Lors de tétanos généralisé, le pronostic est incertain - La Semaine Vétérinaire n° 1230 du 17/06/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1230 du 17/06/2006

Clostridium tetani chez le chat

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Florence Krieger*, Sigrid Watier**, Thomas Perrot***, Sabine Bozon****

Fonctions :
*Praticien à la clinique vétérinaire Bozon (Versailles, Yvelines).
**Praticien à la clinique vétérinaire Bozon (Versailles, Yvelines).
***Ancien interne de chirurgie à l’école d’Alfort.
Praticien à la clinique vétérinaire Bozon (Versailles, Yvelines).
****Titulaire d’un CEAV de médecine interne.
Praticien à la clinique vétérinaire Bozon (Versailles, Yvelines).

La modification du faciès, caractérisée par un sourire sardonique, la contraction des muscles auriculaires ou encore le « trismus », est caractéristique de l’affection.

Une chatte européenne, stérilisée, âgée de quatre ans et demi, est présentée en consultation pour une plaie et une boiterie de l’antérieur droit. Elle a été retrouvée par ses propriétaires après sept jours de fugue, l’antérieur droit étiré vers l’avant et pris dans son collier.

L’examen clinique révèle une hyperthermie (39,9 °C). Le reste de l’examen général est normal. L’examen neurologique de l’antérieur droit met en évidence un déficit proprioceptif, une rigidité du coude, ainsi qu’une incurvation du corps vers la droite. Une plaie infectée de 6 cm de long au niveau de l’ars est découverte. Un débridement chirurgical est décidé.

Avant l’intervention, le bilan hémato-biochimique et ionique ne met en évidence qu’une légère neutrophilie, signe d’une inflammation localisée. La radiographie thoracique est normale.

Sous anesthésie générale gazeuse (isoflurane), la plaie est largement parée, rincée abondamment et refermée sur plusieurs drains. Un prélèvement est effectué en vue d’un antibiogramme.

L’animal est rendu aux propriétaires le lendemain, avec une prescription de 30 mg/kg de céfalexine deux fois par jour pendant dix jours et 0,1 mg/kg de méloxicam une fois par jour. Les troubles neurologiques sont expliqués par une myosite post-traumatique. Une physiothérapie est conseillée.

Lors de la deuxième visite de contrôle, cinq jours plus tard, les drains sont retirés. L’état général et neurologique de l’animal s’est dégradé. Le chat est incapable de se tenir debout, roule sur le côté droit et semble désorienté (voir photo 1). Sa peau est ridée sur le dessus du crâne. Les symptômes neurologiques observés sont de type “vestibulaires centraux”, avec toutefois la présence de nombreuses contractures musculaires. L’antérieur droit est raide, le coude en extension et le carpe fléchi. Le corps est incurvé à droite avec une contracture permanente des muscles thoraciques et cervicaux droits. Les oreilles sont relevées et verticales, les muscles du dessus de la tête et des joues sont contractés avec un “trismus” (contraction des muscles masticateurs) caractéristique ( voir photo 2).

La raideur dorsale va de la tête à la queue, avec une scoliose irréductible à droite

A ce stade, le diagnostic différentiel inclut : le tétanos, une méningo-encéphalite (FIV, PIF, toxoplasmose, cryptococcose), une polymyosite post-traumatique, un syndrome vestibulaire central et une intoxication à la strychnine.

L’hospitalisation est décidée en vue de la réalisation d’examens complémentaires.

Les commémoratifs récoltés excluent l’hypothèse d’une intoxication à la strychnine et un test rapide écarte le diagnostic de virus de l’immunodéficience féline (FIV).

Deux jours plus tard, toute manipulation du membre droit est impossible. Une polymerase chain reaction (PCR) sur un échantillon de liquide céphalo-rachidien (LCR) élimine les hypothèses de péritonite infectieuse féline (PIF) et de toxoplasmose. Aucun germe n’est détecté. La densité, ainsi que le taux cellulaire du LCR, sont normaux.

