La séparation homme-chimpanzé aurait duré quatre millions d’années

La divergence entre l’homme et le chimpanzé remonterait de 6,3 à 5,4 millions d’années, soit plus récemment que ne l’établissent les datations paléontologiques (de 6,5 à 7 millions d’années). Auparavant, les deux espèces se seraient hybridées, pendant une durée de quatre millions d’années. De plus, la divergence du chromosome sexuel X serait inférieure de 1,2 million d’années à celle des vingt-deux chromosomes non sexuels (autosomes).

Avec ces trois suggestions, une équipe américaine du Massachusetts Institute of Technology et de la Harvard Medical School a lancé un pavé dans la mare de l’histoire fossile de l’homme et des grands singes⁽¹⁾. Elle s’est immédiatement attirée les critiques des paléoanthropologues découvreurs des plus anciens proto-humains jusque-là recensés : Toumaï (7,4 millions d’années), Orrorin (6 millions d’années) et Ardipithecus kadabba (5,6 millions d’années). Ces chercheurs estiment que les trois hominidés ont bien des caractères appartenant en propre à l’homme et non au chimpanzé.

La théorie des chercheurs américains demande à être précisée par d’autres études

L’équipe américaine s’est appuyée sur des bases solides. Elle a utilisé les séquences des génomes décryptés de l’homme et du chimpanzé, et les séquences disponibles du gorille, de l’orang-outan et du macaque, soit huit cents fois la quantité de matériel génétique disponible pour les études antérieures. La divergence génétique entre l’homme et le chimpanzé (la proportion des nucléotides différant entre eux) a été convertie, selon le taux de mutation (donné comme constant), en divergence temporelle, calibrée en millions d’années. Et si le chromosome sexuel X est plus jeune que les autres chromosomes, ce serait la preuve que les deux espèces auraient échangé leurs gènes. Ensuite, l’arrêt de l’hybridation (par la stérilité et/ou l’inviabilité) s’expliquerait par l’action de gènes liés au chromosome X. De fait, dans la nature, plusieurs cas existent d’espèces interfécondes, qui contredisent la théorie.

Il reste que les datations génétiques ne sont pas encore considérées comme totalement fiables. L’horloge moléculaire, qui fixe les taux de mutation, pourrait varier plus largement qu’on ne le suppose. Les auteurs de ce travail n’en avancent pas moins que des études ultérieures devraient permettre de préciser d’autres points essentiels, comme le processus de sélection sur les chromosomes autosomaux.

A cet égard, le génome du gorille, quand il sera séquencé, pourra être comparé à ceux du chimpanzé et de l’homme, et offrir une image plus nette de leur spéciation respective.

• (1) N. Patterson et coll. : « Genetic evidence for complex speciation of humans and chimpanzees », Nature, doi : 10.1038/nature04789 (www.nature.org), 17/5/2006.