Chiens « dangereux » : le problème reste entier - La Semaine Vétérinaire n° 1230 du 17/06/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1230 du 17/06/2006

Législation. Le gouvernement envisage de renforcer la loi de janvier 1999

Actualité

Auteur(s) : Marine Neveux

La loi du 6 janvier 1999 qui visait à juguler les drames liés aux morsures de chiens aboutit à un échec . Elle pourrait être renforcée, sera-t-elle pour autant plus efficace ?

Les accidents, dont certains mortels, mettant en cause des chiens dangereux font la une de l’actualité. En outre, le décret portant création du Conseil départemental de la santé et de la protection animales (CDSPA) est paru le 7 juin dernier. Ces deux événement soulèvent de nouveau la question de l’encadrement législatif de la gestion de l’animal, que ce soit pour sa protection ou pour celle des citoyens. Ils mettent aussi en exergue la nécessité d’un accompagnement politique et d’un appui sur le terrain pour l’application des mesures prises. Face aux insuffisances de la loi du 6 janvier 1999, qui était notamment censée apporter une solution aux problèmes des chiens “dangereux”, mais qui n’a pas brillé par son efficacité, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, avance prudemment. Il semble chercher à limiter les risques liés aux chiens “dangereux” en prenant, cette fois-ci, le problème par le bon bout de la laisse. Les annonces qu’il a faites se veulent en effet plus prudentes que celles de ses prédécesseurs.

Le constat semble clair : la loi n’est pas appliquée, car elle n’est pas applicable

Nicolas Sarkozy souhaite renforcer les actions engagées à l’encontre des propriétaires de chiens dangereux. « Je demande aux préfets d’intervenir sans délai auprès des services de la police et de la gendarmerie nationales afin de procéder à des patrouilles sur le terrain, avec une vigilance accrue. Ces services doivent faire constater tout manquement à la loi (chiens non déclarés, absence de muselière sur la voie publique, chiens non tenus en laisse, etc.) ou tout comportement agressif. » En effet, les problèmes rencontrés, comme cela a d’ailleurs été souligné à plusieurs reprises, viennent davantage d’un manque de contrôle sur le terrain que d’un réel défaut de textes législatifs. Des effectifs trop faibles et trop peu de moyens font partie des explications. Il reste toutefois à savoir ce que le ministre entend par « tout comportement agressif ». Cette interrogation avait déjà été soulevée lors de l’établissement de la loi du 6 janvier 1999. Mais force est de constater que les mesures voulues aujourd’hui par le ministre de l’Intérieur font déjà partie de la loi. Le ministère fait face à un constat : elle n’est pas appliquée, car elle n’est pas applicable. Les confrères, experts de l’animal, avaient souligné cet écueil à plusieurs reprises lors des débats législatifs, puis par la suite.

Le ministère de l’Intérieur met une nouvelle fois en avant la possibilité, pour les préfets, de demander « l’euthanasie immédiate en cas de carence du maire ».

« Nous assistons aujourd’hui, surfant sur la vague d’émotion bien naturelle de l’opinion, à une surenchère sécuritaire sur toile de fond électorale. Or modifier la loi de 1999, dans un sens ou un autre, ne peut se concevoir que dans le cadre d’un audit de situation préalable, de travaux d’investigation et d’une analyse précise des statistiques du ministère de l’Agriculture et des hôpitaux. A vouloir prendre des mesures dans l’urgence, la loi du 6 janvier 1999 n’a pas traité la problématique importante de la prévention et n’a fait que stigmatiser un certain type d’animal », estime notre consœur Geneviève Gaillard, qui dirige les travaux du groupe d’étude parlementaire chargé de la protection animale.

« Les catégories de chiens dangereux sont détournées de manière délibérée »

« L’expérience montre que la loi de 1999 classifiant les catégories de chiens dangereux est parfois détournée de manière délibérée », constate par ailleurs le ministère de l’Intérieur. Une nouvelle fois, ce constat a déjà été fait par plusieurs intervenants. « La pratique du croisement des chiens dangereux avec d’autres races permet d’échapper à la classification des chiens d’attaque et de défense », reconnaît ainsi le ministère. Dans nos colonnes, Serge Belais, président de la Société protectrice des animaux (SPA), faisait déjà part, voici plus d’un an, de son inquiétude face « à un accroissement marqué du nombre des rottweilers et des autres chiens de types molossoïdes ». Un sentiment partagé par Geneviève Gaillard.

Dans ce cadre, l’éventualité d’une modification de l’arrêté de classement des chiens dangereux refait surface, pour y inclure « des produits de croisement », selon la volonté du ministère de l’Intérieur. Le débat n’est pas nouveau. La catégorisation des chiens faisait ainsi partie des réticences initiales de plusieurs confrères qui y voyaient « un délit de sale gueule », sans adéquation avec la dangerosité de l’animal. La mise en place de deux catégories de chiens a-t-elle apporté une solution ? Les praticiens seront-ils une nouvelle fois confrontés à une recrudescence des demandes de diagnose de race ?

La difficulté d’agir sur la personne réellement malintentionnée se confirme

« Trop souvent, celui qui déclare le chien à la mairie n’est pas celui qui en a la garde. Cette situation peut faire échec à la loi. Par exemple, une personne sans antécédents judiciaires peut déclarer un animal qui, en réalité, est détenu par un individu plusieurs fois condamné », remarque le ministère de l’Intérieur. Il s’agit là de la conséquence de l’une des carences de la loi du 6 janvier 1999 soulignée lors de son élaboration, c’est-à-dire la difficulté d’agir sur la personne réellement malintentionnée.

Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi de prévention de la délinquance, Nicolas Sarkozy propose d’élargir la capacité d’intervention du maire pour mieux lutter, à titre préventif, contre le phénomène des chiens dangereux. « De même, les maires sont invités à proscrire la présence de ces derniers sur les lieux où se déroulent d’importants rassemblements de personnes », ajoute le ministère de l’Intérieur (la détention des chiens de première catégorie dans les lieux publics est déjà interdite par la loi du 6 janvier 1999).

Enfin, certains confrères évoquent le permis de détention pour certains types de chiens comme une option éventuelle. Dans cette optique, faut-il aussi penser à un système de puce qui permet de localiser l’animal à tout moment ? Ces transpondeurs pourraient-ils alors être placés chez les animaux utilisés à des fins d’armes par des délinquants ? Les questions sont nombreuses et les réponses non tranchées, bien entendu…

Peut-être certains trouveront-ils des pistes dans les mesures évoquées à l’issue du Conseil des ministres du 14 juin dernier. Afin de mieux lutter contre la pratique du croisement des chiens dangereux avec d’autres races, un arrêté interministériel incluant les animaux issus de ces croisements dans la catégorie des chiens dangereux est annoncé dans les prochains jours. En outre, un groupe de travail interministériel est immédiatement mis en place et formulera, avant le 1er juillet prochain, des propositions visant à mieux protéger les personnes.

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