Chez les bovins, le diagnostic de gestation s’effectue à l’étable ou au laboratoire - La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1236 du 09/09/2006

Reproduction des ruminants

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Anne Thébault

Détection de l’œstrus, palpation transrectale, dosage de la progestérone ou échographie, le praticien choisit la méthode selon le contexte et l’objectif recherché.

Etablir un diagnostic précoce de gestation est une nécessité économique pour les éleveurs. Il donne également au vétérinaire les moyens de mieux conseiller ses clients et de mettre en place, si nécessaire, un traitement adapté. La conduite du troupeau est améliorée si le diagnostic précoce est vérifié vers le 80e à 90e jour, ce dernier examen permettant de détecter les vaches qui ont avorté tardivement.

Le retour en chaleurs trois semaines après l’insémination est le signe le plus évident d’une non-gestation. Cependant, la détection de l’œstrus nécessite une surveillance particulièrement attentive. Les risques d’erreur sont réels avec cette méthode : d’une part, la vache peut être en anœstrus, d’autre part, des chaleurs sont parfois observées au cours de la gestation. Le risque d’erreur d’un diagnostic de gestation par non-réapparition des chaleurs est de 10 % à 21 jours, de 5 % à 42 jours et de 1 % à 63 jours.

La palpation transrectale fournit une réponse immédiate et fiable

L’examen se pratique en palpant les deux cornes utérines sur toute leur longueur. Avant trente à trente-cinq jours, il est impossible de poser un diagnostic avec une certitude suffisante. De plus, ces palpations peuvent entraîner des avortements embryonnaires.

A partir de deux mois, une dissymétrie entre les deux cornes et la fluctuation de la corne gravide (à partir du 40e jour) peuvent être mises en évidence. Il est conseillé de ne pas chercher systématiquement à révéler le fœtus (l’embryon ne mesure que 5 cm), les risques d’avortement sont encore trop importants. Le diagnostic à deux mois est facile chez les génisses, mais beaucoup plus difficile chez les vaches multipares, même avec beaucoup d’expérience.

Vers quatre-vingt à quatre-vingt-dix jours, la palpation transrectale est la méthode la plus répandue pour effectuer un diagnostic de gestation. A ce stade, la taille du fœtus est d’environ 15 cm.

A la fin du 3e mois, les cotylédons commencent à être perceptibles.

Au 4e mois, l’utérus ressemble à un gros ballon : le fœtus et les cotylédons sont nettement perceptibles à la palpation.

A partir du 5e ou 6e mois, l’utérus plonge dans le bas de l’abdomen et devient difficilement palpable. Le col est tiré vers l’avant.

Du 7e au 9e mois, les éléments durs du fœtus sont perceptibles.

La palpation transrectale peut être pratiquée pendant toute la durée de la gestation, mais la précocité de l’examen dépend de l’expérience du vétérinaire. Il s’agit d’une technique de choix, car la réponse est immédiate et fiable à 100 % lorsqu’elle est positive. Toutefois, il convient de ne pas confondre un utérus gravide avec les éléments suivants :

- la vessie (surtout vers 3 à 4 mois de gestation) : il faut chercher à remonter vers la bifurcation des cornes ou le col de l’utérus ;

- le rumen : la consistance est plus pâteuse et il est possible de le contourner postérieurement ;

- un pyomètre ou un hydromètre : aucun élément ferme (fœtus) n’est perceptible et les membranes annexielles ne sont pas palpables ;

- un fœtus momifié ou des tumeurs : dans les deux cas, aucun signe de fluctuation ne peut être mis en évidence, car l’utérus ne contient pas de liquide.

Le dosage de la progestérone est réalisable dans un prélèvement de sang ou de lait

Le diagnostic précoce de gestation par dosage de la progestérone dans le lait ou dans le plasma est pratiqué chez les femelles qui n’ont pas manifesté de retour en chaleurs vers le 23e ou le 24e jour après l’insémination.

