La toxicité de la chimiothérapie est moindre chez les carnivores - La Semaine Vétérinaire n° 1238 du 23/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1238 du 23/09/2006

Cancérologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Laurent Masson

La prise en charge de l’animal cancéreux ne se limite plus à un diagnostic suivi d’une opération. Après un bilan d’extension, une thérapie adjuvante est instaurée.

La chimiothérapie est un acte valorisant, réalisable en clientèle, qui ne nécessite pas d’investissement lourd comme la radiothérapie. Le praticien doit souvent commencer par convaincre le client de l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante. Les réticences des propriétaires sont nombreuses. Ils craignent les répercussions du traitement sur la santé de leur animal, d’autant plus lorsque celui-ci s’est bien remis de l’intervention chirurgicale. De plus, ils connaissent parfois des personnes ayant subi ce genre de traitement dans leur entourage. Il convient alors d’insister sur la gravité de la maladie en s’appuyant sur les résultats histologiques et sur des courbes explicatives (voir graphique page 39).

Une fois la suspicion de tumeur confirmée, la réalisation d’un bilan d’extension complet est nécessaire. En effet, proposer une chimiothérapie chez un animal condamné à court terme discrédite l’intérêt de ce genre de traitement. En outre, la découverte de nouveaux marqueurs de chimiosensibilité devrait faciliter la prise de décision. Encore expérimentaux, ces marqueurs de prolifération indiquent le degré d’agressivité de la tumeur et donc, indirectement, leur sensibilité aux traitements anticancéreux.

Le but de la chimiothérapie est de détruire un maximum de cellules cancéreuses et un minimum de cellules saines. Le traitement doit en effet avant tout améliorer la qualité de vie de l’animal, et non la dégrader.

Le protocole associe des drogues qui n’interagissent pas négativement entre elles.

La connaissance des caractéristiques des molécules est primordiale

L’intérêt des protocoles et, surtout, le principe de leur utilisation doivent être connus. Certaines drogues sont “phase-dépendantes” et d’autres “cycle-dépendantes”. L’efficacité des premières est liée à la durée d’administration (intervalles courts ou perfusion continue, de façon à “trouver” la cellule cancéreuse dans sa phase sensible), contrairement aux secondes qui sont utilisées à fortes doses et à un intervalle long (efficacité liée à leur taux sérique). Le rythme et la posologie de la chimiothérapie doivent ensuite être adaptés afin que la destruction de cellules tumorales soit plus rapide que leur formation et ainsi rester en stade de rémission. La chimiothérapie à base “d’endoxan-smarties”, selon l’expression de notre confrère Patrick Devauchelle, est dangereuse. En effet, la facilité de sa prise orale peut conduire certains à l’utiliser à petites doses plus fréquentes, or ce schéma thérapeutique conserve sa toxicité sans effet anticancéreux. L’administration continue à faible dose conduit à une aplasie médullaire complète par l’absence de phase de récupération.

La toxicité de la chimiothérapie est moindre chez les carnivores domestiques

Les conséquences du traitement et la nécessité d’une surveillance clinique sont expliquées au propriétaire. S’il est averti, il acceptera plus facilement les effets secondaires du traitement et le coût du suivi biologique. De plus, il convient de préciser que la toxicité de la chimiothérapie est beaucoup moins importante chez les carnivores domestiques que chez l’homme (5 à 40 % contre 75 à 100 %). La toxicité se décompose en une toxicité non spécifique sur les cellules des tissus à renouvellement rapide (tissu hématopoïétique, gastro-intestinal et cutané), un syndrome de lyse tumorale aiguë et une toxicité spécifique.

La toxicité hématologique est maximale cinq à quinze jours après la chimiothérapie, selon la molécule utilisée.

Une numération-formule sanguine (NFS) est nécessaire avant la séance suivante. Le potentiel toxique est important avec le cyclophosphamide et l’adriamycine. En cas de neutropénie inférieure à 2 000 polynucléaires neutrophiles/mm3 (risque septique), de thrombopénie inférieure à 50 000 plaquettes/mm3 (risque d’hémorragie) ou d’hémoglobinémie inférieure à 6 g/dl (risque vital), la séance est reportée d’une semaine. La toxicité gastro-intestinale est surtout rencontrée avec le cyclophosphamide, l’adriamycine et le cisplatine. L’anorexie, plus fréquente chez le chat que chez le chien, conduit souvent le praticien à avoir recours à la nutrition entérale. L’alopécie est totalement réversible à l’arrêt du traitement. Les chiens à pelage laineux (caniche, bobtail) sont plus touchés. La chute de poils est généralement progressive avec le cyclophosphamide et la vincristine, mais peut être importante et brutale dès la première injection d’adriamycine.

Le syndrome de lyse tumorale aiguë (SLTA) est rare chez les carnivores domestiques. Il est particulièrement à redouter dans le cas d’une tumeur volumineuse et très chimiosensible, comme des lymphosarcomes multicentriques volumineux ou des leucémies aiguës lymphoblastiques. Le SLTA se manifeste dans les vingt-quatre heures qui suivent la chimiothérapie et doit donc être anticipé, car sa survenue nécessite une prise en charge immédiate. La toxicité spécifique des agents anticancéreux est liée à des particularités métaboliques et/ou pharmacocinétiques d’une molécule (voir tableau). Il convient d’adapter le protocole afin de limiter les risques d’effets secondaires.

