de procédure civile et le Code de déontologie.

Au quotidien, les confrères peuvent être amenés à effectuer une expertise. Elle peut être demandée par les tribunaux (expertises judiciaires) ou par les compagnies d’assurances (expertises d’assurance). Dans la profession vétérinaire, cette activité peut avoir différents profils et elle est totalement hétérogène. Les confrères qui la pratiquent ont des motivations parfois variées. Mais leur engagement témoigne « d’un intérêt marqué pour le droit », souligne Christian Diaz, vétérinaire et maître en droit, qui assure la présidence de l’Association française des vétérinaires experts (AFVE). Certains ont choisi d’en faire une activité à temps plein. Ils sont intégrés dans une société polyvalente (agro-alimentaire, industrielle, etc.). Ils font alors partie d’un groupe d’experts et interviennent majoritairement dans le cadre d’expertises pour des compagnies d’assurances. Mais la plupart cumulent cette activité avec un exercice en clientèle. Tel est le cas de Christian Diaz qui, outre sa fonction au sein de l’AFVE, est praticien à Balma (Haute-Garonne), et de Gabriel Mangematin, prédissent de Vetex et praticien à Montaigu (Vendée). « Je réalise des expertises dans les filières équine, bovine et hors sol. Les dossiers équins représentent près du tiers des cas, car les équidés sont plus souvent à l’origine de litiges », témoigne ce dernier, qui consacre l’équivalent d’un mi-temps à son activité d’expertise. « Celle-ci fonctionne sur le mode du réseau. Ainsi, on ne peut faire d’expertise si l’on est seul et isolé. » Ce que confirme notre confrère Philippe Tartera, responsable du cabinet Vétodit. « L’expertise d’assurance fait de plus en plus appel à des réseaux de vétérinaires, qu’ils soient coordonnés par des structures privées, comme la mienne ou d’autres, ou bien par des structures associatives ou des groupements d’intérêt économique », explique-t-il. Le cabinet de notre confrère gère uniquement des expertises pour les compagnies d’assurances et leur sert de plateforme. « Je fais ainsi appel régulièrement à une centaine de cabinets vétérinaires de terrain dans trente départements. Ma structure réceptionne les demandes, mon rôle étant ensuite de faire réaliser et de coordonner les expertises, même s’il m’arrive d’en réaliser certaines. » « Le travail pour les assurances m’attire, car cela implique une démarche qui consiste à apporter des arguments. L’expertise judiciaire est plus lourde et formelle, poursuit Philippe Tartera. Le corollaire à ce choix est la nécessité d’être disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et tous les jours de l’année. En effet, nous devons être capables de répondre à une urgence. »

Des textes réglementaires récents offrent de nouvelles possibilités aux experts

Les expertises judiciaires s’effectuent dans un contexte précis. Pour devenir expert judiciaire, il convient d’en faire la demande près la Cour d’appel. « Les magistrats évaluent alors les candidatures selon plusieurs critères et également d’après les besoins dans les régions. Certaines sont déjà bien pourvues en experts judiciaires, notamment autour des écoles vétérinaires où le recours aux professeurs est courant », explique ainsi Gabriel Mangematin. Quant à la rémunération, contrairement au secteur privé où la facturation est libre, elle se fonde en général sur des barèmes établis conjointement par la Cour d’appel et les compagnies, même si, dans l’absolu, les juges sont libres. Certains d’entre eux préfèrent que l’activité d’expertise judiciaire soit dissociée de l’expertise privée. « Un expert peut travailler avec une assurance (être mandaté par celle-ci dans les litiges en affaires qui la concernent), ce n’est pas incompatible avec son inscription sur une liste d’experts judiciaires. Les juges n’aiment pas trop ce système, car il peut soulever un problème d’impartialité », explique Fabienne Clément, juge au Tribunal de grande instance de Toulouse. Quoi qu’il en soit, ils sont totalement libres du choix de l’expert, et peuvent se référer ou non à la liste des confrères inscrits auprès de la Cour d’appel. Quant aux confrères, ils ont le droit de refuser une expertise demandée par un juge, mais ils doivent alors justifier de ce refus.

Pour les aider dans leurs missions, les experts bénéficient des nouveautés apportées par l’arrêté du 28 décembre dernier (applicable au 1er mars 2006). Désormais, ils peuvent s’adjoindre un assistant, placé sous leur responsabilité. Ainsi, s’ils s’estiment insuffisamment qualifiés dans un domaine particulier, ils peuvent se faire assister par une personne de leur choix, en l’occurrence plus spécialisée, mais dont les hautes qualités techniques ne sont pas forcément à la hauteur des compétences que requiert la procédure d’expertise.

Le Code de déontologie vétérinaire précise aussi que « le vétérinaire ne doit pas entreprendre ou poursuivre des opérations d’expertise dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose ». Dans ce contexte, « il est possible de s’adjoindre l’expert et le sapiteur que l’on veut, souligne Gabriel Mangematin. Ce dernier a une expertise particulièrement pointue du sujet ».

