Le chimpanzé est le réservoir naturel du virus du sida

Le chimpanzé Pan troglodytes troglodytes a été identifié comme le réservoir naturel du virus du sida VIH-1 (virus de l’immunodéficience humaine)⁽¹⁾. Plusieurs communautés de ce primate, au sud-est et au centre-sud du Cameroun, sont porteuses du SIVcpz (simian immunodeficiency virus), un virus simien proche du VIH-1, avec une prévalence de 23 à 45 % parmi les plus touchées. Une équipe internationale, comprenant notamment des scientifiques français de l’Institut de la recherche pour le développement (IRD), a effectué des analyses moléculaires et phylogénétiques à partir de 599 spécimens fécaux provenant de cette sous-espèce et d’une autre, P. t. vellerosus. 34 échantillons, représentant 16 individus P. t. troglodytes, contenaient des anticorps réactifs aux antigènes des groupes M et N du VIH-1. Aucun échantillon de P. t. vellerosus n’en était porteur. Les souches du SIVcpz sont proches de celles qui avaient été détectées pour la première fois en 1989 chez des chimpanzés en captivité.

Le mode de transmission à l’homme est probablement relié à la viande de brousse

Cette étude moléculaire épidémiologique apporte de nouveaux éclairages sur l’origine du VIH-1 et la pandémie de sida. Le SIVcpz serait issu d’une recombinaison de souches primitives de SIV, qui continuent à infecter d’autres primates, des mangabeys et des cercopithèques, en Afrique centrale occidentale. Les chimpanzés auraient acquis le virus par transmission interespèces. Et, pour certaines sous-espèces d’entre eux seulement, avant ou après leur divergence avec les autres. La transmission à l’homme a été repérée au début du XX^e siècle, avec plusieurs foyers distincts. Pour les chercheurs, « le groupement phyléogéographique des souches nouvellement identifiées [de ce virus] permettent de relier l’origine du virus humain actuel du sida à des communautés distinctes de chimpanzés ». Selon eux, la diversité génétique et le groupement phyléogéographique du SIVcpz plaident pour l’existence possible d’autres souches, avec les risques correspondant pour l’espèce humaine. Eric Delaporte, l’un des auteurs de l’étude, rappelle que l’aire de répartition de P. t. troglodytes s’étend sur le bassin du Congo, c’est-à-dire aussi au Congo, au Gabon et en République centrafricaine. Le mode de transmission à l’homme est probablement à relier à la viande de brousse, une exploitation de la faune pour sa chair qui affecte quantité d’espèces animales en Afrique, dont les primates : les chasseurs pourraient être contaminés par blessure.

Outre l’extension de ce type d’étude à d’autres zones géographiques, il reste à comprendre la raison pour laquelle le chimpanzé est un porteur sain du virus, à la différence de l’homme.

• (1) B.F. Keele et coll. : « Chimpanzee reservoirs of pandemic and nonpandemic HIV-1 », Sciencexpress (www.sciencexpress.org), 10.1126/science.1126531, 25/5/2006.