Des mesures sanitaires et médicales préviennent la salmonellose abortive ovine - La Semaine Vétérinaire n° 1229 du 10/06/2006
La Semaine Vétérinaire n° 1229 du 10/06/2006

Affections des moutons

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Pierre Autef

Depuis la suppression de la commercialisation d’un vaccin vivant, le prescripteur peut faire réaliser un autovaccin par un laboratoire ou importer un vaccin dans le cadre de la cascade.

Décrite dans la plupart des zones de production ovine à travers le monde, la salmonellose abortive revêt souvent une importance économique variable. En France, les régions sont inégalement touchées : les élevages de plein air et de semi-plein air du Centre-Ouest et du Sud-Est paient, de façon cyclique, le plus lourd tribut à cette maladie.

L’agent étiologique est une entérobactérie Gram négatif : Salmonella Abortusovis. Elle appartient à la famille des salmonelles entéritiques qui contient plus de deux mille sérotypes caractérisés par leurs antigènes O et H. Salmonella Dublin et Salmonella Typhimurium sont rarement isolées lors d’avortements.

L’avortement survient à la faveur d’un stress, d’une à cinq semaines après l’infection

La salmonellose abortive est une maladie grave économiquement. Les symptômes surviennent en général dans le troisième tiers de la gestation et consistent en l’expulsion d’un fœtus ou d’un agneau mort ou qui meurt dans les vingt-quatre heures qui suivent. Ces événements apparaissent à la faveur de stress divers, d’une à cinq semaines après l’infection : refroidissement brutal, apport alimentaire insuffisant, manipulations. Aucune particularité pathognomonique ne caractérise l’avortement, sinon une hyperthermie décelable par une anorexie vingt-quatre heures auparavant, une grande contagiosité, une morbidité qui peut concerner jusqu’à 60 % du lot, une mortalité chez 5 à 10 % des femelles qui ont avorté. Pendant la première moitié de la gestation, il arrive d’observer des infections salmonelliques qui peuvent alors être confondues avec un syndrome d’infécondité.

Lorsque l’infection survient en toute fin de gestation, l’agneau naît vivant, mais infecté. Il meurt dans les heures suivantes d’inanition, d’hypothermie. Il peut aussi s’infecter peu après la naissance par l’absorption du colostrum, qui entraîne une mort rapide ou des signes divers (diarrhées, pneumonies, etc.) qui peuvent évoluer durant plusieurs jours.

A la suite d’un épisode abortif sévère dans un élevage, une immunité naturelle solide se développe. La maladie peut alors persister à l’état enzootique chez des animaux introduits ou des agnelles de renouvellement. Selon le taux de renouvellement du troupeau et la diminution progressive des animaux porteurs sains, le troupeau est de nouveau totalement sensible en quatre à cinq ans.

S. Abortusovis résiste cent jours dans l’eau de pluie, plusieurs mois dans le lisier et le sol

La contamination a lieu principalement par voie orale, via l’ingestion d’eau ou de fourrages. La bactérie gagne ensuite les nœuds lymphatiques régionaux puis le tractus intestinal, au travers des plaques de Peyer. Une bactériémie transitoire s’effectue vers le foie, les poumons, la rate, pouvant conduire à l’élimination complète, ou par portage dans les ganglions mésentériques, à l’apparition de sujets porteurs asymptomatiques.

Chez la brebis gestante, la bactérie gagne le placenta, se multiplie au niveau de l’épithélium chorionique, puis atteint la circulation fœtale, provoquant une septicémie. Les matières virulentes sont constituées de tous les produits de l’avortement : eaux fœtales, placenta, glaires, caillots, fœtus, etc., puis des excréments des animaux porteurs. Pour l’agneau, l’infection peut survenir lors de l’ingestion du colostrum, avec le lait ou au moment du passage de la filière pelvienne. Après l’avortement, la brebis peut excréter la bactérie pendant deux à trois semaines par voie vaginale.

Salmonella Abortusovis résiste cent jours dans l’eau de pluie, deux à trois mois dans le lisier, plusieurs mois dans le sol et plusieurs semaines dans les fourrages. Elle craint le soleil, la déshydratation et des températures inférieures à 10 °C et supérieures à 42 °C. Divers vecteurs peuvent contribuer à sa transmission d’un élevage à l’autre, par exemple les cours d’eau (la maladie suit les élevages situés tout du long), les chiens, les oiseaux, les éleveurs, etc.

Isoler les brebis qui viennent d’avorter et détruire les produits de l’avortement

Le peu de particularités cliniques de l’affection nécessite un diagnostic de laboratoire. Il existe trois types de prélèvements de choix :

- le fœtus, le placenta (coloration de Gram et mise en culture sur les tissus fœtaux) ;

- des écouvillons vaginaux (possibilité de prélever pour un diagnostic direct jusqu’à trois semaines après l’infection) ;

- des prises de sang en vue d’une séro-agglutination sur Ag O et Ag H (au moins cinq prélèvements, pas avant vingt-quatre heures après l’avortement et jusqu’à quatre à cinq semaines après), en sachant qu’en l’absence de contact ultérieur avec la bactérie, les taux d’anticorps évoluent et deviennent indétectables deux à trois mois après l’avortement et que certaines brebis non porteuses peuvent rester marquées sérologiquement (selon les résultats du laboratoire de la Vienne : taux d’anticorps inférieur à 1/640 : animal négatif ; compris entre 1/640 et 1/1 280 : faiblement positif ; supérieur à 1/1 280 : positif).

Le diagnostic différentiel doit prendre en compte le moment de l’avortement (voir tableau 1).