En raison de la forte suspicion de tétanos, l’antibiothérapie est modifiée. De la pénicilline G procaïne à la posologie de 20 000 UI/kg est administrée une fois par jour par voie intramusculaire, associée pendant un mois à du métronidazole per os à la dose de 20 mg/kg/j en une prise.

Une surveillance est mise en place avec une alimentation par sonde naso-œsophagienne, des vidanges vésicales, ainsi que des retournements réguliers sur un tapis anti-escarre.

La raideur dorsale disparaît progressivement en sept jours. Après dix jours d’hospitalisation, l’animal s’alimente spontanément, défèque et urine seul. Quelques contractures au niveau de la tête persistent et l’antérieur droit demeure rigide.

Les propriétaires poursuivent quotidiennement la physiothérapie et l’antibiothérapie par voies injectable (pénicilline) et orale (métronidazole). Au bout d’un mois, la pénicilline est injectée une fois tous les trois jours. Deux mois après la mise en place du traitement, l’animal a presque entièrement récupéré la souplesse musculaire de l’antérieur droit. Le corps n’est plus incurvé. En outre, les contractures entre les oreilles et au niveau des joues ont disparu. Seule une légère amyotrophie persiste.

La chatte est considérée comme guérie trois mois après le début des symptômes.

De 1985 à 2004, seuls treize cas de tétanos félin, pour la plupart localisés, ont été publiés

Le tétanos est causé par l’action néfaste d’une neurotoxine, synthétisée par Clostridium tetani, bactérie anaérobie, Gram +, sporulente. Les spores, particulièrement résistantes, peuvent survivre plusieurs années dans l’environnement. L’homme et le cheval sont sensibles à la toxine tétanique. Le chien, et surtout le chat, le sont beaucoup moins. Chez eux, le tétanos est souvent localisé eu niveau d’un groupe musculaire ou d’un membre proche de la plaie initiale. Au départ, les muscles de la zone atteinte sont raides et contractés, mais l’état général reste bon. Ensuite, ces contractures se généralisent parfois aux muscles adjacents jusqu’au corps tout entier. L’atteinte musculaire peut se manifester par des signes locomoteurs tels qu’une hyperextension des quatre membres et de la queue, un opisthotonos, un décubitus latéral, une hyperesthésie et des spasmes musculaires douloureux. Le faciès est largement modifié avec un étirement des lèvres (sourire sardonique), une contraction des muscles auriculaires avec un rapprochement des oreilles, un trismus, la fermeture du canthus externe et la procidence de la troisième paupière. Si les symptômes progressent, la paralysie des muscles respiratoires, le spasme laryngé et l’anoxie du centre de la respiration peuvent entraîner la mort par asphyxie. En cas d’atteinte du système nerveux végétatif, des troubles cardiaques et digestifs sont principalement observés. Dysphagie, reflux gastro-œsophagien et mégaœsophage peuvent être à l’origine d’une pneumonie par aspiration, complication majeure chez les individus atteints de tétanos.

L’apparition de convulsions et un état de grand mal sont également possibles en cas de contractions musculaires généralisées.

Le diagnostic, surtout clinique, peut être orienté par des examens complémentaires

Les analyses hématologiques ne montrent aucune modification significative, si ce n’est une neutrophilie liée à la plaie infectée ou une pneumonie secondaire. Les examens biochimiques peuvent révéler une élévation de l’activité des enzymes musculaires : créatinine kinase (CK) et aspartate aminotranférase (AST ou SGOT).

La tétanospasmine reste peu de temps dans le système circulatoire. Sa recherche dans le sérum est donc inutile. Une bactériologie de la plaie est négative dans environ 75 % des cas, du fait de la demande d’examen souvent tardive. De plus, la culture doit être réalisée en anaérobiose stricte, à 37 °C, et pendant au moins deux semaines.

