Jusqu’à quel niveau de risque le consommateur peut-il être tenu à l’écart ?

Communiquer sur les risques est un risque. Pardon pour le jeu de mots, mais c’est ce qui se produit actuellement dans le cadre de la crise de la grippe aviaire. Des polémiques enflammées ont rempli les pages de nos journaux et animé nos soirées télévisées, surtout quand la nouveauté de l’argument en faisait un bon moteur d’audience, mais aussi après, lorsque d’épaisses spirales de fumée s’élevaient des ruines d’une filière avicole dévastée. Il est possible de tracer une carte des responsabilités attribuables à chacun des acteurs de cette représentation.

De nombreux intérêts, souvent opposés, sont en jeu et se trouvent superposés lors d’une telle crise, puisque les intervenants sont des groupes de pression importants : consommateurs, éleveurs et toute la filière, gouvernements, médias et organismes de contrôle, sans oublier les industries pharmaceutiques, leurs actionnaires et la bourse. La mixture est explosive, instable, car les forces contraires en présence sont puissantes. Le consommateur voudrait être informé de tout, tout de suite, et prétend n’acheter que des produits qui garantissent un niveau sanitaire élevé et sans risque. Pourtant, il est souvent maintenu dans l’ignorance par des informations vagues et alarmistes, des étiquettes peu claires et des publicités dithyrambiques. Aucune connaissance ne lui est fournie sur la filière et ses catégories professionnelles.

Les éleveurs, pour leur part, ne sont pas désireux de transmettre des informations en temps réel, puisqu’ils savent que le destinataire (le consommateur) est anxieux et capable de réactions dévastatrices. Les gouvernements, eux, confrontés à des cas humains et des morts, doivent faire face au regard de l’opinion publique. Et les premiers à les crucifier seraient les médias qui se jettent sur n’importe quelle information à condition qu’elle maintienne l’audience à son maximum, augmente les tirages et soit capable de marquer l’imaginaire collectif, sans tenir compte des conséquences générales produites. Quant aux organismes de contrôle, chargés du monitorage et du retour scientifique, ils sont souvent absents du paysage médiatique, en général sursaturé de cygnes malades depuis des semaines ou de la même vache atteinte d’ESB depuis des années.

Enfin, les profits économiques engrangés par quelques laboratoires pharmaceutiques qui surfent sur les peurs des consommateurs ainsi que les stocks réalisés par les pays riches et par les spéculateurs finissent de dresser le tableau d’une crise annoncée.

Certains, durant la crise, se sont enrichis, mais le problème est autre : quels paramètres doivent donner l’alerte et jusqu’à quel niveau de risque le consommateur peut-il être tenu à l’écart ? Le jour où un gouvernement, une institution nationale ou communautaire réussira à répondre à cette question, un pas en avant en faveur du consommateur aura été franchi.