Le dosage dans le plasma est réalisé chez les génisses laitières et chez les génisses ou les vaches à viande. Aussitôt le prélèvement effectué, le sang doit être centrifugé pour éviter la dégradation de la progestérone au contact des hématies. Cette contrainte peut toutefois être levée en utilisant un milieu de prélèvement particulier : un tube hépariné contenant de l’azide de sodium (5 mg/ml) qui ralentit le catabolisme de la progestérone (conservation à 90 % pendant quatre jours).

Le dosage dans le lait est pratiqué chez les vaches laitières. Il est plus facile à réaliser, mais la concentration en progestérone varie selon le taux butyreux (la progestérone est liposoluble), la quantité de lait produite et le moment du prélèvement. Celui-ci doit être effectué le 23e ou le 24e jour après l’insémination, lors de la traite du matin, après l’expulsion des premiers jets. Les tubes destinés au prélèvement doivent contenir un inhibiteur de la prolifération bactérienne (bichromate de potassium). Le dosage dans le lait est possible chez les vaches allaitantes, à condition de séparer le veau de sa mère douze heures avant le prélèvement.

Un résultat positif ou douteux conduit à réaliser un autre examen

La progestérone est sécrétée par le corps jaune chez la vache cyclée. Le taux augmente dans le lait ou dans le plasma les premiers jours du cycle, reste élevé pendant la phase lutéale, puis chute brutalement vers le 17e ou 18e jour, au moment où se produit la régression normale du corps jaune sous l’action de la PgF2 alpha. Le taux de progestérone subit donc des variations importantes au cours du cycle sexuel : de 0,2 ng/ml jusqu’à 5 à 10 ng/ml pour le plasma et de 1 à 2 ng/ml jusqu’à 15 à 20 ng/ml pour le lait. Chez la vache gestante, la persistance du corps jaune entraîne un taux élevé de progestérone dans le lait et dans le plasma.

Si le diagnostic est négatif (moins de 5 ng/ml dans le lait ou moins de 2 ng/ml dans le sang), cela signifie que la vache est non gestante et doit être de nouveau inséminée le plus rapidement possible pour garder un intervalle vêlage-vêlage compatible avec de bons résultats économiques.

Si le diagnostic est positif (plus de 5 ng/ml dans le lait ou plus de 2 ng/ml dans le plasma), cela indique que la vache est présumée gestante. Ce résultat est à confirmer par une palpation transrectale vers le 80e ou le 90e jour.

Si le diagnostic est douteux (taux de progestérone supérieur au minimum, mais pas suffisamment élevé pour conclure à une gestation), une surveillance attentive s’impose pour détecter des chaleurs. En l’absence d’œstrus, un nouveau dosage de progestérone est effectué quarante-deux jours après l’insémination.

Le dosage de la progestérone permet un diagnostic précoce et relativement fiable

En cas de diagnostic négatif (vache non gestante), l’exactitude des résultats est de 95 à 100 %. L’écart de 5 % s’explique par des erreurs dans l’identification, la réalisation ou la préparation des prélèvements ou par la métabolisation progressive de la progestérone par les globules rouges (en quarante-huit heures de contact, la progestérone disparaît complètement).

En cas de diagnostic positif (vache gestante), l’exactitude est de 75 à 90 %. Cet écart de 10 à 25 % est lié à plusieurs facteurs : un corps jaune persistant (rare), un kyste lutéal, un allongement du cycle, une infection génitale ou des avortements embryonnaires (précoces ou tardifs).

La méthode a donc les défauts de ses qualités et sa principale limite est liée à la précocité du diagnostic. En cas de mortalité embryonnaire tardive (plus de seize jours après l’insémination), le taux de progestérone reste élevé durant quelques jours, alors que la vache n’est plus gestante. Son principal intérêt est donc plutôt la détection précoce de vaches non gestantes.

