Le trio pneumonie, coccidiose et entérotoxémie arrive en tête des affections de la chevrette - La Semaine Vétérinaire n° 1235 du 02/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1235 du 02/09/2006

Maladies caprines

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Catherine Bertin-Cavarait

La prévention passe par une gestion du sevrage et des conditions d’élevage. Souvent non appropriée aux caprins, la prophylaxie médicale des affections bactériennes est délicate à mettre en œuvre.

« Les dominantes pathologiques exprimées par la chevrette ont pour particularité d’appartenir à la fois au registre des affections du jeune non sevré et à celui des affections de l’adulte », a exposé notre confrère Christophe Chartier, directeur du Laboratoire d’études et de recherches caprines (Lerc) de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de Niort, lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) qui s’est tenu à Dijon en mai dernier.

Les principales étapes de vie de ces jeunes femelles de remplacement, âgées d’un à douze mois, sont le sevrage vers l’âge de deux mois, la mise à la reproduction vers sept mois, puis la mise bas à l’âge d’un an. Le sevrage est un moment particulièrement à risque en raison du stress induit ou amplifié par la conduite de cette étape délicate.

Maladies digestives et respiratoires dominent le tableau clinique. Les résultats des autopsies pratiquées au Lerc indiquent une affection respiratoire pour 40 % d’entre elles, la coccidiose pour 15 % et l’entérotoxémie également pour 15 %. Du point de vue économique, les troubles digestifs avant le sevrage représentent 32 % des dépenses de santé au lieu de 11 % après, et 22 % sont dus au parasitisme digestif. Enfin, les troubles respiratoires constituent 14 et 37 % des frais, respectivement pour les périodes avant et après le sevrage.

Le sérotype A2 de Mannheimia hæmolytica est le sérotype dominant dans l’espèce caprine

« L’atteinte de l’arbre respiratoire des chèvres étant majoritairement pulmonaire et profonde, la toux ne sera pas un signe d’alerte et de diagnostic pertinent », a expliqué notre confrère. Aussi, le diagnostic d’une affection de l’appareil respiratoire nécessite de provoquer un mouvement de l’animal afin de pouvoir observer un tirage costal voire une dyspnée, des symptômes en rapport avec les affections pulmonaires profondes.

Les isolements réalisés par le Lerc de Niort lors des autopsies montrent l’implication de Mannheimia hæmolytica et Pasteurella trehalosi pour 51 % d’entre eux et de Pasteurella multocida pour 14 %. En effet, l’écologie microbienne de l’arbre respiratoire de la chevrette ne déroge pas à la règle habituellement observée chez les ruminants : 60 % des animaux sont porteurs sains de Mannheimia hæmolytica, bactérie commensale de la bouche, de l’oropharynx et des amygdales. De même, Pasteurella trehalosi, également impliquée dans les pneumonies, est hébergée par des porteurs sains dans les tonsilles pharyngiennes, grosses amygdales situées dans la partie caudale du septum pharyngien. La multiplication de Mannheimia hæmolytica dans le nasopharynx et sa progression dans le poumon sont favorisées par les stress, quelle que soit leur nature.

Mycoplasma mycoides mycoides LC, Mycoplasma capricolum, Mycoplasma agalactiæ, le virus parainfluenza PI3, l’adénovirus peuvent aussi s’exprimer au cours des pneumonies enzootiques.

Les résultats de la sensibilité des pasteurelles aux différentes molécules antibiotiques sont indiqués dans le tableau ci-contre.

Conjointement à la maîtrise des facteurs de risque (stress, ambiance, allotement, virus respiratoire, etc.), la prophylaxie médicale reste l’un des éléments majeurs de la stratégie de contrôle de la morbidité et de la mortalité des animaux. La plupart des vaccins antipasteurelliques disponibles en France sont adaptés à l’espèce bovine et induisent la production d’anticorps contre le sérotype A1 de Mannheimia hæmolytica. « Or, si le sérotype A1 de Mannheimia hæmolytica domine dans l’espèce bovine, le sérotype A2 représente plus de 70 % des isolements chez les caprins », a précisé Christophe Chartier. Ovilis Ovipast®, qui dispose d’une autorisation temporaire de vente aux professionnels, est à ce titre intéressant. En effet, les essais terrain réalisés avec ce vaccin montrent une réduction de la mortalité, qui passe de 6,14 à 3,25 %. Il est à noter que le vaccin Salmopast® dispose d’une indication caprine.

La prophylaxie médicale de la coccidiose est indispensable lors des périodes à risque

Neuf espèces d’Eimeria sont impliquées dans la coccidiose de la chèvre, dont Eimeria ninakohlyakimovæ est la plus pathogène. Il n’y a pas de transmission in utero ou par le lait. L’infection, précoce, fait suite à l’ingestion d’ookystes qui proviennent des mères des autres jeunes, par contact direct ou par l’intermédiaire de l’environnement.

La prévalence et l’intensité d’excrétion sont toujours plus élevées chez les jeunes de moins de quatre mois. De nombreux auteurs ont mis en évidence la forte excrétion des chevrettes juste après le sevrage, entre deux et trois mois d’âge, avec plusieurs dizaines de milliers d’ookystes par gramme de fèces. Ce niveau d’excrétion à trois mois est corrélé négativement à la croissance jusqu’à l’âge de six mois.

