La lomustine, un nouvel espoir pour traiter le mycosis fongoïde - La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006

Dermatologie canine

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : William Bordeau

Fonctions : consultant exclusif en dermatologie à la clinique vétérinaire de Château-Gaillard (Maisons-Alfort, Val-de-Marne).

Les lymphomes cutanés sont des proliférations néoplasiques malignes des cellules lymphoïdes. Ils représentent près de 2 % des tumeurs cutanées et 3 à 8 % des lymphomes.

Chez le chien, le lymphome cutané le plus fréquent est le mycosis fongoïde. Il s’agit d’un lymphome cutané épithéliotrope à lymphocytes T, relativement rare et de mauvais pronostic. En effet, de l’apparition des premiers symptômes au diagnostic histologique (biopsies cutanées), sept à huit mois s’écoulent, suivis de six à sept mois supplémentaires entre ce dernier et la mort de l’animal. Ce lymphome affecte des chiens âgés de neuf à douze ans en moyenne, essentiellement de race cocker, boxer ou setter. Particulièrement pléomorphe, une dermatose érythémato-squameuse, des ulcères, une dépigmentation, ou encore des plaques infiltrées en coulée de lave ou des nodules peuvent être observés. L’affection étant plus ou plus ou moins prurigineuse, le diagnostic différentiel doit être fait avec la dermatite atopique. En dehors de la peau, il est également possible d’observer des lésions des muqueuses, avec notamment des érosions et des ulcères. Dans la gueule, une gingivite proliférative et nodulaire peut être notée. Après la localisation cutanée, cette néoplasie peut atteindre les nœuds lymphatiques, la rate, le foie ou encore la moelle osseuse et entraîner alors l’apparition de symptômes généraux.

Différentes options thérapeutiques sont actuellement disponibles. Les traitements locaux sont intéressants lors de lésions localisées. Cependant, le diagnostic, souvent trop tardif, à un stade multicentrique, ne permet pas toujours la mise en place de tels traitements. Lors de lésion unique, une exérèse peut être recommandée. Un bilan d’extension régional et général est alors indispensable avant l’intervention. Un traitement adjuvant est associé à la chirurgie sous peine de voir apparaître une récidive à plus ou moins long terme.

Contrairement à la médecine humaine, les traitements topiques sont d’un intérêt relativement limité dans le traitement du mycosis fongoïde canin. En effet, outre le fait que les animaux sont souvent présentés à un stade multicentrique du mycosis fongoïde, leur manipulation n’est généralement pas dénuée de risque pour le manipulateur ou même l’animal, et le chien peut potentiellement se lécher.

La moutarde azotée, longtemps considérée comme l’un des traitements topiques de choix, aussi bien chez l’homme que chez le chien, ne doit plus être utilisée. En effet, il s’agit d’une molécule carcinogène qui, de plus, entraîne régulièrement une dermatite de contact chez le chien ou son propriétaire. La carmustine (BICNU®), une autre nitrosourée employée en topique, mérite d’être essayée. Chez l’homme, la réponse au traitement est identique à celle observée avec la moutarde azotée, mais avec beaucoup moins d’effets secondaires. Cette molécule est cependant coûteuse et réservée à l’usage hospitalier.

Les rétinoïdes en topique sont parfois utilisés. En médecine humaine, le bexarotène gel à 1 % est employé avec de bons résultats dans 40 à 60 % des cas lors de mycosis fongoïde débutant. Une irritation cutanée modérée est toutefois observée chez 70 % des patients. Cette formulation, non disponible en France, n’a fait l’objet d’aucune étude chez le chien. Chez celui-ci, seule la trétinoïne en topique à 0,1 % (Locacid®) a été employée avec un résultat anecdotique. En dehors de leur coût prohibitif, la toxicité potentielle de ces molécules pour les propriétaires n’est pas à négliger.

La photothérapie à UVA, employée avec succès en médecine humaine (75 % de rémission complète, 95 % d’améliorations notables lors de mycosis fongoïde débutant), n’a pas été étudiée chez le chien. Les premiers essais obtenus avec la radiothérapie par électronthérapie ont donné des résultats assez mitigés chez l’animal, contrairement à ceux, satisfaisants, obtenus en médecine humaine.