L’analyse du liquide céphalo-rachidien, ne révélant aucune modification en cas de tétanos, permet d’exclure une méningo-encéphalite infectieuse. L’électromyographie (EMG) met en évidence une activité électrique spontanée et continue des nerfs moteurs. Une telle activité n’est pas pathognomonique du tétanos, mais seulement la preuve d’une irritation continue des motoneurones alpha-adrénergiques, qui est également observée lors de crampes ou de polyradiculonévrite.

Un rinçage à l’eau oxygénée est indiqué. L’administration de Sérum antitétanique préventif équin®, à la dose de 750 UI par chat, par voie intramusculaire ou sous-cutanée, permet de neutraliser les toxines circulantes. Elle est recommandée en début d’infection ou avant l’intervention chirurgicale.

En effet, la manipulation des tissus infectés entraîne la libération de toxines dans la circulation sanguine. Greene conseille d’administrer 5 à 50 UI/kg par voie intraveineuse lente, en cinq à dix minutes. Cependant, ce sérum, obtenu à partir de chevaux hyperimmunisés, est potentiellement à l’origine de chocs anaphylactiques. Trente minutes avant l’injection, un test de tolérance (0,1 à 0,2 ml de sérum administré par voie intradermique ou sous-cutanée) est donc recommandé. En cas de réaction allergique potentielle, il est possible d’opter pour un traitement à base d’antihistaminique ou de corticoïde.

Parallèlement, une vaccination à base d’anatoxine tétanique purifiée (Tétapur®) est possible. Cela permet d’induire une immunité active envers les toxines pouvant être relarguées, alors que la réserve d’antitoxines est épuisée. Cependant, il n’existe pas d’autorisation de mise sur le marché (AAM) validée pour le chat en France, que ce soit pour le sérum antitétanique ou pour l’anatoxine.

L’antibiothérapie, à base de pénicilline G (20 000 à 40 000 UI/kg par voie intramusculaire deux à quatre fois par jour) et/ou de métronidazole (5 à 10 mg/kg, per os, trois fois par jour), a pour but de détruire les formes végétatives de Clostridium tetani encore présentes dans l’organisme. Elle est poursuivie jusqu’à la disparition des signes cliniques.

La surveillance est indispensable et à adapter selon les fonctions vitales atteintes : mise au calme et à l’obscurité, prévention des escarres en cas de décubitus prolongé, alimentation entérale par sonde lors de paralysie des muscles masticateurs, physiothérapie plusieurs fois par jour, sous tranquillisation si nécessaire, vidanges vésicales, fluidothérapie etc.

Des myorelaxants Gaba-agonistes (diazépam, clonazépam), voire des morphiniques, peuvent être administrés. Parfois, du pentobarbital (Dolethal®) à la dose de 4 mg/kg par voie intraveineuse trois à quatre fois par jour, soit quarante-cinq fois moins que la dose létale, ou de l’acépromazine (0,025 mg/kg par voie intramusculaire trois fois par jour) se révèlent nécessaires.

Avec un traitement approprié et précoce, le pronostic est bon

La récupération est généralement complète en trois semaines à quatre mois au maximum. Lors de tétanos généralisé, le pronostic est plus sombre (50 % de décès). Les principales complications sont une paralysie des muscles respiratoires, entraînant la mort par asphyxie, ou une défaillance cardiovasculaire. La gravité et l’extension des symptômes semblent dépendre directement de la quantité de tétanospasmines synthétisées. La vaccination chez l’homme et le cheval reste la seule protection efficace, puisque l’infection par le tétanos ne semble pas conférer d’immunité. Chez le chien et le chat, la vaccination ne fait pas partie des protocoles recommandés compte tenu de la moindre sensibilité de ces deux espèces à la toxine tétanique. Dans tous les cas, une antibiothérapie appropriée, ainsi qu’une attention particulière au traitement des plaies doivent être apportées.

BIBLIOGRAPHIE

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  • • L. Cauzinille : Neurologie clinique du chien et du chat, Ed. du Point Vétérinaire, 2003, pp. 223-225.
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