La Cour de cassation n’accepte pas la prescription-délivrance sans examen clinique - La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006

Jurisprudence. Une seule visite annuelle est « insuffisante »

Actualité

Auteur(s) : Eric Vandaële

La parution du décret prescription-délivrance est de plus en plus urgente, mais pas encore imminente.

Aucune disposition ne prévoit qu’une visite annuelle serait suffisante en matière de surveillance sanitaire pour la prescription de médicaments soumis à ordonnance. » C’est notamment en ces termes que, le 13 juin dernier, la Cour de cassation a rejeté la relaxe de deux vétérinaires libéraux associés dans les Vosges qui prescrivaient et délivraient des médicaments à des éleveurs sans examen clinique des animaux. La Cour d’appel de Douai, qui avait relaxé les deux prévenus le 11 octobre 2005, devra donc réviser son jugement, et sera probablement amenée à les condamner.

Une prescription ne peut pas reposer sur les seuls commémoratifs

En 2005, la Cour d’appel de Douai estimait, en effet, que nos confrères n’étaient pas en infraction en prescrivant, sans examen clinique, des médicaments « préventifs » à des animaux dont ils connaissaient l’exploitation en la visitant « au moins une fois par an ». Paradoxe, les deux prévenus, poursuivis par l’Ordre des vétérinaires et le syndicat des vétérinaires libéraux, appuyaient leur défense sur le nouveau Code de déontologie qui précise que « toute prescription doit être effectuée après un diagnostic » et que ce dernier nécessite, dans tous les cas, de « rassembler les commémoratifs et de procéder aux examens indispensables ». Pour leur défense, les vétérinaires soulignaient donc que leurs ordonnances étaient rédigées après un diagnostic fondé sur les commémoratifs.

La Cour de Cassation a réfuté, point par point, cet argumentaire, faisant une lecture rigoureuse de la loi, sans interprétation aucune.

Aucune distinction légale n’existe, pour le moment, entre les médicaments préventifs et curatifs qui nécessitent tous une prescription dans le Code de la santé publique. « La délivrance de médicaments curatifs et préventifs est toujours subordonnée à l’examen préalable de l’animal », indique la Cour de cassation, comme le précise l’article R. 5132-3. Il n’y a pas de dispositif allégé pour les médicaments préventifs. En outre, la Cour de cassation rapporte que, selon d’autres confrères, « presque tous les médicaments livrés par les prévenus » étaient à visée curative et non préventive.

Les seuls commémoratifs sont insuffisants pour établir un diagnostic. Pour la Cour de cassation, « le vétérinaire, qui exerce une surveillance sanitaire dans l’élevage, ne peut établir un diagnostic sans avoir préalablement procédé aux examens indispensables » (en plus du recueil des commémoratifs). Le Code de déontologie « n’autorise pas les praticiens à prescrire des médicaments sans examen préalable », comme l’impose encore aujourd’hui le Code de la santé publique.

Le suivi régulier de l’élevage ne préjuge pas de celui des animaux

La visite annuelle de l’élevage est insuffisante pour justifier d’un suivi régulier des animaux, selon la Cour de cassation. « Si, de par la nature des élevages, les animaux étaient remplacés au bout de moins d’une année, une seule visite par an serait insuffisante. » Cette jurisprudence laisse donc entendre que pour des élevages dont les animaux sont commercialisés ou abattus moins d’un an après y être entrés, il serait nécessaire, au moins en l’état actuel de la législation, que le suivi régulier comprenne au moins une visite vétérinaire de chaque lot d’animaux… préalablement à toute vente de médicament.

Il est évident que cette lecture orthodoxe de la loi sur la pharmacie vétérinaire par la Cour de cassation, pourrait amener tous les vétérinaires à être condamnés, qu’ils soient ou non considérés comme des affairistes par leurs confrères, et quelle que soit leur activité, canine, rurale ou dans les autres filières animales.

Le projet de décret prescription-délivrance devient une « urgence »

Cet arrêt de la Cour de cassation met donc en évidence la nécessité de la publication urgente du projet de décret prescription-délivrance visant à encadrer la prescription « hors examen clinique ». Toutefois, cette parution est encore loin d’être imminente. Les négociations sur le projet de décret s’éternisaient avec les différents lobbies depuis 2002. Si elles ont été closes d’autorité par le gouvernement qui a accepté d’y inclure aussi des dispositions encadrant le colisage, elles se poursuivent encore sur les arrêtés d’application qui doivent justement préciser la notion de suivi régulier, le nombre maximal d’exploitations ou d’animaux suivis par le vétérinaire, le contenu précis de la visite annuelle de bilan sanitaire de l’élevage, etc.

Le Conseil d’Etat ne devrait se prononcer sur le projet de décret qu’une fois que les projets d’arrêtés lui auront été transmis. Enfin, un avis critique du Conseil d’Etat retarderait encore probablement sa parution…

La loi, toute la loi, mais rien que la loi

Le dispositif en vigueur sur la prescription-délivrance prévu au Code de la santé publique (CSP) et au Code rural (Code de déontologie) est le suivant :

• CSP, article L. 5143-2 : « Seuls peuvent […] délivrer au détail les médicaments vétérinaires […], les pharmaciens […] et, sans tenir officine ouverte, les vétérinaires lorsqu’il s’agit des animaux […] dont la surveillance sanitaire et les soins leur sont régulièrement confiés. »

• CSP, article R. 5132-3 : « La prescription de médicaments [humains ou vétérinaires contenant des substances vénéneuses] est rédigée, après examen du malade, sur une ordonnance […]. »

• CD, article R. 242-44 : « Toute prescription de médicaments [dont l’ordonnance est obligatoire] doit être effectuée après établissement d’un diagnostic […]. »

• CD, article R. 242-43 : « […] Dans tous les cas, il est interdit au vétérinaire d’établir un diagnostic vétérinaire sans avoir au préalable procédé au rassemblement des commémoratifs nécessaires et sans avoir procédé aux examens indispensables. »

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