Pour gagner contre le H5N1 HP, il faut s’en donner les moyens ! - La Semaine Vétérinaire n° 1231 du 24/06/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1231 du 24/06/2006

Grippe aviaire. Prévenir et confiner l’épizootie

Actualité

Auteur(s) : Nathalie Devos

Des services vétérinaires efficaces, une réelle volonté politique de transparence et de contrôle du commerce des animaux sont des points clés de la réussite.

Rassurons-nous. Le ministère de l’Agriculture arrive lui aussi à s’exprimer sur la grippe aviaire, dans l’ombre des ministères de la Santé et de l’Intérieur. « La lutte contre le virus H5N1 hautement pathogène à sa source, chez les volatiles, est essentielle », a en effet déclaré le ministre de l’Agriculture, Dominique Bussereau, en introduction d’un colloque “grippe aviaire”, organisé le 15 juin dernier à Paris(1). Toutefois, si personne ne conteste cette nécessité, seule une table ronde sur les quatre organisées lors de cette rencontre était dédiée au volet animal, les autres étant consacrées à l’état de préparation de la France face à une pandémie humaine éventuelle (voir aussi en page 14).

Pourtant, plus le virus circulera de façon endémique chez les oiseaux, plus le risque qu’il mute et s’adapte à l’homme (ou qu’il se recombine) est grand. D’où la nécessité de ne pas se tromper de cible, insistent les vétérinaires de plusieurs institutions, présents au colloque. Ils ont expliqué au public quelles étaient les priorités dans la lutte contre le virus de l’influenza aviaire H5N1 hautement pathogène.

« Le modèle sanitaire français peut être pris en exemple »

Le premier point essentiel est l’impossibilité de faire quoi que ce soit sans des services vétérinaires efficaces et des plans d’action prédéfinis.

« En France, notre système sanitaire a bien fonctionné. Il n’y a eu qu’un foyer domestique, à Versailleux, dans l’Ain, en février dernier, immédiatement maîtrisé », a remarqué Dominique Bussereau. Et de féliciter tous les professionnels « qui ont bien fait leur travail » : éleveurs, maires, chasseurs, Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCF), laboratoires départementaux, organisations internationales etc., mais aussi – enfin – les vétérinaires.

Jean-Marc Bournigal, directeur général de l’Alimentation, a, pour sa part, exposé les principales mesures de surveillance sanitaires mises en place en France. Ainsi, la surveillance active (ciblée) de l’avifaune domestique a déjà concerné plus de 1 300 élevages cette année, surtout de plein air. La surveillance passive des élevages domestiques a, elle, permis d’écarter 34 suspicions et de détecter le foyer de Versailleux. 30 000 visites sanitaires ont en outre été effectuées par les vétérinaires sanitaires sur le terrain dans les exploitations ayant demandé une dérogation aux mesures de confinement (mesures qui ont été généralisées à l’ensemble du territoire en février dernier). Quant à la surveillance passive de l’avifaune sauvage, elle consiste en près de 2 000 prélèvements chez des oiseaux sauvages pour l’année, réalisés sur les grands couloirs migratoires. 1 000 ont déjà été effectués et n’ont pas révélé de problèmes particuliers. Cette surveillance est appuyée par le réseau Sagir, qui a permis de comptabiliser 65 animaux retrouvés morts, porteurs du H5N1 hautement pathogène, principalement chez des cygnes et des canards.

Concernant les interdictions d’importer des oiseaux et des produits avicoles de pays infectés, la surveillance a également été renforcée aux trente-trois postes d’inspection frontalière.

Par ailleurs, le recensement des propriétaires d’oiseaux et les exercices de simulation de foyer organisés au niveau régional ou départemental(2), animés par les directions des services vétérinaires, contribuent à la prévention, a précisé le directeur général de l’Alimentation. Le ministre de l’Agriculture a ajouté que le gouvernement demande en permanence à l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) d’évaluer les risques (sans forcément toujours suivre ses recommandations Ndlr). Ainsi, une évaluation est en cours sur la possible levée du confinement dans la Dombes, seule région où les mesures de confinement restent en vigueur (elles ont été supprimées pour le reste de la France depuis le 12 mai dernier). L’agence est également sollicitée pour donner, cet été, son avis sur les risques encourus par les volailles domestiques lors des migrations saisonnières des oiseaux sauvages à l’automne prochain, ce qui n’exclut pas un possible “reconfinement”.

« La Roumanie, dépassée par les événements, fait appel à ses services secrets »

Mais si la France fait figure de bon élève pour son système sanitaire, ce n’est pas le cas de tout le monde. Ainsi, la situation de quelques pays est particulièrement inquiétante, comme celle de la Roumanie, contaminée en octobre 2005, qui semblait avoir maîtrisé la maladie en quelques semaines. Depuis plusieurs mois, elle a “ressurgi” et les foyers ne cessent de s’étendre. « Les services secrets roumains auraient été saisis du dossier de la grippe aviaire, c’est dire que le système de surveillance ne fonctionne absolument pas dans ce pays », a fait remarquer Philippe Vannier, directeur de la santé animale à l’Afssa.

