Depuis plusieurs années, les expertises scientifiques ne cessent de se multiplier - La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006

La scientificité, caution ou réelle aide à la décision ?

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Auteur(s) : Nathalie Devos

Peu à peu, la notion de précaution a connu une forme d’incarnation institutionnelle via différentes agences.

La “visibilité” actuelle de l’expertise (produire un avis de spécialiste en amont de la décision publique) s’est affirmée en France à partir des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, à l’issue des crises sanitaires comme celles du sang contaminé et de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) et des fortes contestations sociales sur les choix technologiques opérés par l’Etat. En réponse à l’inquiétude de l’opinion publique, la France a intériorisé et progressivement formalisé un concept, « le principe de précaution ». Peu à peu, la notion a connu une forme d’incarnation institutionnelle par la création successive d’agences indépendantes, destinées à cadrer les risques et à garantir l’indépendance et la collégialité des avis (voir encadré). En outre, leur revenait la tâche de séparer l’évaluation du risque, qui relève du scientifique, de la gestion, qui est l’affaire du politique.

Ces agences se voient régulièrement saisies par les autorités gouvernementales pour recueillir les avis d’experts. Par exemple, d’août 2005 à juin 2006, une vingtaine d’avis ont été publiés par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) à propos du risque “grippe aviaire”. Cette montée en force des avis émis par les différentes agences est également due à la “judiciarisation” de la société en quête de responsables. Tout un chacun peut désormais faire l’objet de plaintes et de procès. Leur possible mise en accusation incite les décideurs à la prudence et les amène à revendiquer la scientificité de l’expertise comme caution de vérité et modèle de rationalité.

Se fier uniquement à l’expertise n’empêche-t-il pas un débat plus large ?

Cette inflation d’expertises ne fait cependant pas l’unanimité. Certains spécialistes dénoncent en effet une “banalisation” du recours à l’expertise qui aboutirait à mettre en doute sa fonction(1). « Ne s’agirait-il pas de fermer ainsi l’accès à la concertation générale et de clore le débat ? », s’interrogent plusieurs d’entre eux.

D’autres dénoncent la possibilité d’orienter l’expertise. L’expert ne fait en effet que répondre à des questions et la manière dont elles sont posées oriente considérablement la réponse et l’opinion qui va s’en dégager. Georges Boris(2) l’illustre avec l’ESB. « En pleine crise de la “vache folle”, fin 1998, l’Angleterre, ayant pris des mesures draconiennes pour éradiquer l’ESB sur son territoire, a demandé la levée de l’embargo sur sa viande bovine. La Commission européenne a alors interrogé le comité scientifique directeur pour déterminer s’il existait ou non des éléments scientifiques nouveaux allant à l’encontre de cette levée de l’embargo. Après quatre avis, un accord a été donné. Cependant, la France n’a pas appliqué cette décision européenne parce que la formulation de la question posée au comité français d’experts sur la “vache folle”, le “comité Dormont”, portait non sur l’évaluation des risques, donc sur des éléments scientifiques, mais sur leur gestion. Ils ont donc répondu à une interrogation du type : “l’Angleterre met-elle en œuvre toutes les mesures possibles pour garantir l’absence de prion dans sa viande ?” En l’occurrence, l’avis a été défavorable, car les critères français étaient plus sévères que ceux appliqués en Angleterre, notamment sur l’abattage du troupeau tout entier dès lors qu’un animal malade y est détecté. »

Comme le principe de précaution, le recours aux expertises a donc lui aussi ses intérêts et ses limites. Peut-être, comme le suggèrent d’autres experts, nous manque-t-il encore du recul sur les expertises pour juger de leur pertinence.

  • (1) Point abordé lors d’une séance agrobiosciences du 5/10/2005.

  • (2) Toxicologue, directeur de recherches à l’Inra.

Les agences dévolues à la veille et à la sécurité sanitaires

• L’Institut national de veille sanitaire (InVS), créé par la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme. Sa mission générale est de surveiller, en permanence, l’état de santé de la population et son évolution. Cette mission repose spécifiquement sur des activités de surveillance et d’investigations épidémiologiques, ainsi que sur l’évaluation des risques.

• L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), créée en janvier 1999 et mise en place en mars. Outre les médicaments et les réactifs de laboratoire, trois types de produits sont également de la compétence de l’agence, en termes de contrôle et d’évaluation des risques : les produits cosmétiques, les dispositifs médicaux et les produits biologiques.

• L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), créée le 1er avril 1999 en application de la loi du 1er juillet 1998 relative à la veille sanitaire et à la surveillance des produits destinés à l’homme. Elle est notamment chargée d’évaluer les risques nutritionnels et sanitaires des aliments, de la production des matières premières à la distribution au consommateur final.

• L’Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE), créée par la loi du 9 mai 2001 et en fonctionnement depuis novembre 2002. Elle doit contribuer à assurer la sécurité sanitaire et à évaluer les risques sanitaires dans le domaine de l’environnement.

N. D.
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