LA FRANCOPHONIE N’EST PAS UN VAIN MOT POUR LES “VÉTOS” - La Semaine Vétérinaire n° 1229 du 10/06/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1229 du 10/06/2006

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Auteur(s) : Agnès Faessel

« Collectivité que forment les peuples parlant le français. » Telle est la définition de la francophonie selon Le Petit Larousse. Les confrères semblent l’avoir bien intégrée d’après les initiatives mises en œuvre dans le cadre tant des associations de formation continue que des écoles. Et quand les Français, les Québécois, les Belges, les Marocains, les Sénégalais, etc., échangent, la profession avance.

D’après le dictionnaire, la francophonie est la « collectivité que forment les peuples parlant le français ». Au-delà de leurs propres préoccupations, franco-françaises notamment, les vétérinaires francophones forment-ils bien une collectivité ? La réponse semble positive, au regard notamment des initiatives prises par les associations de formation continue. Ainsi, elles invitent régulièrement des conférenciers étrangers francophones à participer à leurs congrès. Si la venue d’experts belges ou suisses est facilitée par la proximité géographique, celle des Québécois montre bien leur intérêt à partager leurs connaissances, leurs expériences.

Les organisateurs se félicitent d’ailleurs unanimement de l’ouverture d’esprit qu’autorisent ces échanges. « A l’occasion de nos journées nationales, des conférences ont abordé les méthodes informatiques ou de suivi de troupeaux en place au Québec, par exemple, souligne ainsi Christophe Brard, président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). Même si les caractéristiques des élevages étrangers peuvent se révéler bien différentes des nôtres, le partage d’informations nous permet de progresser dans notre approche des troupeaux. »

Bien entendu, ces échanges sont facilités par un langage commun. Il est difficile d’imaginer, lors des congrès hexagonaux, une conférence animée dans une langue étrangère sans traduction simultanée (qui alourdit la logistique pour les organisateurs). Ecouter, comprendre et réagir à une intervention en anglais est une mission difficile pour de nombreux confrères français. « Mal parler l’anglais peut constituer un frein pour accéder à la formation continue », résume Maurice Roze, ancien vice-président de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac).

Depuis des échanges ponctuels jusqu’à une vraie collaboration

Les Européens ne sont pas les seuls à figurer dans les rangs des congressistes étrangers francophones. Les intervenants issus du Maghreb font aussi le déplacement en France. « Lors des dernières journées de l’Association vétérinaire équine française (Avef), nous avons invité une délégation marocaine de cinq confrères, rapporte ainsi Jean-Yves Gauchot, président de l’association. D’ailleurs, parmi nos cinq cents membres, une trentaine ne sont pas français. »

Les liens peuvent aller jusqu’à l’organisation d’événements communs. C’est le cas du congrès franco-suisse de l’Afvac Rhône-Alpes, dont la 7e édition se tiendra cette année à Lausanne. Le premier forum francophone de chirurgie, organisé à Lyon en juillet 2005 par l’European College of Veterinary Surgeons (ECVS)(1) et l’école vétérinaire de Lyon, constitue un autre exemple. Le professeur Olivier Lepage, de l’école de Lyon, a par ailleurs développé des partenariats privilégiés avec le Canada, le Maroc (accueil d’internes), etc. Pour aller encore plus loin, la toute récente Fédération des associations francophones des vétérinaires pour animaux de compagnie organise cette année son premier congrès (voir article en page 33).

Il apparaît que le rapprochement avec les autres pays francophones est une volonté de chacun, indépendamment du type d’exercice. « Le prochain séminaire du groupe d’étude en cardiologie animale (Geca), organisé en octobre 2006 au Québec, entre dans la politique de l’Afvac sur la francophonie », explique Eric Bomassi, président du Geca.

« Nous sommes demandeurs d’un rassemblement des énergies au niveau européen pour favoriser les concertations sur des dossiers communs, souligne pour sa part Christophe Brard. La structure de la SNGTV est particulière, différente des organisations d’autres pays qui ne comprennent pas forcément le volet de représentation des vétérinaires. » En effet, adosser sa structure à une autre permet souvent aux deux d’être gagnantes. Dans cette optique, un partenariat entre l’Union professionnelle vétérinaire (UPV) en Belgique et la SNGTV se développe suivant deux axes. Le premier concerne le Bulletin des GTV, l’organisme belge ayant l’exclusivité de sa distribution sur son territoire. L’autre intéresse l’organisation des journées nationales des GTV, dont l’UPV assure la promotion et pour lesquelles elle favorise la participation de praticiens belges. « Ces liens nous permettent d’assurer le développement de nos outils de formation continue. Pour sa part, l’UPV en retire une amélioration de son image », synthétise Gérard Bosquet, vice-président de la SNGTV.

La francophonie peut apparaître comme une réaction à la suprématie anglo-saxonne

Les initiatives prises en faveur d’un rapprochement des pays francophones ne peuvent que réjouir. En effet, si l’anglais est devenu la langue scientifique universelle, il ne faudrait pas que la philosophie des pays anglophones muselle les autres sensibilités. « Je suis un ardent défenseur du français. Je recherche toujours les mots et les expressions originaux, explique Pierre Chuit, praticien équin suisse. Mais le combat est inégal ! Les publications scientifiques qui ne sont pas en anglais (même de cuisine) ne sont pas lues et sont parfois mal référencées » (voir l’entretien en page 36).