Le traitement, qui s’adresse aux brebis encore gestantes, passe préalablement par des mesures sanitaires d’isolement de celles qui viennent d’avorter et de destruction large des produits de l’avortement. Il peut être effectué dans l’urgence en l’absence de résultats d’analyse et fait appel à des oxytétracyclines longue action dont l’activité vis-à-vis de Salmonella Abortusovis est inconstante (existence de nombreux cas de résistance), mais dont celle vis-à-vis d’autres germes abortifs est avérée (Coxiella burnetti, Chlamydophila, etc.). Lorsque le diagnostic de salmonellose est établi, l’emploi de médicaments dont le résumé officiel des caractéristiques du produit ne mentionne pas les ovins comme espèce cible peut être un recours. Il s’agit surtout du florfénicol (Nuflor®), des fluoroquinolones (Baytril®, Marbocyl®, A180®, etc.).

Faire réaliser un autovaccin ou importer un vaccin dans le cadre de la cascade

Jusqu’à ces dernières années, la prévention médicale s’appuyait sur l’utilisation d’un vaccin vivant dont la commercialisation a été supprimée. Deux possibilités s’offrent désormais au prescripteur. La première est la réalisation d’un autovaccin. Dans ce cas, le prélèvement est réalisé par le vétérinaire obligatoirement dans l’élevage concerné par la future vaccination. Le laboratoire de diagnostic isole ensuite la salmonelle (sur contenu stomacal du fœtus exclusivement(1)). Puis le praticien prescrit la fabrication d’un autovaccin auprès de l’un des quatre fabricants en cours d’agrément (voir en page 42). Sur cette ordonnance figurent le nom et l’adresse de l’éleveur, l’espèce, le nombre de doses, la nature de l’isolement et la posologie.

La deuxième option consiste à importer un vaccin dans le cadre de la cascade. Cela est possible dans la mesure où il n’existe pas, en France, de médicament vétérinaire approprié, y compris « hors AMM ». Dans ce cas, la demande d’importation est présentée par le vétérinaire pour le compte de l’éleveur. C’est donc le détenteur des animaux qui est le titulaire de l’autorisation d’importation et non le vétérinaire ou le pharmacien. Le praticien qui présente la demande à l’Agence nationale du médicament vétérinaire doit la justifier et y joindre une prescription dans le cadre de la cascade en précisant les quantités et la durée du traitement (un an au maximum)(2). Les douanes sont en droit d’exiger la copie de l’autorisation pour permettre l’entrée de ces médicaments. Il s’agit notamment du Bedsa vac® (250 ml, 50 ml), un vaccin espagnol inactivé (valences contre Salmonella Abortusovis et Chlamydophila) qui nécessite, selon le fabricant, deux injections de 2 ml par voie intramusculaire avant et après la lutte.

Recenser et limiter la circulation bactérienne, gérer les échanges

En matière de prévention sanitaire, quelques précautions élémentaires sont à respecter : maîtriser l’alimentation, contrôler les populations de rongeurs, prévenir la contamination de l’eau et des aliments, éviter le mélange des lots à des stades de gestation différents, être vigilant lors des introductions.

Une prévention médicosanitaire incluant et complétant ces mesures peut être mise en œuvre. Elle s’appuie d’abord sur un recensement de la circulation bactérienne via un sondage sérologique chez vingt à trente brebis entre trois semaines et trois mois après la mise bas (montée et maintien des anticorps). La principale limite est liée à l’existence de quelques animaux porteurs sérologiquement négatifs et de non porteurs sérologiquement positifs.

Une limitation de la circulation bactérienne peut également être envisagée par la vaccination au moyen de vaccins inactivés (deux injections de primovaccination avant ou autour de la lutte avec un rappel annuel). Dans cette situation, l’avantage de l’autovaccin est d’être étroitement lié à l’épidémiologie locale. Son principal défaut est de nécessiter un isolement, donc une infection préalable. L’utilisation d’un vaccin importé permet de s’affranchir de cette dernière contrainte. En revanche, son adaptation au terrain reste à démontrer. Ces deux types de vaccins (autovaccins et vaccins importés) limitent la circulation, mais n’empêchent pas l’excrétion. Leur efficacité dans des conditions de terrain est à explorer sur le long terme.

La gestion des échanges est la troisième mesure de prévention médicosanitaire à envisager (voir tableau 2). En termes de statut sanitaire, une adéquation entre le vendeur et l’acheteur doit être recherchée. Un dépistage sérologique unique chez un bélier à l’achat, par exemple, ne présente que peu d’intérêt. Toutefois, cette méthode peut se révéler utile pour l’achat de lots d’animaux. Elle a pourtant quelques limites. En effet, les agnelles présentent une excrétion moins forte que les brebis qui ont potentiellement avorté. La réponse sérologique sera donc moindre chez ces animaux. Par ailleurs, l’existence de porteuses asymptomatiques est possible (même si le risque est inférieur par rapport aux brebis). Lorsqu’un dépistage est réalisé chez les brebis, il est nécessaire de connaître la date de l’agnelage (ou de l’avortement) de manière à pouvoir interpréter la sérologie. Des porteuses asymptomatiques peuvent également être observées.

  • (1) Les autres tissus – foie, rate, encéphale, placenta – sont considérés comme à risque vis-à-vis des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles.

  • (2) Les demandes d’importation dans le cadre de la cascade sont à adresser au directeur de l’Afssa-ANMV, Agence nationale du médicament vétérinaire, BP 90203, 35302 Fougères Cedex.

AUTOVACCINS

Les quatre fabricants d’autovaccins en cours d’agrément sont Biovac (Angers, Maine-et-Loire), Filavie (Saint-Herblain, Loire-Atlantique), le laboratoire départemental d’analyses d’Ille-et-Vilaine (Rennes) et celui des Côtes-d’Armor (Ploufragan).

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