L’échographie est un bon compromis entre précocité, fiabilité et sécurité

L’échographie est réalisée à l’aide d’une sonde multicristaux lubrifiée introduite dans le rectum, après une palpation transrectale qui permet de repérer les ovaires et l’utérus.

Au 28e jour après l’insémination, une vésicule embryonnaire anéchogène de 2 à 2,5 cm de long est observée. Au 35e jour, le conceptus est visualisé dans la vésicule (3 cm). Au 45e jour, les premiers cotylédons sont visibles sous forme de petites élévations de la muqueuse utérine. Au 50e jour, le diamètre de la vésicule embryonnaire est de 4,2 cm. La croissance du conceptus permet de visualiser certains de ses organes : le cœur (qui bat dès le 30e jour), le foie, le squelette et les préestomacs. Après quatre-vingt-dix à cent vingt jours de gestation, le fœtus est trop éloigné de la sonde pour que l’examen échographique soit possible. Seuls de volumineux cotylédons et un utérus contenant une grande quantité de liquide sont observés.

L’examen de l’utérus peut être complété par un examen échographique des ovaires : au moins l’un des deux doit présenter un corps jaune en cas de gestation. Comme il est impossible de différencier un corps jaune cyclique d’un corps jaune gestatif, cette observation n’est qu’une confirmation de la gestation et non un diagnostic de certitude.

L’échographie présente de nombreux avantages. Ainsi, le diagnostic est possible en théorie dès la fin de la 4e semaine (en pratique, il est préférable d’attendre trente-cinq jours) et l’examen peut être répété aussi souvent que nécessaire, sans effet secondaire pour la vache. Le diagnostic est sûr à partir du moment où l’embryon est clairement visualisé : l’observation de vésicules ne donne qu’une forte présomption. En effet, lors d’hydrosalpinx ou chez certaines vaches en chaleurs, les coupes d’utérus peuvent être confondues avec des vésicules embryonnaires. L’inconvénient de cette méthode est la nécessité d’un investissement important.

D’autres analyses de laboratoire sont possibles, mais encore peu pratiquées

La mise en évidence des œstrogènes sécrétés par l’unité fœto-placentaire est une méthode de laboratoire fiable, mais tardive. La concentration dans le lait augmentant progressivement entre le 100e et le 200e jour de gestation, les résultats ne sont significatifs qu’à partir du 110e jour de gestation. La présence d’œstrogènes dans le dernier tiers supposé de la gestation est le signe d’un embryon vivant. L’absence d’œstrogènes peut signifier un état de non-gestation ou une gestation débutante.

Le dosage de l’EPF (early pregnancy factor, signal précoce émis dans la circulation maternelle par l’ovocyte fécondé) permettrait d’identifier les vaches non gestantes entre le 6e et le 20e jour de gestation pour un test effectué sur le lait, et entre le 6e et le 90e jour pour un test sur le sérum. Dans la pratique, la fiabilité des tests n’est pas suffisante pour une utilisation courante.

Le dosage des protéines associées à la gestation (ou “protéines spécifiques”, PSPB) est une approche fiable pour un diagnostic précoce. Les PAG, glycoprotéines produites par le plasma, sont détectables dans la circulation maternelle d’environ 98 % des femelles pleines à partir du 30e jour de gestation. Pour l’instant, le dosage ne se fait que sur des échantillons de plasma ou de sérum. La concentration passe de 4 ng/ml à la 6e semaine à 159 ng/ml à la 35e semaine. Au-delà, la valeur augmente fortement et atteint 2 000 ng/ml un à cinq jours avant la mise bas. Le dosage des PAG permet également de mettre en évidence un état infectieux au niveau de l’appareil génital (chute des taux de PAG) ou une situation extrême de carence nutritionnelle (taux de PAG particulièrement élevés). Cette méthode présente l’avantage de ne donner que rarement des faux positifs.

Enfin, des études sont actuellement en cours, car le dosage de progestérone en vue d’établir un diagnostic de gestation semble également possible sur des échantillons de fèces de génisses ou de vaches.

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