Confinement des volailles de plein air : bis repetita ?

En cette période de migrations automnales, la Belgique a décidé, le 11 septembre dernier, de renforcer ses mesures de protection des volailles de plein air contre la grippe aviaire. Ainsi, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) demande aux particuliers et aux professionnels situés dans les zones sensibles naturelles (surtout localisées en Flandres, et dans une moindre mesure, dans les provinces de Liège, de Namur et du Hainaut) de mettre en œuvre les moyens nécessaires afin d’éviter tout contact entre les volailles d’élevage et les oiseaux sauvages. Des filets avec des mailles de 10 cm au maximum peuvent être utilisés à cet effet (protection jugée apparemment suffisante par nos voisins…) si le confinement dans les bâtiments n’est pas possible. Une autre mesure s’applique à tout le pays. Elle consiste à assurer l’abreuvement et le nourrissage des volatiles à l’intérieur des bâtiments. Ces dispositions seront en vigueur jusqu’au 31 octobre prochain, mais « la période de migration étant variable, la date limite pourrait éventuellement être modifiée ultérieurement », précise l’Afsca.

Le rôle des oiseaux migrateurs divise, mais la vigilance reste de mise

Le rôle des oiseaux migrateurs dans la propagation du virus H5N1 HP de l’influenza aviaire divise encore les scientifiques. S’ils semblent bien être à l’origine de l’introduction du virus en Russie en août 2005 (depuis l’Asie du sud), leur implication dans la dissémination de la maladie dans plusieurs pays d’Afrique en février dernier n’est pas prouvée. Les experts pointent plutôt du doigt le commerce illicite de volailles dans cette région du monde. Quant aux contaminations d’oiseaux sauvages constatées dans plusieurs Etats européens l’hiver dernier⁽¹⁾ (des cygnes pour la plupart), elles auraient pour origine des oiseaux sauvages ayant fui les pays d’Europe orientale vers ceux de l’ouest en raison de températures bien plus basses qu’à l’accoutumée.

Par ailleurs, le retour des oiseaux migrateurs d’Afrique n’a pas causé la contamination tant redoutée des territoires du vieux continent au printemps.

Les autorités ministérielles suivront-elles l’avis de l’Afssa ?

La prévention prime, comme le montrent les nouvelles mesures mises en œuvre en Belgique. Pour sa part, que va décider le gouvernement français dans ce contexte de migrations automnales ? « L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a été sollicitée cet été pour donner son avis sur les risques encourus par les volailles domestiques vis-à-vis du H5N1 HP à l’automne, lors des migrations saisonnières des oiseaux sauvages. Un possible reconfinement n’est pas exclu », déclarait Dominique Bussereau, ministre de l’Agriculture, lors d’un colloque sur la grippe aviaire organisé en juin dernier à Paris. Selon nos sources, cet avis est finalisé et a été transmis au ministère. Ses principales conclusions indiqueraient que « dans l’immédiat, l’Afssa ne recommande pas la claustration des volailles, les risques d’introduction du virus H5N1 HP dans l’Hexagone étant évalués graduellement selon les événements dans les pays voisins ». Les autorités suivront-elles l’avis de l’Afssa ? Concernant la levée du confinement demandée par plusieurs syndicats agricoles en avril, le ministère de l’Agriculture déclarait, le 5 mai dernier, attendre l’avis de l’Agence, avant d’ajuster « comme cela a toujours été le cas, le dispositif de précaution sur la base de cette évaluation ». Le passé démontre toutefois que le ministère ne suit pas toujours, contrairement à ce qu’il prétend, l’avis des experts. Ainsi, en octobre dernier, la Turquie et la Roumanie ont annoncé la présence du virus sur leur territoire. L’Afssa a alors été saisie par le gouvernement pour évaluer la situation et élaborer des recommandations face à ces nouveaux événements. Dans un avis rendu le 21 octobre, elle indiquait : « La claustration des volailles de plein air n’est pas conseillée pour l’instant. » Pourtant, trois jours plus tard, un arrêté ministériel ordonnait leur confinement dans vingt et un départements, le dispositif étant étendu à cinquante-huit départements le 16 janvier 2006 (puis généralisé à l’ensemble du territoire en février). Dans un avis daté du 18 janvier, l’Afssa estimait que cette mesure de confinement était alors injustifiée. Le mois suivant, des oiseaux sauvages (principalement des cygnes) porteurs du virus ont été retrouvés morts en Italie, en Grèce et en Slovénie. Ce n’est qu’à ce moment-là, le 14 février, qu’elle a recommandé la claustration des volailles et la vaccination de certaines d’entre elles.

• (1) Dont la France, où le premier oiseau sauvage porteur du virus a été découvert à Joyeux (Ain), le 13 février 2006. Un foyer a également été confirmé dans un élevage domestique de dindes à Versailleux le 24 février. L’introduction faisait probablement suite à des mouvements de personnes ou de matériel contaminé.