La blue tongue s’installe au nord de l’Europe - La Semaine Vétérinaire n° 1235 du 02/09/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1235 du 02/09/2006

MRC. Fièvre catarrhale ovine confirmée aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique

Actualité

Auteur(s) : Jean-Pascal Guillet

Jusqu’à présent, cette arbovirose transmise par des moucherons piqueurs n’avait jamais été identifiée sous de telles latitudes. Le virus en cause est de sérotype 8.

L’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique ont confirmé des cas cliniques de fièvre catarrhale ovine. Le premier foyer a été diagnostiqué sur le territoire néerlandais, le 17 août dernier. D’autres ont été localisés les jours suivants dans les deux pays limitrophes. Au 28 août, cent treize foyers étaient comptabilisés : quarante-sept en Belgique, vingt-huit aux Pays-Bas et trente-huit en Allemagne. Les analyses du laboratoire communautaire de référence de Pirbright, effectuées sur des prélèvements néerlandais, montrent que le virus en cause est de sérotype 8. Ce dernier n’avait jamais encore été identifié en Europe. Il serait d’origine d’Afrique subsaharienne, d’après la Commission européenne.

Il s’agit de la première mise en évidence de la fièvre catarrhale ovine, également appelée blue tongue, sous de telles latitudes. En effet, l’infection est généralement observée entre le 35e parallèle Sud et le 40e parallèle Nord. Il s’agit d’une arbovirose (arthropod-borne virus) transmise par des moucherons piqueurs du genre Culicoides. Jusqu’à présent, C. imicola était le principal vecteur incriminé à l’ouest du bassin méditerranéen.

Pour l’instant, aucun cas n’a été identifié en France continentale

Vingt-quatre sérotypes de fièvre catarrhale ovine sont identifiés à travers le monde. Une épizootie sévit dans le bassin méditerranéen depuis 1998, mettant en cause les sérotypes 1, 2, 4, 9 et 16. La répartition de ces cinq sérotypes et celle du principal vecteur ont évolué depuis cette date. Ainsi, la péninsule ibérique et le Maroc, épargnés depuis 1999, ont été atteints en 2004 (virus de sérotype 4). L’Algérie, touchée une première fois en 1999, l’a été de nouveau en juillet dernier (le sérotype en cause n’est pas encore connu). La blue tongue sévit déjà depuis plusieurs années en Italie. La Corse, quant à elle, a subi trois vagues épizootiques, en 2000 et 2001 (sérotype 2), en 2003 et 2004 (sérotype 4) et en 2004 (sérotype 16).

Par ailleurs, l’expansion de C. imicola vers le nord s’est poursuivie. Une population a été détectée en Catalogne espagnole en 2002. En outre, quelques spécimens ont été décelés en France continentale en 2003, puis une population permanente de l’insecte a été mise en évidence sur le littoral est du Var, en 2004, sans qu’aucun cas de la maladie n’ait été pour l’instant identifié.

L’extension de la maladie observée depuis plusieurs années est liée à celle de son vecteur, favorisée par le vent et dont le développement a lieu pendant les périodes chaudes et pluvieuses. Néanmoins, il est fort improbable que C. imicola, responsable des épizooties qui sévissent dans le bassin méditerranéen, soit également à l’origine de celle observée actuellement dans le nord de l’Europe. « Si tel était le cas, nous aurions noté une extension de la maladie par nappe depuis le sud de l’Europe, ce que nous ne constatons pas ici », souligne Guillaume Gerbier, vétérinaire épidémiologiste au Cirad(1), à Montpellier.

Le vecteur, probablement local, n’est pas encore identifié

Si le réchauffement climatique a pu être avancé comme la cause de l’expansion de C. imicola et, par la suite, de l’apparition de la fièvre catarrhale ovine dans le sud de l’Europe, il n’est pas évident que ce facteur soit responsable de cette épizootie. « Il est actuellement difficile d’expliquer l’apparition de ces foyers et impossible d’extrapoler à partir de ce qui a été observé précédemment. En effet, nous sommes en présence d’un virus d’un nouveau sérotype pour l’Europe, transmis par un vecteur probablement local que nous n’avons pas encore identifié avec certitude. Impossible donc également de prédire l’évolution de l’épizootie. « Nous ne savons pas encore si le phénomène perdurera au printemps », estime notre confrère. En effet, classiquement, la fièvre catarrhale ovine observe une “trêve” hivernale, l’insecte vecteur ne résistant pas aux basses températures. Pendant cette période, le virus persiste dans les espèces réservoirs (bovins), la population de vecteurs se réinfectant sur ces animaux au printemps.