Dans la majorité des cas, un traitement systémique doit être instauré

Les traitements topiques, la radiothérapie et la photothérapie ont un intérêt limité chez le chien et le recours aux traitements systémiques est souvent nécessaire. Une mono-chimiothérapie peut être instaurée. Dans ce cadre, la molécule la plus souvent citée actuellement est la lomustine (Bélustine®). Son intérêt réside dans son efficacité, sa bonne biodisponibilité par voie orale, sa toxicité modérée et son faible coût. Une numération-formule ainsi qu’une analyse biochimique doivent être réalisées avant la prise de lomustine et sept jours après. Une myélosuppression avec l’apparition d’une leucopénie et d’une thrombocytopénie, ainsi qu’une toxicité hépatique sont possibles. Une étude pilote menée en 1999 a consisté à traiter sept chiens avec cette molécule à la dose de 50 mg/m2 toutes les trois semaines. Cinq d’entre eux avaient un mycosis fongoïde, et les deux autres un lymphome cutané non épithéliotrope. Tous les chiens ont présenté une rémission complète en deux à quinze mois. Celle-ci a été toutefois plus longue chez les chiens qui souffraient d’un mycosis fongoïde. Devant ces résultats encourageants, deux études incluant quatre-vingt-deux chiens atteints de mycosis fongoïde ont été effectuées. La lomustine a été employée par voie orale à la dose de 60 à 70 mg/m2 toutes les trois semaines, et une réponse notable a été observée dans près de 80 % des cas, avec une rémission complète chez un chien sur quatre environ. Toutefois, une myélosuppression a été constatée dans près d’un tiers des cas, ainsi qu’une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques chez la moitié des chiens. Une étude réalisée chez quatorze chiens a permis d’obtenir une bonne réponse dans près de la moitié des cas. Les animaux ont vécu de cinq à dix-sept mois, avec une moyenne d’onze mois.

L’isotrétinoïne (Roaccutane®) est employée à la dose de 2 à 4 mg/kg/j en une à deux prises quotidiennes, ou l’acitrétine (Soriatane®) à la dose de 2 mg/kg/j en deux prises quotidiennes. Les meilleurs résultats sont observés lors de forme érythémato-squameuse. Les premiers effets cliniques, parfois longs à obtenir, s’observent au bout de quelques semaines à quelques mois. De plus, ces molécules onéreuses et non dénuées de toxicité peuvent notamment entraîner une kérato-conjonctivite sèche, des troubles digestifs et une hépatotoxicité. Un bilan biochimique et un test de Schirmer doivent donc être régulièrement effectués. En médecine humaine, le bexarotène (Targretin®) possède une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement des manifestations cutanées des lymphomes cutanés T épidermotropes, à un stade avancé et réfractaire. Il entraîne une amélioration notable dans un cas sur deux, et une rémission complète dans près de 20 % des cas. Cette molécule n’a pas été expérimentée chez le chien et n’est disponible que dans les hôpitaux.

Une étude intéressante rapporte une rémission clinique chez sept chiens sur dix traités par de fortes doses d’acides gras essentiels. Ces résultats n’ont toutefois jamais été confortés par d’autres travaux. La cyclosporine est inefficace. Par ailleurs, les résultats obtenus avec des molécules comme l’interféron alpha ou la dacarbazine sont anecdotiques.

La polychimiothérapie n’apporterait pas d’efficacité supplémentaire

Des protocoles dérivés de ceux utilisés lors de lymphome ganglionnaire sont employés, avec des molécules comme la prednisolone, la L-asparaginase, la cyclophosphamide, le méthotrexate, l’adriamycine ou encore le chlorambucil. Les résultats semblent toutefois moins bons que ceux obtenus lors du traitement du lymphome ganglionnaire.

D’autres protocoles emploient la lomustine, la prednisolone et la L-asparaginase. Les premiers résultats, prometteurs, méritent d’être confirmés.

Ces dernières années, l’avancée incontestable dans le traitement du mycosis fongoïde a permis d’en améliorer le pronostic. Les différents traitements actuels employés avec succès en médecine humaine pourraient encore faire évoluer les choses. Toutefois, le point essentiel pour observer la meilleure réponse thérapeutique réside encore dans la précocité du diagnostic.

POUR EN SAVOIR PLUS

• L.P. de Lorimier : « Updates on the management of canine epitheliotropic cutaneous T-cell lymphoma », Vet. Clinics N. Amer.-Small Anim. Pract., 2006, vol. 36, n° 1, pp. 213-228.

• Williams et coll. : « CCNU in the treatment of canine epitheliotropic lymphoma », J. Vet. Intern. Med., 2006, n° 20, pp. 136-143.

• O. Kristal et coll. : « Hepatotoxicity associated with CCNU (lomustine) chemotherapy in dogs », J. Vet. Intern. Med., n° 18, pp. 75-80.

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