La forme subclinique de la coccidiose est souvent mise en évidence lors de l’instauration de traitements systématiques par comparaison avec des animaux témoins. Dans certaines conditions, l’administration de coccidiostatiques pendant une période de trente à soixante-quinze jours après le sevrage entraîne, par rapport à des animaux témoins, une amélioration du poids à quatre-vingt-dix jours après le sevrage et au moment de la mise à la reproduction, ainsi qu’une meilleure production laitière à deux cents jours en première lactation.

La prophylaxie médicale est considérée comme indispensable, en particulier au moment des périodes à risque.

Chez la chevrette, le premier traitement systématique doit avoir lieu lors du sevrage, période qui cumule l’ensemble des stress. Selon les produits, l’administration sera unique (diclazuril, par exemple) ou répétée sur trois à cinq jours (sulfamides, par exemple).

Les valeurs coproscopiques individuelles sont difficilement interprétables

La coccidiose clinique de la chevrette se manifeste par une diarrhée qui n’est jamais hémorragique. Elle fait suite soit à une ingestion massive d’ookystes sporulés présents dans l’environnement, soit à une multiplication asexuée importante chez la jeune femelle. Cette seconde situation est la conséquence d’une immunodépression qui dépend de l’intensité des stress physiologiques subis par la chevrette (thermique, alimentaire, lié aux allotements, aux autres pathologies, etc.).

Pour Christophe Chartier, le diagnostic de la coccidiose doit s’appuyer sur trois types d’informations, l’épidémiologie et l’examen clinique, les lésions observées lors de l’examen nécropsique (voir photo 1) et les valeurs coproscopiques. Compte tenu de la grande variabilité dans l’excrétion entre les individus et selon les espèces d’Eimeria, une coproscopie individuelle est difficilement interprétable. Aussi, notre confrère recommande un minimum de six ou sept prélèvements individuels ou encore la réalisation d’un prélèvement de matières fécales fraîches au sol (entre trente et cinquante prises de quelques grammes), le tout étant “poolé” en un seul prélèvement. Les valeurs seuil indicatrices d’une coccidiose clinique sont de l’ordre de 50 000 à 100 000 œufs par gramme.

Paillage et enlèvement régulier des litières, prévention des souillures des mangeoires et abreuvoirs, maîtrise de la densité animale dans les lots, nettoyage et désinfection avec de l’eau bouillante sous pression ou par de l’ammoniac sont les bases de la prévention sanitaire de la coccidiose.

La vaccination contre l’entérotoxémie est de faible efficacité chez la chevrette

Maladie du déséquilibre nutritionnel par excellence, l’entérotoxémie constitue à elle seule 30 % des causes des affections nutritionnelles et métaboliques diagnostiquées lors des autopsies. Les clostridies identifiées par le Lerc de l’Afssa de Niort sont Clostridium perfringens de type A (59 %), Clostridium perfringens de type D (29 %), Clostridium sordellii (15 %), Clostridium septicum (1 %). Des données italiennes montrent que 85 % des entérotoxémies des chevreaux et des agneaux sont dues à Clostridium perfringens de type A et 16 % à Clostridium perfringens de type D.

Chez le jeune, la forme suraiguë est la plus fréquente, soit une mort subite en l’absence de tout signe clinique. Chez les chevrettes plus âgées, la forme aiguë domine, avec de la diarrhée liquide, des douleurs abdominales, de la déshydratation, un état de choc et des troubles nerveux.

A l’autopsie, la lésion la plus caractéristique de l’entérotoxémie est une entérocolite fibrinohémorragique. A l’ouverture de la cavité abdominale, « un des traits pathognomoniques est un cæcum de petite taille, blanchâtre, avec une muqueuse épaissie », a montré Christophe Chartier (voir photo 2). Chez un jeune animal, l’entérite hémorragique est accompagnée d’un abondant épanchement péritonéal. Chez les caprins, une congestion rénale est observée, avec parfois un phénomène d’autolyse (rein pulpeux).

Chez les chèvres, la vaccination est moins efficace que chez l’espèce ovine, en particulier vis-à-vis de l’atteinte digestive. En effet, les lésions sont dues d’une part à la toxine et d’autre part à la multiplication des clostridies in situ, au niveau intestinal. Il semble que la protection vaccinale apportée par l’anatoxine n’a aucune efficacité sur ces lésions intestinales. Le protocole vaccinal nécessite deux injections suivies impérativement de rappels réguliers, tous les quatre à six mois.

L’expression de ces trois affections est la réponse directe des animaux aux stress induits par la conduite d’élevage et à leur intensité. La chevrette est sensible aux stress alimentaires et environnementaux, mais aussi sociaux. « Un stress hiérarchique existe chez les caprins, a précisé notre confrère, le sevrage est le cumul extrême de tous les stress. Si les pertes sanitaires dans la phase “chevreau”, c’est-à-dire jusqu’à l’âge d’un mois, sont considérées comme normales avec un taux de mortalité ne dépassant pas 5 %, en revanche, les pertes dans la phase chevrette doivent être proches de zéro. »

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