Le Code de déontologie apporte également des précisions sur l’indépendance du vétérinaire expert. Ainsi, un confrère ne doit pas accepter une mission qui concernerait l’un de ses clients. « Le praticien peut refuser l’expertise s’il connaît la personne concernée ou s’il ne se juge pas suffisamment compétent (en équine, aviaire, etc.). Lorsqu’un praticien refuse une expertise, mon rôle est de trouver un autre relais », témoigne Philippe Tartera.

Par ailleurs, les vétérinaires qui ont un intérêt dans un litige ont l’obligation de fournir aux experts commis par une juridiction tous les renseignements utiles à l’accomplissement de leur mission. Dans ce contexte, les relations entre confrères sont encadrées. « Les vétérinaires qui interviennent sur un animal à l’occasion d’un litige ou d’un sinistre, à la demande d’une compagnie d’assurances, ne peuvent le faire sans avoir prévenu le praticien traitant de la nature de leur mission et des modalités de leur intervention », explique ainsi le Code de déontologie. En outre, tous les ans, les confrères qui réalisent des expertises dans le cadre d’une procédure judiciaire doivent rendre un rapport.

Les domaines d’intervention des vétérinaires experts peuvent être variés : de la canine à la bovine ou à l’équine en passant par les filières. « En matière d’expertise judiciaire, je gère plus fréquemment des domaines autres que la canine, témoigne Christian Diaz. Cela va de la brebis dont on recherche les agneaux à des implications en responsabilité civile. Les procès les plus lourds ont lieu dans le domaine équin. Ils sont parfois menés jusqu’en Cour de cassation étant donné les sommes importantes engagées. A contrario, en canine, les résolutions à l’amiable sont plus fréquentes. » Notre confrère constate également que le développement des assurances juridiques, notamment en équine, pousse les propriétaires à attaquer, même lorsque le litige n’est pas avéré. « L’assistance juridique et l’aide juridictionnelle favorisent les démarches. »

« Les domaines d’intervention sont variés, renchérit Philippe Tartera qui indique traiter environ un bon millier de cas de fulguration ou d’électrocution par an. » Le champ d’intervention de notre confrère couvre notamment tout ce qui est lié aux animaux assurés pour mortalité, maladie, accident ou impotence fonctionnelle (par exemple la stérilité des reproducteurs), les accidents de transport, d’élevage (en industrie aviaire et porcine, cela peut concerner des étouffements, des coups de chaleur, etc.). Les attaques de chiens sur des moutons, les accidents entre bovins, ainsi que toutes les mises en cause de la responsabilité civile professionnelle des vétérinaires, des maréchaux-ferrants, des inséminateurs, des toiletteurs, des responsables de clubs d’animaux, mais aussi d’entreprises (dans un litige portant sur une livraison d’aliments, par exemple) sont autant de sources d’intervention des vétérinaires experts. Philippe Tartera cite aussi l’exemple récent d’un veau infecté permanent immunotolérant (IPI) qui a contaminé le cheptel auquel il appartenait par la diarrhée virale bovine (BVD). « En canine, nous sommes confrontés à des expertises qui vont du défaut d’information et de conseil aux accidents d’automobile, entre chiens, etc. », poursuit Philippe Tartera. Et si notre confrère ne rencontre pas de problèmes pour trouver des vétérinaires experts dans ces cas, il n’en est pas toujours de même dans le domaine rural, sources de nombreuses expertises au sein de sa structure. « Dans certaines régions où il y a peu d’élevages et peu de cliniques vétérinaires qui suivent des élevages, une fois que l’on soustrait le praticien traitant, nous avons parfois des difficultés à trouver un autre confrère. » Ce choix est encore plus restreint dans certains domaines ciblés, par exemple dans le secteur équin.

Les évolutions législatives récentes

• Le statut d’expert n’est plus attribué à vie depuis la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 (décret d’application du 23 décembre 2004). La réinscription de l’expert n’est en effet pas automatique et elle est effectuée après un avis motivé d’une commission qui comprend des magistrats et des représentants des experts. L’expérience et la connaissance des procédures sont évaluées chez l’expert. Ce dernier demande donc la reconduction de son statut tous les cinq ans. Les experts de la Cour de cassation sont reconduits pour sept ans.

En outre, l’inscription initiale s’effectue à titre probatoire pour une période de deux ans. A l’issue de cette durée, il peut être réinscrit pour cinq ans.

• La possibilité d’être assisté est définie depuis le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 (article 39 paru au Journal officiel du 29 décembre 2005 et entré en vigueur le 1er mars 2006). Ce décret modifie le Code de procédure civile et l’article 278-1 stipule que « l’expert peut se faire assister dans l’accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité ».

Marine Neveux
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