La situation est également préoccupante dans d’autres pays, comme ceux d’Asie, mais aussi dans certains Etats africains, où les services vétérinaires sont insuffisants et/ou désorganisés. « En Afrique, il faut apparemment un mois pour repérer une suspicion et un autre pour effectuer le diagnostic », a constaté Joseph Domenech, vétérinaire en chef à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Or tout le monde sait que la détection précoce est primordiale au confinement d’une épizootie. « Sur les 167 pays membres de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), plus d’une centaine ne disposent pas de services vétérinaires répondant aux normes de qualité de l’organisation et sont dans l’incapacité de mettre en œuvre des mesures de surveillance sanitaires adéquates », a ajouté le directeur général adjoint de l’organisation, Jean-Luc Angot.

D’où le deuxième point essentiel dans la lutte : aider les pays les plus pauvres à se doter notamment de services vétérinaires efficaces. Pour cela, la coopération internationale, ainsi qu’un partenariat public/privé sont primordiaux. « Je remercie l’OIE, la FAO et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) qui jouent, à ce titre, un rôle remarquable », a souligné Dominique Bussereau. Mais toutes les nations ne jouent pas le jeu. « Sur les 1,9 milliards d’euros promis à Pékin en janvier dernier pour financer la lutte contre le virus H5N1 HP, seul un tiers a été versé. Actuellement, rien que pour l’Afrique, les besoins sont déjà estimés à 700 millions de dollars (près de 557 millions d’euros) », a déploré Jean-Luc Angot (la France a, elle, déjà versé 10 millions).

« Les poulets africains passent aisément les barrages de police »

Si cette coopération internationale indispensable (qui tarde toutefois à se mettre en place) est louable, les intervenants ont également insisté sur la nécessité, pour tous les pays, « d’avoir une volonté politique responsable ». Il s’agit du troisième point clé de la lutte. Cela doit d’abord concerner la diffusion des informations épidémiologiques, particulièrement par les pays tiers. « Lorsque l’épizootie s’est déclarée en Asie fin 2003, la Chine et la Thaïlande ont fait preuve d’un manque de transparence manifeste dans la déclaration des foyers (même si les Thaïlandais ont revu leur “stratégie de communication” par la suite) », a déploré Jean-Luc Angot. Même constat en Afrique. L’annonce de la contamination au Nigeria, le 7 février dernier, n’a pas été instantanée et aurait pris un mois de retard ! Volonté politique aussi de contrôler avec rigueur les mouvements et le commerce d’animaux. En effet, si le rôle des oiseaux migrateurs dans la diffusion du virus ne peut être exclu (ils l’ont vraisemblablement transporté d’Asie en Sibérie, puis de là en Europe de l’Est), le commerce illégal de volailles est une source particulièrement importante de propagation de la maladie. C’est le cas en Afrique. « La contamination du Nigeria serait due à une importation illégale de poussins d’un jour de Chine ou de Turquie », selon Jean-Luc Angot. « Dans ce pays, les poulets, transportés sur des vélos, passent souvent facilement les barrages de police », ajoute Joseph Domenech.

Volonté politique aussi d’indemniser les éleveurs en cas de foyers et d’abattage des animaux. Sans cela, il est inévitable, surtout dans les pays pauvres, qu’une non-déclaration des foyers soit observée.

La vaccination est préconisée par l’OIE et la FAO lorsque la maladie est endémique

Enfin, dernier point, en termes de lutte, la FAO et l’OIE sont favorables à la vaccination des volatiles dans les pays où la maladie est devenue endémique. Malheureusement, les territoires concernés, notamment africains, sont souvent les plus pauvres. Concernant la vaccination, Jean-Christophe Audonnet, directeur de la recherche exploratoire chez Merial, a précisé que deux vaccins du laboratoire disposent actuellement d’une autorisation d’utilisation dès cet automne : l’un inactivé, l’autre recombinant. Ils sont efficaces en phase préventive et en situation d’urgence. Ils ont déjà fait leurs preuves au Viêtnam et au Mexique. Tous deux sont sous forme injectable. Mais la recherche s’oriente vers la fabrication de vaccins utilisables par vaporisation sur les poussins, facilitant la technique vaccinale, a-t-il précisé.

Tous ces moyens de lutte, de base, représentent un investissement financier bien inférieur à ce qui serait nécessaire si une pandémie mondiale venait à éclater…

  • (1) Ce colloque devrait permettre aux députés de boucler le troisième rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la grippe aviaire consacrée à l’évaluation du dispositif interministériel de lutte face à une pandémie. Il devrait être publié le 28 juin.

  • (2) Une soixantaine d’exercices sont programmés en France cette année.

Surveillance de l’avifaune sauvage

Le Cirad a effectué plus de 5 000 prélèvements dans l’avifaune sauvage dans quatorze pays, dont treize africains (Afrique subsaharienne principalement), de janvier à mars dernier, a expliqué Renaud Lancelot, du département élevage et médecine vétérinaire du Cirad. Aucun n’a révélé la présence du virus H5N1 hautement pathogène ou celle d’autres souches hautement pathogènes.

Le taux de prévalence moyen d’oiseaux porteurs d’autres virus de l’influenza aviaire de type A est estimé à 3,3 %. Les pays les plus infectés vis-à-vis de ces souches sont la Mauritanie et le Sénégal (10 % des oiseaux porteurs). Les espèces testées sont africaines et eurasiatiques. Elles concernent particulièrement les canards, mais aussi les mouettes et autres oiseaux limicoles.

N. D.
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