Dans l’épizootie actuelle, les bovins présentent des symptômes de la maladie

L’actuelle épizootie présente en outre la particularité d’affecter de façon non négligeable les bovins. Habituellement, l’infection se manifeste principalement chez les ovins, avec un taux de mortalité de 2 à 20 % (voir encadré “Congestion, œdèmes et hémorragies”). Chez les autres ruminants domestiques, l’infection passe généralement inaperçue, les bovins jouant le rôle de réservoir.

Dans l’épizootie observée dans le nord de l’Europe, les bovins manifestent plusieurs signes cliniques : des œdèmes et des ulcérations buccales ou nasales, des boiteries, un œdème ainsi qu’un érythème des mamelles. Dans une note de service datée du 23 août dernier, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) insiste sur la nécessité de sensibiliser les vétérinaires sanitaires à cette spécificité et au maintien d’une vigilance particulière(2). Plus de quatre cents praticiens ruraux du sud de la France ont déjà suivis une formation relative à la fièvre catarrhale ovine durant l’automne dernier. Il s’agissait du dispositif pilote de formation continue des vétérinaires sanitaires, organisée conjointement par la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) et l’Ecole nationale des services vétérinaires (ENSV).

  • (1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

  • (2) Des informations sur la blue tongue, dont le vade-mecum sur la maladie, sont consultables sur le site http://blue-tongue.cirad.fr/

  • (3) Décision 2006/577/CE.

  • Source : vade-mecum FCO.

Instauration de zones de protection et de surveillance

Des zones de protection et de surveillance de la blue tongue ont été instaurées aux Pays-Bas, en Belgique et en Allemagne, à la suite de la découverte de foyers de la maladie. Une décision communautaire du 22 août dernier(1) précise ainsi les zones réglementées à partir desquelles les mouvements de ruminants, de leur sperme, ovules et embryons sont désormais interdits.

Des zones de surveillance ont également été instaurées dans l’est de la France (département des Ardennes ; département de l’Aisne : arrondissements de Laon, Saint-Quentin, Soissons, Vervins ; département de la Marne : arrondissements de Châlons-en-Champagne, Reims, Sainte-Menehould ; département de Meurthe-et-Moselle : arrondissement de Briey ; département de la Meuse : arrondissements de Bar-le-Duc, Commercy, Verdun ; département de la Moselle : arrondissements de Boulay-Moselle, Metz ville, Metz campagne, Thionville Est, Thionville Ouest ; département du Nord : arrondissements d’Avesnes-sur-Helpe, Cambrai, Valenciennes). Ce dispositif complète les zones de protection vis-à-vis des virus de sérotypes 2, 4 et 16 instaurées en Corse du Sud et en Haute-Corse depuis plusieurs années.

Une surveillance sérologique et entomologique a également été mise en place dans l’est de la France, du même type que celle déjà instaurée sur le pourtour méditerranéen et dans les Pyrénées-Atlantiques.

J.-P. G.

Congestion, œdèmes et hémorragies

La durée moyenne d’incubation de la blue tongue est de six à sept jours, avec des extrêmes de deux à dix-huit jours. Chez les ovins, une forte hyperthermie est d’abord observée (jusqu’à 42 °C) pendant deux à trois jours. L’animal est abattu. Apparaît ensuite une congestion des muqueuses buccale et pituitaire, accompagnée d’un jetage séromuqueux abondant et d’une intense sialorrhée.

Des hémorragies buccales sont visibles. Les lèvres, l’auge, la langue et, parfois, l’ensemble de la tête, voire le fanon sont œdémateux, de même que les parties déclives du corps de l’animal. La cyanose de la langue, qui a donné son nom à la maladie, n’est pas constante. Le jetage séromuqueux sèche.

Il est à l’origine de croûtes qui laissent ensuite apparaître des crevasses. La congestion de la muqueuse buccale évolue vers l’ulcération et la nécrose. Parallèlement, l’animal malade développe parfois une fatigue musculaire, des arthrites. Le bourrelet coronaire des onglons est une autre zone lésée, avec la présence d’une congestion puis d’une ulcération.

Les animaux ont du mal à se tenir debout.

Une myosite dégénérative entraîne une raideur des membres, un torticolis, une voussure du dos et une fonte musculaire spectaculaire. Rarement, la congestion cutanée peut se généraliser et occasionner une chute de la laine en quelques semaines. Certains animaux peuvent mourir deux à trois jours après l’apparition des signes cliniques.

Si l’animal résiste, la convalescence commence vers le 15e jour. Des complications comme de la toux ou de la diarrhée sanguinolente peuvent être observées. Des avortements ont également été rapportés, notamment lors de la dernière épidémie de fièvre catarrhale en Corse, à l’automne 2004.

J.-P. G.
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