Si la communauté de langage sous-entend souvent une communauté de pensées, elle facilite en tout cas la communication. Ainsi, Vétonet, association des vétérinaires francophones sur l’Internet, ne compte pas que des adhérents français. Pour Jérôme Zittoun, son président, « en discutant sur nos listes de messagerie, les étrangers francophones recherchent de la convivialité et abordent leurs problèmes, qui sont finalement les mêmes que ceux des Français ! ».

Outre l’enrichissement scientifique attendu par ces échanges, la part des relations humaines est également appréciée. « Les Suisses sont friands de nos formations régionales, rapporte Jean-Michel Bayle, président de l’Afvac Rhône-Alpes. Les participants à ces soirées affectionnent de pouvoir “changer de têtes” ! » « Organiser une semaine de formation au Québec permet de proposer un programme social attrayant », reconnaît pour sa part Eric Bomassi.

La timide mobilité des étudiants français risque d’être freinée

En matière de francophonie, les écoles vétérinaires françaises ne sont pas en reste. « Chacune est liée par un accord de coopération avec le Québec », explique Anna-Manis Münster, en charge des relations internationales à l’école vétérinaire de Nantes. Cet accord prévoit notamment un échange d’étudiants (voir l’article en page 34). Les programmes de type Socrate, Erasmus ou Leonardo da Vinci facilitent également la mobilité estudiantine dans toute l’Europe (francophone ou non), même si les jeunes Français sont encore timides en termes de mobilité. « L’école de Toulouse a développé une base de données propre, explique Dominique-Pierre Picavet, professeur de pathologie infectieuse et coordinateur des relations internationales institutionnelles. Elle est nourrie par les enseignants et les étudiants qui établissent un rapport sur la qualité des stages effectués. » Mais il s’alarme quant à l’organisation du nouveau cursus vétérinaire qui va gêner la mobilité des étudiants. « Les différences avec l’organisation mise en place dans les autres pays sont une réelle source d’inquiétude, car des équivalences seront difficiles à établir avec les autres établissements. » D’après lui, la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) travaille actuellement à la recherche d’une compatibilité du cursus.

Des initiatives françaises visent à soutenir les pays émergents

Des échanges avec les pays francophones émergents sont également privilégiés. Ils comprennent des programmes de formation et de recherche. Par exemple, l’école de Lyon a développé une coopération avec des facultés du Maroc, d’Algérie et de Madagascar (voir l’article en page 36). L’établissement accueille ainsi chaque année des confrères de ces pays pour des stages de quelques mois, voire pour un internat clinique. « Leur formation manque d’apprentissage pratique, explique Gérard Keck, professeur de pharmacie et toxicologie, en charge des relations avec l’Afrique et l’Europe de l’Est. Ils viennent donc développer ce volet ou effectuer de la recherche appliquée. Nous recevons beaucoup de demandes, surtout en provenance d’Algérie. En clinique, nous sommes même davantage sollicités en canine, alors que les besoins de ce pays sur le plan économique se situent plutôt dans le domaine de la rurale. »

Outre ses relations avec le Maghreb et les pays d’Asie (Viêtnam, Cambodge), l’école de Toulouse a signé un accord de jumelage avec Dakar. « Ce partenariat a été dynamisé par la venue de la 44e promotion d’étudiants sénégalais l’an passé, se souvient Philippe Jacquiet, maître de conférences en parasitologie et en charge des relations internationales avec l’Afrique au sein de l’ENV. Mais nous sommes maintenant freinés pour des raisons budgétaires. » En effet, ce type de programme n’est pas (ou peu) financé par le budget alloué aux écoles. Il fait appel à des fonds européens ou à ceux d’autres institutions et à des financements de partenaires privés. Par exemple, le Haut conseil franco-algérien universitaire et de recherche (HCFAUR) sélectionne et accompagne des projets de développement qui impliquent des structures françaises et algériennes. Certains programmes peuvent être gérés par l’Agence universitaire francophone (AUF), qui compte six cent dix-sept membres, dont trois des quatre écoles vétérinaires françaises, et dont l’action, « le soutien et le renforcement de l’excellence universitaire », inclut notamment un développement des partenariats.

« Un défaut de communication entre les différents projets initiés est parfois observé, déplore Anna-Manis Münster. France vétérinaire international (FVI) permet d’obtenir une certaine cohésion. » Cette structure est un groupement d’intérêt public constitué en 2003 qui a pour mission de coordonner l’offre française de formation et de coopération technique vétérinaires. « Ces projets sont portés par les enseignants et représentent un important investissement personnel. » « J’espère que les actions entreprises se développeront, mais cela dépendra de l’énergie que l’on peut y mettre et du temps qu’il est possible d’y consacrer », résume Gérard Keck.

Tout repose le plus souvent sur les relations entre personnes

Les programmes d’échanges universitaires et les actions entamées par les associations vétérinaires dans le cadre de la francophonie ont un lien : la motivation personnelle. En effet, les rapports entre structures ont souvent pour origine un contact privilégié entre deux personnes. « La naissance du congrès franco-suisse est presque un concours de circonstances, relate ainsi Jean-Michel Bayle. Elle est issue des fortes relations d’amitiés entretenues avec un confrère suisse. » Peut alors se poser la question de la pérennité de telles actions… Mais cela dépasse le sujet de la francophonie.

  • (1) Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1191 du 16/7/2005 en page 28.

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