Le choix du protocole est important. La chimiothérapie peut être première ou adjuvante (à la suite d’une chirurgie) et curative (rémission supérieure à deux ans) ou palliative (mortalité à court terme, comme dans les cas d’hémangiosarcomes spléniques, d’ostéosarcomes ou encore d’adénocarcinomes qui ont métastasé).

Lors de lymphome, la polychimiothérapie permet d’améliorer la réponse anticancéreuse

Les effets indésirables sont minimisés. Comme la maladie systémique ne permet pas de chirurgie cytoréductrice, le protocole débute par une phase d’induction, assez lourde. Classiquement, le protocole retenu associe le cyclophosphamide, la vincristine (Oncovin®), la prednisone, la L-asparaginase et l’adriblastine (COPLA). Ici, les corticoïdes présentent un rôle anti-inflammatoire, mais surtout une fonction de régulateur de la croissance des lymphocytes. La dose minimale efficace est recherchée en raison des effets secondaires. La phase de rémission est généralement atteinte dès la deuxième semaine. En cas de troubles digestifs ou lors de mauvais résultats à la NFS, les séances sont décalées. Après un mois d’induction, un bilan général est effectué. Les propriétaires sont questionnés sur l’état de santé de leur animal : est-il en rémission, souffre-t-il de troubles digestifs, hématologiques ou autres ? Les nœuds lymphatiques sont palpés. Le propriétaire est sensibilisé à l’affection, aux possibilités d’espacer les séances sans toutefois les arrêter.

En cas de rechute, il est nécessaire d’induire de nouveau. Généralement, le principal reproche fait par les propriétaires lors du décès de leur animal suivi pour un lymphome multicentrique n’est pas le coût total du traitement, mais le temps passé pour les soins.

Une chimiothérapie adjuvante est conseillée selon le grade de la tumeur mammaire

Les statistiques sur le gain d’espérance de vie apporté par les protocoles chimiothérapiques lors de tumeur mammaire font défaut. Néanmoins, des études ont comparé les taux de survie selon le grade histologique sans le traitement adjuvant. Ainsi, au cours de la consultation, notre consœur Cécile Soyer indique au propriétaire son ignorance sur le gain d’espérance de vie de son animal grâce au traitement adjuvant, mais insiste sur le taux de survie de 50 % à deux ans pour un grade II et de 20 % pour un grade III si rien n’est fait.

Une tumeur très agressive a plus de chances d’être chimiosensible, car elle est constituée de nombreuses cellules en phase proliférante. Il faut cependant nuancer en rappelant qu’une tumeur de grade III aura tendance à récidiver, malgré la chimiothérapie, plus souvent qu’une tumeur de grade II.

Ainsi le groupe d’étude en oncologie (GEO) de l’Afvac recommande la mise en œuvre d’une thérapie adjuvante chez les chiennes qui présentent un carcinome canalaire de grade II ou III avec ou sans embole, un adénocarcinome de grade II avec embole, ainsi qu’un adénocarcinome de grade III avec ou sans embole.

L’incidence de la stérilisation sur l’apparition des tumeurs mammaires est bien connue. En effet, une chienne non stérilisée présente un risque de développer des tumeurs mammaires sept fois supérieur à une chienne stérilisée. Le risque est estimé à 0,5 % lorsque la stérilisation est effectuée avant les premières chaleurs, à 8 % entre le premier et le deuxième œstrus, à 26 % après les deuxièmes chaleurs, puis augmente à chaque cycle. Stériliser une chienne au-delà du second œstrus ne permet plus de diminuer le risque d’apparition des tumeurs mammaires. Au mieux, cela limite l’apparition de tumeurs hormonodépendantes, donc bien différenciées et souvent bénignes. Chez la chatte, le risque de tumeur mammaire diminue de 91 % si l’ovariectomie est effectuée avant l’âge de six mois. Toutefois, aucune étude épidémiologique ne permet d’affirmer le rôle préventif sur le risque de récidive de la stérilisation chez une chienne qui présente une tumeur mammaire. En théorie, l’intervention ne pourrait avoir un effet que sur l’apparition de tumeur hormonodépendante, souvent de bas grade. Seule la mise en évidence de marqueurs connus pourrait en prédire les effets. L’adriblastine était la molécule la plus utilisée lors de tumeur mammaire et même en chimiothérapie anticancéreuse vétérinaire au sens large. Mais depuis cette année, l’approvisionnement n’est plus légalement autorisé. Sa détention et son importation sont même passibles d’une condamnation pénale pour le vétérinaire. La doxorubicine est réservée, depuis janvier dernier, à l’usage hospitalier. De même pour la carboplatine et la cisplatine : seuls les centres de cancérologie y ont accès. Les autres molécules comme la L-asparaginase, la vincristine, la vinblastine et le cyclophosphamide sont encore accessibles en pharmacie sur simple ordonnance. Pour se procurer la lomustine, il faut contacter directement le laboratoire.

Espérons que par la volonté et la responsabilisation de tous, la chimiothérapie vétérinaire retrouvera l’arsenal thérapeutique qu’elle mérite et dont elle a besoin.

CONFÉRENCIERS

Article réalisé d’après les conférences de Patrick Devauchelle, Cécile Soyer et Claude Muller-Fleurisson, présentées lors d’une journée organisée par le groupement d’étude en oncologie (GGO) de l’Afvac, en mai 2006.

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